On ne dirait pas, là comme ça, mais Hot Wheels ne date pas d’hier : c’est même une immense institution dans le milieu des jouets et dans celui du jeu vidéo… la franchise ne se positionne pas si mal non plus. C’est donc avec une attention toute particulière que l’on accueille ce nouvel opus Unleashed, particulièrement ambitieux, sur nos consoles de salon.
Avant d’attaquer, il parait essentiel de rappeler en quoi Hot Wheels n’est pas n’importe quoi dans le paysage culturel : créée en 1968 aux États-Unis, elle recense aujourd’hui, au total, une centaine de milliers de modèles et de variantes. Encore plus impressionnant, huit milliards de petites voitures ont déjà trouvé preneurs tandis que seize unités sont vendues chaque seconde à travers le globe… Oui, c’est absolument énorme.
Bien décidé à asseoir sa réputation un peu partout, la société s’est également fendue d’une pléthore de jeux vidéo dont le premier remonte tout de même à 1984. Depuis, tout a été fait : du Mario-Kart-like, du derby, du mobile, du jeu d’avion… Si certains ont marqué leur époque, cela fait tout de même un bon moment qu’un titre digne de ce nom ne nous est pas parvenu. Pour Unleashed, c’est l’illustre studio Milestone qui en est à la charge, et avec un gros budget, s’il vous plaît.
Chaude roue dans ton quartier
Milestone ne sort pas de nulle part dans l’industrie vidéoludique : fondée en 1994 en Italie, la firme a fait du jeu de course son genre de prédilection. Les MotoGP, Ride et même d’anciens WRC sont sortis de ses couloirs et autant dire qu’une production Hot Wheels de leur part a de quoi intriguer, d’autant plus qu’elle officie dans l’arcade pure et dure. Bienvenue donc dans Hot Wheels Unleashed, un titre de course très fidèle à la marque vous permettant d’emmagasiner un maximum de petites voitures, tirées du vrai catalogue de la marque, et de vous adonner à des courses miniaturisées.
À l’instar de la cultissime série MicroMachines, on contrôle ici des petites voiturettes grandes comme un pouce sur des circuits nous emmenant dans les recoins d’une grande demeure, du sous-sol à la cuisine en passant par le salon. Plusieurs modes de jeu nous sont ainsi proposés : le premier, “City Rumble”, n’est autre que le solo traditionnel avec une plus d’une cinquantaine d’épreuves à parcourir. Nous avons en suite les classiques courses en exhibition, un mode multijoueur online ou local ainsi qu’un créateur de circuits.
Rapides et furieux
D’emblée, on peut avouer sans mal qu’Hot Wheels Unleashed est un jeu qui se prend particulièrement bien en main et qui s’appuie d’un gameplay (soit la jouabilté) simpliste. On accélère, on donne un coup de frein pour déraper et l’on utilise notre boost (gagné pendant les drifts) avec la touche dédiée pour des pointes d’accélération. Les sensations relèvent d’une très grande fluidité et s’avèrent plutôt douces, notamment grâce à des circuits plus ou moins loufoques qui nous emmènent un peu partout dans la maison, toujours sur la fameuse piste orange propre à Hot Wheels : cette retranscription des célèbres jouets est sans doute un rêve qui se concrétise pour de nombreux passionnés et s’en dégage un côté enfantin délicieusement nostalgique.
Les circuits, justement, ne s’avèrent pourtant pas si faciles d’accès que ça : plutôt étroites, les pistes demandent souvent une certaine anticipation et une vraie maîtrise du dérapage, tandis que les sauts récurrents exigent un alignement parfait sous peine de sortir du décor. Plusieurs pièges subsistent également mais l’on regrette que ceux-ci soient un peu trop incommodes, voire injustes, nous coupant net dans notre élan sans que l’on puisse prédire quoique ce soit. Une petite fausse note qui en fera rager plus d’un ; de même, on trouvera cela dommage que les courses de boss soient les seuls à tenter certaines animations et embûches qui auraient permis… de varier un peu plus l’expérience.
Comme une flaque d'hWheels
Car aussi bien le feeling s’annonce efficace, Hot Wheels Unleashed souffre hélas d’un certain manque de contenu dommageable : le jeu ne propose que des simples courses et des contre-la-montre… et, hélas, aucun autre type d’épreuve. Dans le mode Carrière et sa grosse cinquantaines de défis, on se retrouve alors à enchaîner une succession d’épreuves toutes très similaires et menant rapidement à la redondance, sans scénario et presque quasiment sans contexte : on aurait vraiment aimé d’autres genres de course. Pourtant, dans le domaine de l’arcade, autant dire que les possibilités sont sacrément vastes et l’on aurait pu flirter avec le combat, le compte-à-rebours ou d’autres idées plus délirantes, dans des mondes plus ouverts. De même, le choix du véhicule est totalement libre et rien n’est jamais imposé : en d’autres termes, on se retrouve donc à faire très souvent la même chose avec notre voiture préférée, tout du long. Il s’agit d’un vrai manque à gagner !
Pour aller de pair avec ce petit souci, le soft s’appuie d’un game design très à la mode mais qui ne lui réussit pas forcément bien. En effet, hormis à l’issue de quelques courses très rares qui offrent un véhicule bien défini, le moyen d’obtenir des voitures se trouve dans des boîtes mystères. Comme leur nom l’indique, il est impossible de connaître leur contenu à l’avance et celui-ci est aléatoire. Régulièrement, on se retrouve alors avec des doublons que l’on devra convertir soit en pièces d’or (pour acheter d’autres boîtes mystère) soit en pièces mécaniques (pour améliorer l’automobile de notre choix) : il existe bien une autre façon de se procurer des voiturettes mais celui-ci s’avère très onéreux en monnaie virtuelle et demande de passer par un magasin ne proposant que cinq modèles, renouvelés au bout de quelques heures. Ce design est effectivement fait pour pousser à sortir la carte bleue pour obtenir davantage de pièces d’or, celles-ci n’étant récupérées qu’au compte-goutte à travers les épreuves solos. Et autant dire qu’acheter des coffres surprise pouvant déboucher sur une voiture que l’on a déjà est relativement énervant.
