Le Royaume de Midra est en danger. Des armées démoniaques sont parvenues à envahir les alentours et il ne reste plus beaucoup d’espoir avant que ce havre de paix ne disparaisse dans les ténèbres. Ne pouvant se résoudre à voir sa terre souillée par ces soldats du Chaos, le Fantôme de Midra – jadis prince de la contrée - décide d’utiliser ses pouvoirs pour éjecter le mal de sa belle région. Et le fait qu’il s’agisse d’un spectre change beaucoup de choses…

LE CORPS ET L’ÂME

S’il reste classique dans sa démarche, Rogue Spirit a pour lui un concept assez génial. En effet, pour ne faire plus qu’un avec le monde des vivants, le fantôme du prince doit s’emparer des corps ennemis pou mener à bien ses différents objectifs. Sans cela, il n’a aucune possibilité d’interaction avec les individus à vaincre. Ainsi, à l’inverse des autres jeux du genre, le switch entre les différents protagonistes repose sur la faculté de l’esprit à contrôler les âmes. Et comme on peut s’en douter, c’est tout ce qui fait l’originalité de Rogue Spirit. Chaque biome est l’occasion de rencontrer de nouveaux ennemis – et donc, de nouveaux corps plus puissants et avec des capacités inédites – pour progresser dans un univers hostile et exigeant. Car oui, Rogue Spirit est terriblement exigeant.

De façon traditionnelle, le joueur débute son périple au sein du village de Midra. Entièrement sécurisée, la zone permet d’accéder à des magasins et diverses activités (on y reviendra) et surtout aux différents biomes du jeu. Rogue Spirit est bâti sur une structure très simple, avec deux niveaux à visiter, puis un boss à affronter. Rogue-lite oblige, il faut atteindre ce fameux boss, puis le vaincre, sous peine de revenir au village et d’être dans l’impossibilité de progresser. Autant dire qu’on en bave…

À CORPS ET À CRI

Outre les corps qu’on emprunte, Rogue Spirit distille des idées fort intéressantes. Si le joueur le désire, il peut tout à fait garder son enveloppe de spectre – le rendant alors invisible aux yeux de l’ennemi – et suivre le chemin jusqu’au portail qui mène au biome suivant. Le problème, c’est qu’agir de la sorte empêche toute amélioration des facultés et peut poser d’énormes soucis face à des boss redoutables. Les développeurs de Kids With Sticks ont également durci cette possibilité en intégrant un système à la Metal Gear Solid. Concrètement, les ennemis effectuent des rondes (plus ou moins aléatoires) et disposent d’une zone de repérage matérialisée par un cône de lumière. Et il suffit de rester trop longtemps dans cette fameuse zone de ciblage pour que votre gentil spectre retrouve sa forme humaine et se retrouve à la merci de TOUS les adversaires de la zone. L’intelligence artificielle est assez relevée, ce qui fait que les opposants sont capables de vous détecter de loin, tout en avertissant leurs petits compères à proximité. En d’autres termes, il est tout à fait possible de garder son apparence de fantôme, mais il faut le faire avec parcimonie sous peine d’être rapidement submergé. Et là, en fonction de l’individu que vous incarnez, ça peut ne pas pardonner. Ce qui induit un retour à l’envoyeur, avec la perte aussi intégrale de votre loot. Et celui-là, vous vous en doutez, a une grande importance.

EN CORPS ET EN CORPS

Rogue Spirit est dur, c’est une certitude. On perd très souvent, et il faut un petit temps d’adaptation pour comprendre ses mécaniques, et notamment l’utilisation des corps. En effet, il n’est pas rare que l’on débute avec un « corps » qui ne convient pas (personnage trop lent, trop lourd, etc.) et on a donc envie de changer rapidement. Le souci, c’est qu’il faut s’assurer de prendre un corps pas trop amoché (un opposant qui a pris cher aura une barre de vie très faible). L’autre élément vital réside dans la capacité du joueur à booster son avatar. Pour ce faire, deux collectibles entre en jeu : les pièces utilisables chez le marchand et les gemmes octroyant des aides considérables. La boutique du marchand est loin d’être accessible (le premier prix est à 150 pièces), mais elle dispose de plusieurs amulettes utiles (Boost de vie, Maîtrise du combat rapproché, Vengeance défensive…) pour les affrontements. Les gemmes, quant à elles, sont acceptées par l’Arbre Gardien du village et augmentent les chances de victoire. Prodige de la finance (on conserve l’or acquis), Départ d’élite (on débute avec un corps surpuissant), Boomerang explosif… ces facultés confèrent au joueur de quoi résister au plus terrible des ennemis. Mais il ne faut pas croire qu’elles suffiront… Parmi les autres joyeusetés que propose le titre, on note la présence de familiers (petites créatures) épaulant l’avatar dans les combats, mais l’apport de ces entités est malheureusement anecdotique. L’autre déception provient des personnages à distance et du système de visée vraiment perfectible. Il n’y a pas de cible à proprement parler, il faut juste attendre que l’individu apparaisse en surbrillance pour se mettre à tirer et faire mouche. Seulement, l’attente est antinomique à la difficulté d’un jeu demandant beaucoup de réflexes (même si les actions se résume à des attaques faibles, concentrées et une dernière, plus puissante). On est donc souvent amené à prendre des individus adeptes du combat rapproché. Certaines personnes auront aussi du mal à l’aspect un peu lent des déplacements. C’est un choix assumé, mais qui ne conviendra pas à tout le monde.

A’CORPS MÉLODIEUX

Rogue Spirit est un jeu exigeant et très prenant. On meurt beaucoup, mais la marge de progression est telle qu’on finit par trouver des stratagèmes qui permettent d’avancer. Forcément redondant, il a pour lui une réalisation qui flatte la rétine. Le cel-shading sied à merveille à la direction artistique inspirée des œuvres de Ghibli. Les couleurs sont superbes et il y a des décors de toute beauté. Les personnages sont également réussis et chacun dispose de sa propre palette de coups pour s’adapter aux différents joueurs (rapide, lent, puissant, plus faible, coups à distance, combat rapproché…). La musique aux teintes asiatiques n’est pas en reste et on sent que le sound design, dans son ensemble, a fait l’objet de gros efforts. Les cinq environnements auraient pu être un peu plus variés, mais ce n’est clairement pas sur sa plastique et son ambiance que Rogue Spirit peut être attaqué. Pour l’heure, c’est surtout son manque d’équilibrage qui risque de faire fuir les moins patients. Le fossé entre certains personnages trop important (là encore, en grande partie, à cause du système de visée) et le démarrage est franchement douloureux. Il est tout à fait possible que vous passiez des heures et des heures pour atteindre, ne serait-ce, que le premier boss. L’obtention de la mine ou l’activation des totems (boostant le personnage) permet de faciliter sa progression, mais il vous faudra d’innombrables heures de pratique pour résister aux défis des fragments du chaos (avec une zone restreinte et des ennemis surpuissants), aux boss, aux petits démons venant suppléer les armées adverses, aux guerriers élémentaires (plus résistants que les hôtes habituels) ou, plus généralement, pour maîtriser les multiples pouvoirs (de glace, de feu, électrique…). Autant dire qu’avec ses 20 personnages et ses 10 niveaux, la formule à petit prix risque de faire fondre les amateurs de challenge et d’univers à la Ghibli.

Conclusion