Pour bien comprendre le lien entre Shin Megami Tensei (SMT) et Persona, une petite remise en contexte s'impose. Au départ, SMT est une saga de J-RPG débutée en 1992 sur Super NES qui met en scène des combats au tour par tour face à des démons. Au fil du temps, cette dernière a donné lieu à de nombreux spin-off (Shin Megami Tensei : Devil Summoner, Shin Megami Tensei : Digital Devil Saga, Shin Megami Tensei : Devil Survivor...) dont l'une va connaître un succès mondial : Shin Megami Tensei : Persona. Si Persona 3 et Persona 4 obtiennent un certain écho en Occident et conservent "Shin Megami Tensei" dans leur titre, ce dernier est abandonné avec la sortie de Persona 5 qui propulsera la série comme l'une des franchises incontournables du J-RPG moderne. Aujourd'hui, puisque Persona est mondialement plus connu que SMT, on peut dire que l'élève a dépassé le maître.

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Le destin du monde entre vos mains

Mais contrairement à un Persona 5, ici, pas de gestion du quotidien ou des relations sociales, SMT V est un J-RPG plus classique qui partage de nombreux points communs avec le troisième opus de la série, Shin Megami Tensei III : Nocturne, à commencer par son histoire. Dans la grande tradition des héros de la franchise, on incarne donc un jeune lycéen de Tokyo bien évidemment mutique. Alors qu'il rentre de l'école, une scène de meurtre macabre bloque son chemin et l'oblige à faire un détour. Malheureusement, suite à l'effrondrement du tunnel qu'il empruntait, notre héros perd connaissance et se réveille dans un désert qui lui est inconnu. En réalité, il s'agit de Tokyo qui a été ravagé par l'Apocalypse et que l'on nomme désormais Da'at. Alors qu'anges et démons s'offrent une lutte acharnée, notre protagoniste est sauvé suite à l'intervention d'un mystérieux individu. Ce dernier lui transmet ses pouvoirs pour faire de lui un Nahobino, un être ni-humain ni-démon aux longs cheveux et à l'armure bleus qui se défend à l'aide de sa lame d'énergie. Tout l'enjeu de l'aventure est alors d'explorer ce monde en ruines pour trouver des réponses et comprendre la place du Nahobino dans ce conflit entre l'ombre et la lumière qui décidera du destin du monde.

Au-delà de ces prémices plutôt classiques pour un SMT, il faut reconnaître que l'intrigue de ce cinquième épisode de la série principale met du temps à se mettre en place avant de véritablement décoller une fois ses enjeux révélés. Mais si SMT III brillait par son atmosphère mélancolique et son sentiment de solitude, SMT V renoue avec une cadre plus classique à cause des personnages secondaires qui entourent le protagoniste et qui annulent la sensation d'isolement. Cependant, pas de quoi gâcher le charme de l'univers Shin Megami Tensei qui reste unique dans le paysage vidéoludique avec son ambiance de fin du monde et son bestiaire inspiré des foklores des quatre coins du globe.

C'est donc sans grande surprise que l'on retrouve des créatures issues de mythologies que l'on voit souvent dans le jeu vidéo (nordique, grecque, égyptienne, japonaise...), mais aussi d'autres beaucoup moins exploitées (hindoue, mésopotamienne, assyrienne, océanienne...). Par cette diversité, les démons constituent l'un des grands points forts de l'aventure grâce à leurs designs étranges tous plus réussis les uns que les autres et à leurs animations en combat qui ont fait l'objet d'un grand soin. D'ailleurs, on salue les petits panneaux textes qui accompagnent chacun d'entre eux et qui permettent d'en apprendre plus sur leurs origines. Enfin, l'aura si particulière du titre se ressent aussi à travers la musique qui comporte des sonorités électro étranges qui font partie de l'identité de SMT.

Une libre exploration au prix de la technique

Mais là où SMT V brille tout particulièrement face à ses aînés, c'est surtout dans son exploration. Cette fois-ci, fini les cartes où l'on déplace un pion pour aller d'une ville ou d'un donjon à l'autre, ce nouvel épisode offre de vastes zones ouvertes dans lesquelles le joueur évolue à sa guise.Bien évidemment, il est toujours question de se rendre d'un point à l'autre pour affronter des boss et faire progresser le récit, mais c'est en chemin que l'on dispose d'une grande liberté. Grâce à sa mobilité, le Nabohino est capable d'explorer de fond en comble les bâtiments en ruines de cette ville dévastée qui rappellent le monde de NieR Automata.

