Alors que la série Final Fantasy approche de son trente-cinquième anniversaire, Square-Enix rejoue la sérénade de la remastérisation. Du premier épisode de 1987 à l’inoubliable Final Fantasy VI, la compilation Pixel Remaster vise à nous faire revivre la saga dans son enveloppe d’antan, mais avec des graphismes redessinés, une bande-son orchestrale et de multiples bonus. La première trilogie est sortie dans la moiteur de l’été (enfin, ça dépendait où) et c’est maintenant au tour du quatrième épisode, si emblématique, de rejoindre le petit monde du PC et des mobiles. Paru en 1991, il n’a rien perdu de sa magie et on va vous expliquer pourquoi.
Avant de nous atteler à cette aventure passionnante, revenons un instant sur le contexte de son arrivée. Peu de temps après la fin du développement de Final Fantasy III, le créateur de la licence, Hironobu Sakaguchi, est confronté à un dilemme. La Famicom, équivalent japonais de la NES, est sur le toit du monde et assure une assise commerciale confortable. Et désormais, elle est accompagnée par sa petite sœur, la Super Famicom (Super Nintendo chez nous) et son gap technologique considérable. Squaresoft est donc tiraillé entre les deux machines et ne sait pas sur quelle console lancer son futur épisode de Final Fantasy. Alors que deux épisodes, l’un 8-bits, l’autre 16-bits, sont envisagés, c’est finalement sur Super Nintendo que débarque le très attendu Final Fantasy IV. Pour signer cette première aventure sur la nouvelle console de Nintendo, l’éditeur a revu ses ambitions à la hausse : équipe remaniée, embauche d’effectifs supplémentaires, plus de confort de travail pour les développeurs (à titre de comparaison, pour FF II, il était sept dans une pièce de 13 mètres carrés), meilleure organisation du planning. Ainsi, et malgré le manque d’expérience de Squaresoft vis-à-vis de cette technologie, le staff va faire en sorte d’exploiter au mieux l’augmentation d’espace-mémoire, les huit canaux de la puce sonore et les effets spéciaux spectaculaires de la console. Et le résultat, trente années plus tard, émeut encore.
DU MAL À LA RAISON
Là où les trois premiers Final Fantasy essayaient, tant bien que mal, de poser un scénario, ce quatrième épisode se veut beaucoup plus profond que ses aînés et il est difficile d’y rester indifférent malgré la 2D d’époque et le lifting graphique du remake Nintendo DS. À la fois récit de vengeance et de rédemption, Final Fantasy IV suit les traces du chevalier noir Cécil. Vouant un respect total au roi Baron, son père d’adoption, il découvre qu’il n’est qu’un pion au service des desseins maléfiques de celui qu’il a toujours estimé et décide d’agir. Au cours de son aventure, il va faire la connaissance de nombreux protagonistes et vivre d’incroyables moments héroïques. En dépit d’une mise en scène quelque peu limitée (n’oublions pas qu’on est au tout début des années 1990), les thèmes qui sont abordés dans cet épisode prennent aux tripes et on est régulièrement interpellé par certains choix scénaristiques. Aussi, on comprend l’impact qu’a pu avoir le jeu à sa sortie au Japon. Évidemment, dans sa progression, Final Fantasy IV demeure très classique, avec sa grande carte à arpenter et ses nombreux donjons à visiter. Mais il distille une telle ambiance et arbore des personnages si attachants qu’on a bien du mal à décrocher. Surtout qu’il a pour lui un système de combat devenu culte : l’ATB.
