Après un mod horrifique sur Half-Life 2 ayant connu un certain succès, We Create Stuff voit ses ambitions à la hausse en sortant son propre jeu d’horreur dit “psychologique”. Dans ce dernier vous incarnez Desmond Wales, un psychothérapeute qui, bloqué dans un monde entre réalité et fiction, doit revivre le destin tragique de quatre de ses patients malheureusement décédés. Pour ce faire, il ne s’agira pas juste de vous plonger dans les souvenirs de vos séances passées, mais de traverser différents mondes alternatifs, fruits de leurs peurs et de leurs traumatismes. Entre psyché et réalité, la ligne est parfois bien fine et c’est sur cela que joue In Sound Mind pour proposer sa propre version de cette horreur “psychologique”, que beaucoup ont tenté de retranscrire sans y parvenir. Mais lui, parvient-il à relever le défi ?
Where is my mind ?
Pourtant In Sound Mind partait plutôt gagnant avec son concept. Après tout, quoi de mieux pour un jeu d’horreur que de s’aventurer dans les méandres de la folie de divers patients ? Pour ce faire, il vous faudra trouver les quatre cassettes contenant les enregistrements de vos échanges avec chacun des patients. Le principe est simple mais assez bien amené : trouver une cassette, la mettre dans le lecteur et entrer dans le monde qui s’ouvre alors à vous. Une fois ainsi transporté, votre but est simple : conjurer l’esprit tourmenté de votre ancien patient, dans le lieu même où il vécut ses derniers instants. Pour ce faire, il vous faudra apprendre à connaître cet “ennemi” afin d’exploiter ses faiblesses (de la peur du regard des autres à la paranoïa) et soigner son âme. C’est pour cela que chaque cassette débute et se clôture avec une phase d’écoute, permettant d’introduire chaque patient, non sans faire grandir une certaine forme d’empathie qui se veut centrale dans cette œuvre.
Une mécanique intelligente qui sert l’intrigue sans rajouter de l’ennui et de la longueur à un jeu qui jauge bien sa durée de vie. Les plus lourdes cassettes peuvent prendre jusqu’à trois heures pour être explorées, portant ainsi la durée de vie de ce jeu à une bonne dizaine d’heures. Pas de quoi rougir donc, surtout que multiplier les heures de jeu aurait rendu le tout redondant, ce qui n’est pas le cas ici. On se laisse en effet porter au fil des mondes et de l’intrigue, sans jamais vraiment voir le temps passer, et cela grâce à l’ambiance particulièrement prenante de ce titre.
Il faut dire que pour proposer un tel jeu, c’est ce point qu’il faut avant tout travailler. Une réussite donc du côté de We Create Stuff, qui manie habilement son histoire et les lieux où elle se déroule, qui ne sont d’ailleurs pas choisis au hasard. Les développeurs ont en effet glissé çà et là des éléments symboliques, comme le phare autour duquel on évolue pour venir en aide à une âme phobique du noir. On retrouve également des références à des récits mythologiques comme celui de Méduse, d’Icare ou du Minotaure. Vous l’aurez compris, niveau écriture In Sound Mind n’est pas en reste, et ce sans être trop verbeux.
Mais cette ambiance particulièrement prenante, elle existe également à travers le très bon sound design de ce jeu à la première personne. Il faut dire que les développeurs de chez We Create Stuff ne se sont pas alliés avec n’importe qui. C’est le groupe The Living Tombstone, notamment à l’œuvre sur la saga Five Nights at Freddy's, qui s'est chargé de la bande-son du jeu. Une bande-son qui sublime l'expérience et que les développeurs ont tenu à mettre en avant en jeu à travers la collection de vinyles. Niveau son à proprement parler, on sent qu'un effort tout particulier a été fourni. Les petits bruits de pas, de chutes et autres sont savamment employés pour maintenir la tension et le stress. Rajoutez à cela un joli travail sur les couleurs et vous obtenez un tableau fort bien léché qui vous attrape pour ne jamais vous lâcher. Néanmoins, il est important de noter que les graphismes et les textures sont bien loin des standards actuels, ce qui peut s'avérer décevant, comme bien d'autres points qui viennent entacher la qualité d'In Sound Mind.
Le fond avant la forme
Parce que lorsqu'on s'écarte un peu de la trame et de l'ambiance pour se pencher sur le gameplay et l'aspect technique, le bât blesse. Le jeu souffre de quelques lags, sans parler des chutes de framerate qui sont assez fréquentes, sortant parfois le joueur de cette ambiance captivante. À côté de cela, on note un système pour changer d'arme obsolète et agaçant, ainsi que des sauts trop souvent hasardeux, pouvant même devenir frustrant. D'autant plus que tomber dans des eaux hostiles après un saut raté rime malheureusement avec des temps de chargement un poil trop long. Ce point en tête, on se demande même à quoi peuvent bien servir les quelques phases de plateformes mal pensées, si ce n'est à occuper inutilement le joueur tandis qu'il écoute les différentes cassettes. In Sound Mind se porterait bien mieux sans elle. C'est d'ailleurs l'un des points problématiques de ce jeu : rajouter des éléments disparates, souvent déjà présents dans d'autres jeux et parfois sans réel intérêt autre que combler les trous.