À travers ce level design assez réussi, on trouve des coffres ou des distributeurs automatiques qui donnent aussi bien des objets utiles que des babioles à revendre. Sur votre chemin, vous pourrez aussi tomber sur des Abscès, sorte de grandes tours tentaculaires défendues par un boss, qui une fois vaincu débloque de nouvelles compétences passives. Ces dernières doivent ensuite être achetées à l'aide de points de "Gloire" que l'on récolte en cours de route. Enfin, l'exploration est aussi facilitée par le voyage rapide qui se fait sans aucun temps de chargement au sein de la même zone. Face à cette liberté de mouvement, les quelques rares donjons du jeu apparaissent comme d'autant plus fastidieux à cause de leur aspect labyrinthique et de leur durée un chouïa trop longue.

Malheureusement, cette liberté a un coût : celui de la technique. Alors que SMT III était un jeu PS2 et SMT IV un titre 3DS, avec ce cinquième épisode, la série fait un bond en avant graphiquement grâce au moteur de jeu Unreal Engine 4. Malgré cet outil performant, le titre souffre tout de même des limitations techniques de la Switch. Aliasing très présent, éléments du décor qui apparaissent à vue d'oeil, effet de scintillement sur le sable au sol... Résultat, l'image générale manque de finesse et de netteté, surtout dans ces environnements post-apocalyptiques assez génériques. De plus, que ce soit en docké ou en portable, les ralentissements sont assez fréquents lorsque l'on se met à sprinter dans des paysages un peu trop chargés ainsi que dans certaines cinématiques. Cependant, ces quelques lacunes n'entravent pas pour autant l'expérience de jeu car les combats ne sont jamais impactés et restent fluides, contrairement à ceux de SMT III HD sorti plus tôt cette année par exemple.

Pokédémons, recrutez-les tous !

Pour ce qui est des affrontements, les joueurs de Persona seront en terrain connu puisque le titre reste fidèle à l'ADN de la saga. Ainsi, il est toujours question d'affronter des démons dans des combats au tour par tour avec pour mécanique centrale celle du Press Turn, assez similaire au One More de Persona 5. Concrètement, lorsque vous exploitez le point faible d'un ennemi ou faites un coup critique, vous gagnez un tour supplémentaire. Au niveau des nouveautés, SMT V met en place une jauge de Magatsuhi qui se remplit tout au long de l'affrontement et qui vous donne accès à de puissantes capacités de soutien dont celle de garantir les coups critiques lors du tour suivant.

Pour vous aider, les démons peuvent être recrutés en négociant avec eux en plein combat. À travers des dialogues souvent très drôles, ces derniers vous demanderont de l'argent, des objets ou vos points de vie avant de venir avec vous. Pour renforcer votre équipe, il faudra faire un passage au Monde des Ombres, un lieu auquel on accéde depuis n'importe quel point de sauvegarde. C'est ici que l'on fusionne des monstres pour créer des êtres plus puissants ou encore transmettre des compétences au Nahobino ou à ses alliés grâce aux Essences, des âmes matérialisées qui contiennent des capacités. Vous l'aurez compris, SMT V possède de riches mécaniques de J-RPG qui permettent de personnaliser à fond chaque membre de son équipe.

Et heureusement que le titre propose une grande flexibilité car comme tous les jeux de la franchise Shin Megami Tensei, ce dernier est d'une difficulté relevée et les morts sont très fréquentes. Ainsi, il n'est pas rare de voir son équipe se faire vaporiser face à des ennemis communs qui exploitent correctement les mécaniques de Press Turn et les compétences de Magatsuhi. La prudence est donc le mot d'ordre pour progresser, surtout face aux boss qui constituent les principaux challenges de l'aventure. C'est dans ce genre de situations que les options de personnalisation prennent tout leur sens car elles permettent de s'adapter face à ces adversaires redoutables. De plus, si vous bloquez dans un passage en particulier, sachez qu'il est possible de basculer le jeu en facile à tout moment. Notez qu'un mode safety encore plus accessible sera disponible en DLC gratuit au lancement du jeu pour ceux qui souhaitent surtout profiter de l'histoire du jeu.

Malgré ces options d'accessibilité, il faut bien noter que SMT V ne s'adresse pas à tout le monde. Le titre n'en reste pas moins exigeant et difficile, surtout lorsqu'il demande au joueur d'éliminer des ennemis en boucle et de passer de longs moments dans les menus pour optimiser son équipe pendant une cinquantaine d'heures. Même avec la préparation adéquate, les boss sont parfois frustrants à cause de leur puissance destructrice et il n'est pas rare qu'un de ces d'affrontements se terminent sur le fil. Par son aspect de J-RPG "à l'ancienne", ce type d'expérience aux codes bien définis peut en rebuter plus d'un et se destine donc à un public en particulier.

Conclusion

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