À notre sens, il aurait été préférable d’avoir une large vitrine mise à disposition, doublée d’un système d’achat traditionnel. Déjà car l’on s’éloignerait alors du côté “jeu de hasard”, mais aussi pour faire saliver le joueur : en l’état, on ne connaît malheureusement pas le “casting” du titre avant de débloquer les véhicules un par un (à moins d'aller sur le site officiel, bien sûr). Difficile donc de se projeter et c’est d’autant plus dommage qu’Hot Wheels Unleashed dispose en réalité d’une pléthore de véhicules géniaux, allant des modèles mythiques et vieux comme le monde à des reproductions de véritables voitures, en passant par d’autres ultra-célèbres comme la Batmobile, le van des Tortues Ninja ou la DeLorean. Et ça, c’est un sacré bon point qui n’est malheureusement pas exploité à sa juste hauteur.
Ces rouages amenant à la consommation freine alors l’évolution du joueur, qui se retrouve rapidement à contrôler le même véhicule une fois qu’il a trouvé chaussure à son pied. Quant à l’amélioration de nos bolides, celle-ci s’avère assez succincte puisque ces derniers ne disposent que d’un seul palier à franchir. Il est impossible d’améliorer précisément et pas à pas la vitesse, l’accélération, le freinage ou le turbo et l’on atteint alors immédiatement le potentiel maximal (et défini par avance) de notre engin. Quant à la personnalisation cosmétique, on peut effectivement changer la couleur de certains éléments et y coller quelques timides stickers, mais ça s’arrête là.
Si le contenu a du mal à suivre, c’était en tout cas sans compter sur l’éditeur de circuits où l’on peut créer de A à Z nos propres pistes puis les partager en ligne. Extrêmement complet et plutôt bien fichu, tout du moins si l’on se sent assez courageux et l’âme suffisamment créative pour y passer le temps nécessaire, il est alors possible de livrer des productions étonnantes et très exigeantes. Certaines ont même un petit côté Trackmania appréciables ! De plus, soulignons que ce mode correspond particulièrement bien à l’esprit Hot Wheels, celui de, comme un enfant à l’imagination débordante, concevoir ses propres mondes aux quatre coins de sa maison, les yeux près du sol. Et ça fonctionne.
Bruce Wheelis
Quant à l’aspect technique, force est de constater que Milestone a fait les choses particulièrement proprement. Les modèles 3D et les textures relèvent parfois du photoréalisme et permettent à la direction artistique de s’exprimer efficacement : aucun problème de framerate n’est à déclarer et l’expérience est donc tout à fait fluide, sans grand écueil. Et si l'on peut noter un très léger clipping de textures à certains moments, difficile de reprocher grand-chose à Hot Wheels Unleashed qui accomplit sa part du travail de ce côté-là. Notons aussi la prise en charge des gâchettes adaptatives et des retours haptiques (peut-être encore un peu discrets) de la DualSense pour maximiser l’immersion.
Comme tout bon jeu de course qui se respecte, nous avons également une bande-son bien pêchue, particulièrement joyeuse et colorée, pour rythmer les différentes parties du titre avec même quelques très sympathiques compositions (on pense par exemple au funk du menu, où au morceau drum & bass de la course) : aussi, on regrettera peut-être certaines mélodies qui virent rapidement à la cacophonie dans les aigus, et un equalizer en temps réel qui déforme un peu trop souvent les musiques. Ces dernières tournent d’ailleurs assez vite en rond, mais sont globalement de bonne facture et en totale adéquation avec l’esprit d’Hot Wheels. Somme toute, on peut dire que cet épisode Unleashed instaure une expérience réussie mais qui peinent à rassasier complètement. Il n’en demeure pas moins un jeu de course sympathique malgré ses petites faiblesses à pointer du doigt, sans méchanceté aucune.
Conclusion
Points forts
- Un feeling efficace manette en main
- Plus exigeant qu'il n'y parait
- De nombreux véhicules variés et parfois vraiment sympathiques
- Un univers et une direction artistique plaisants
- Un éditeur de circuits réussis, permettant aussi de jouer aux créations farfelus des autres
- Techniquement très propre
Points faibles
- Un vraie répétitivité dûe à un manque de contenu et de types d'épreuves
- Un système d'obtention de véhicules bancal et qui ne récompense pas
- Une personnalisation peu poussée qui freine l'évolution du joueur
- Certains pièges parfois injustes ou mal équilibrés sur les circuits
Note de la rédaction
Hot Wheels Unleashed signe le grand retour de la franchise sur consoles de salon et avait tout pour être une excellente surprise : des véhicules attachants, une technique solide et du fun à l’état pur. Pour autant, force est de constater que Milestone a livré une œuvre au contenu un peu maigrichon et qui tourne rapidement en rond, doublé d’un système d’acquisition de véhicules que l’on peine à approuver pleinement : c’est précisément ce qui l’empêche d’être un excellent titre de course arcade et c’est évidemment fort dommage. À la place, il demeure un jeu efficace, plutôt agréable et est sans doute celui respectant le plus fidèlement l’esprit de la célèbre marque, avec cette même vision nostalgique et passionnée que l’on pouvait avoir nous-mêmes, quelques années plus tôt.