In Sound Mind n'invente malheureusement rien. Il rappelle Resident Evil de par ses allers-retours ou Layers of Fear sur le traitement de la folie. Alors certes, peu sont les jeux à innover, mais cette aventure horrifique ne se contente pas de reprendre ce qui a fait ses preuves auparavant, elle le fait mal. Gérer la batterie de sa lampe (à la manière d'un Outlast), par exemple, ne se révèle pas être un si grand enjeu. La crainte de se retrouver dans le noir est dérisoire au vu du nombre de piles qui vous attendent tout au long de votre aventure. Et quand bien même vous vous retrouveriez à court de jus, il est toujours possible de progresser sans grand mal.
On ressent le même goût d'inachevé en s'essayant aux quelques phases de combats. En effet, des ombres chercheront tout du long un moyen de vous barrer la route... sans réel succès. Si vous pouvez choisir de les fuir (solution la plus simple d'ailleurs), il est également possible de les dissiper à coups de pistolet, et autant dire que l'immersion est ici loin d'être au rendez-vous. Les sensations de tir sont inexistantes, ainsi que les notions de concentration et d'adrénaline. Pour venir à bout de ces créatures d'encre, il suffit donc de tirer dans leur tête sans grande conviction et surtout aucun plaisir.
Puisque l'on parle gameplay, il est à noter tout de même que le jeu se trouve être très facile à prendre en main, et ce malgré le manque d'indications. Les développeurs, afin de renforcer l'immersion, se font plutôt discrets et c'est appréciable : pas de mini-map, peu d'indications et encore moins d'indices. Il n'est pas rare de tourner en rond quelques minutes avant de trouver le lieu qui nous intéresse ou le moyen de résoudre une énigme (pour la plupart ingénieuses). Cela permet de corser un peu un jeu relativement facile dans l'ensemble, et ce sans tomber dans le piège de la lassitude et de la frustration. Surtout qu'In Sound Mind se la joue souvent surprise-surprise pour ponctuer vos explorations, avec tout l'effroi nécessaire à un bon jeu d'horreur.
Docteur, fais-moi peur
Mais alors est-ce qu'on a peur dans In Sound Mind ? En tout cas, ce serait mentir de dire qu'il n'y a pas une tension constante dans ce jeu. L'ambiance décrite plus haut marche bien. Sombre et mystérieuse, elle plonge le joueur dans les tréfonds de l'âme et de la psyché. Comme tout bon jeu d'horreur « psychologique », In Sound Mind joue sur les sentiments et les mécanismes du cerveau humain, notamment l'incertitude et la peur de l'inconnu.
La dynamique de ce jeu tourne en effet autour de questions laissées en suspens. Comme souvent dans ce genre de jeu, vous vous réveillez, à moitié amnésique, dans la cave de votre immeuble submergé par une force obscure. Harcelé par un mystérieux tortionnaire, il vous faut découvrir ce qu'il se passe, ce qu'il vous veut, et relier les différents éléments entre eux. En effet, les chapitres retraçant l'histoire des quatre patients sont d'une certaine façon liés, forgeant et alimentant votre propre histoire, tout comme les conversations que vous auraient avec votre chat (qui parle) au fil du jeu. Entre complots et questions existentielles, ce scénario se perd parfois un peu, mais laisse tout de même une trace en explorant des thèmes puissants et parlants, comme le deuil, la folie ou la nécessité d'accepter sa part d'ombre.
Pour ce qui est des amateurs de grands frissons, ils pourraient malheureusement bien rester sur leur faim. Si In Sound Mind joue avec votre cerveau, il ne fait pas profondément peur. Certes quelques jumpscares bien pensés vous feront sursauter, mais pas de quoi stresser une fois seul dans son lit. À vrai dire, il n'y a pas de quoi stresser tout court, car le jeu ne parvient pas à établir de véritables menaces. De nombreux moments vous poussant à agir dans l'urgence et la peur se révèlent n'être que des simulacres de tension, et vous ne risquez pas grand chose à prendre votre temps. Pas besoin de faire de grands efforts non plus pour rester en vie, et ce malgré les monstres et l'aspect jeu de survie d'In Sound Mind. Et si la mort vous frappe, pas de panique car les points de sauvegarde sont si nombreux que vous ne perdrez que peu de chose. En somme, la pression qu'introduit l'ambiance peine à perdurer à travers le gameplay, pas assez punitif. Sans compter qu'on finit par s'habituer aux monstres à fuir et aux choses qui se déplacent dès que l'on a le dos tourné... Et puis, comment avoir la chair de poule face à un macabre mannequin qui finit par s'avérer plus drôle qu'effrayant ?
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Points forts
- Une ambiance sublime portée par une bande-son prenante
- Un concept et des énigmes bien amenés
- Un traitement de la psyché humaine intéressant
- Des questionnements qui ne laissent pas indifférent
- Une durée de vie pertinente
Points faibles
- Un gros retard technique (graphismes, bugs...)
- Des éléments vus et revus
- Un jeu facile et sans réelle menace
- Des phases de plates-formes mal pensées et peu utiles
Note de la rédaction
Quel étrange dilemme que de donner une note à ce jeu. Difficile en effet de rester indifférent face à une telle ambiance et la narration qui l'accompagne. In Sound Mind marque de par les sujets qu'il aborde et la façon symbolique qu'il a de le faire. Sur le fond, il remplit parfaitement les critères de cette horreur « psychologique » si souvent promise, en exploitant intelligemment les filons de l'esprit humain. Mais voilà, la forme a du mal à suivre le rythme. Le jeu de We Create Stuff sombre dangereusement, tiré par les boulets que sont ses graphismes et son gameplay. En somme, il est bien loin d'égaler les piliers dont il s'inspire (Outlast, Layers of Fear, Silent Hill...) ou même d'être un très bon jeu, et ce malgré un potentiel certain.