LA NAISSANCE D’UN SYSTÉME INTEMPOREL
L’Active Time Battle, ou ATB pour les intimes, est né avec Final Fantasy IV. Lors du développement du jeu, toute l’équipe était d’accord pour faire de cet épisode un mélange des qualités de la première trilogie. En revanche, les intéressés s’écharpaient à propos du système de combat. Certains membres du staff voulaient absolument récupérer le système de FF III tandis que d’autres, moins nombreux, visaient une approche inédite. C’est la minorité bruyante qui l’a emporté. L’Active Time Battle est un ingénieux procédé qui deviendra récurrent dans la série. Concrètement, il vise à dépoussiérer les affrontements un peu stéréotypés des premiers épisodes en intégrant une dimension stratégique et une notion de temps réel. En effet, la jauge d’ATB – qui se remplit au fur et à mesure – est l’élément déclencheur qui permet au joueur d’interagir avec son escouade. Tant qu’elle n’est pas pleine, le joueur est à la merci des ennemis. Seulement voilà, la vitesse de remplissage peut être impactée de différentes manières, telles que l’utilisation de sorts magiques. Il faut donc constamment garder un œil sur l’ATB pour développer son approche tactique, sous peine d’échouer rapidement. Comparé aux premiers épisodes de la franchise, le système est bien plus profond et passionnant. Et ça change tout ! En 1990, les Japonais ont craqué pour ce système et il faut avouer qu’il fonctionne encore à merveille, même si les J-RPG sont désormais plus bien denses.
UN REMAKE DE QUALITÉ ?
Pour la remastérisation, Square-Enix a fait appel aux principaux intéressés pour remodeler le jeu d’origine et l’ensemble fonctionne très bien ! Les sprites ont été redessinés, les environnements ont été adaptés aux écrans modernes et tous les effets spéciaux (lumière, eau, pyrotechnie, ombres…) ont été entièrement refaits. L’eau dans les grottes, les cascades, les sorts magiques, les flammes, la brume, la poussière… la formule est bateau, mais ces Pixel Remaster sont vraiment des œuvres naviguant entre tradition et modernité. Sans que ce soit une révolution, on les retrouve sous un jour nouveau et le charme d’antan agit instantanément. D’ailleurs, l’une des grandes forces de ce remake, c’est la qualité de la bande-son ! Supervisée par le maestro Nobuo Uematsu, elle est juste fabuleuse et parvient à retranscrire les émotions de chaque personnage avec grâce et élégance. Le compositeur d’exception qu’il est doit apprécier. À l’époque, il a eu un mal fou à maîtriser la puce sonore de la Super Nintendo. Habitué aux mélopées 8-bits, il s’est retrouvé avec des sons criards et n’arrivait pas à faire ressortir les instruments de façon convaincante. Uematsu-san n’a alors pas eu d’autre choix que de plonger dans les entrailles de la puce sonore pour l’exploiter au mieux. Il y est parvenu et a livré une bande-son incroyable, qui est sublimée de façon magistrale aujourd’hui. Globalement, Final Fantasy IV reste fidèle à son socle d’origine et cet épisode Pixel Remaster s’en sort bien, mais il souffre néanmoins des mêmes défauts que la première trilogie, à savoir son manque criant de bonus. On aurait aimé plus qu’un lecteur de musique ou la possibilité d’admirer le bestiaire du jeu. Certaines personnes seront peut-être aussi surprises du remaniement visuel de certains sprites, mais l’expérience demeure malgré tout de haute volée.
Conclusion
Points forts
- Les musiques réorchestrées et supervisées par Uematsu
- Le petit boost graphique agréable
- La dimension dramatique du scénario
- Les personnages attachants
- Entièrement en français
- Près de 50 heures de plaisir
Points faibles
- Certains choix artistiques (sprites, etc.)
- Bonus beaucoup trop légers
Note de la rédaction
Ce n’est pas être faible que de fondre une nouvelle fois devant Final Fantasy IV. Instaurant une dimension dramatique qui manquait aux premiers épisodes de la saga, cette aventure traverse les générations sans prendre une ride. Pour cette itération Pixel Remaster, Square-Enix reste fidèle à sa ligne de conduite, en trouvant un équilibre intéressant entre passé et présent. Charmant et passionnant, le jeu aurait toutefois mérité des bonus plus marquants, comme un petit making-of par exemple. Certains seront peut-être hermétiques à cette approche moins tape-à-l’œil que l’épisode PSP, mais Final Fantasy IV, pour tout ce qu’il représente, demeure une valeur sûre du jeu de rôle japonais.