Avec l'immense succès (mérité) de Ys VIII Lacrimosa of Dana, Falcom s'est enfin trouvé une licence capable de rivaliser en popularité avec The Legend of Heroes. La quadrilogie Trails of Cold Steel terminée, il n'est donc pas surprenant de voir l'éditeur reprendre les aventures d'Adol avec Ys IX : Monstrum Nox. Après une sortie sur PS4 en début d'année en Occident, c'est donc au tour de la console de Nintendo d'accueillir ce nouvel épisode, mais pour quel résultat ?
Un peu moins de deux ans après sa sortie japonaise sur PS4 et cinq mois après son lancement en Occident sur le même support, Ys IX débarque enfin sur Switch. Une ressortie peu surprenante puisque la série a une longue histoire d'amour avec les consoles portables. En effet, depuis Ys VI, tous les épisodes numérotés sont sortis sur ces supports. C'est donc en toute logique qu'Ys IX arrive sur la console de Nintendo, trois ans après le huitième opus. Malheureusement, si les jeux Falcolm sont déjà connus pour proposer une technique quelque peu datée, Monstrum Nox propose aussi des performances à la hauteur de celle se son aîné.
À l'époque, nous avions reproché à Ys VIII son "taux d’images en berne approchant les 30 images/secondes sans jamais les dépasser, voire tombant en dessous à chaque scène chargée, des textures et un rendu de certains éléments moins probants, etc". Le constat est à peu près le même avec ce neuvième volet. Tout d'abord, on perd les 60 FPS de la version PS4 et on est en face d'une résolution plus faible, Switch oblige. Si cela reste compréhensible compte tenu du hardware de la console, on peut tout de même le regretter pour un jeu qui repose sur des combats aussi nerveux et dynamiques. Le framerate tombe même en-dessous des 30 images/secondes lors des combats qui prennent place dans les rues de Balduq.
D'ailleurs, c'est dans cet environnement que la plupart des soucis techniques du jeu ressortent le plus. On y observe des problèmes de clipping (les éléments du décor qui apparaissent à vue d'oeil) ainsi qu'un aliasing (un effet "marches d’escalier" à l'écran) parfois si présent qu'il est impossible de distinguer correctement le texte écrit dans la bulle au-dessus de la tête des PNJ. Pour rassurer les joueurs, Falcolm insiste sur le fait que des mises à jour vont arriver prochainement afin d'améliorer la stabilité du jeu et corriger certains bugs.
Malgré ces nombreux défauts techniques, force est de constater que le titre parvient à offrir une fréquence d'images stable au cours des donjons et des Nuits de Grimewald qui constituent le coeur de l'expérience. On traverse les niveaux à toute vitesse, en sautant dans tous les sens et en frappant tout ce qui se passe à portée de main sans vraiment ressentir de ralentissements ce qui est plutôt étonnant. Et ce, que l'on joue en mode portable ou docké. D'un autre côté, cela s'explique par le fait que ces espaces sont plus étroits et peut-être moins gourmands pour la console comparés à l'étendue de la ville de Balduq.
Une fois ce point technique fait, une question se pose : à qui se destine vraiment Ys IX sur Switch ? Si vous souhaitez profiter du titre en mode docké, mieux vaut se tourner vers les versions PC ou PS4. En revanche, si vous préférez l'expérience en portable, cette déclinaison Switch pourrait vous convenir à condition de fermer les yeux sur les points cités plus haut (clipping, aliasing, ralentissements en ville mais combats étonnamment fluides). Dans tous les cas, on vous rappelle qu'une démo est disponible sur l'eShop pour vous faire un avis.
TEST ORIGINAL DE YS IX : MONSTRUM NOX SUR PS4 (PAR Ryuzaki57, LE 13/12/19)
Test réalisé à partir d'une version japonaise, sur une partie complétée de 47h de jeu.
Vadrouillant comme à son habitude avec son grand pote Dogi, Adol arrive tranquillement aux portes de la cité de Balduq. Hélas pour lui, cette tranquilité sera de courte durée puisqu'il est arrêté et envoyé dans la sombre prison pour laquelle Balduq est connue. Ys IX Monstrum Nox introduit donc rapidement son thème carcéral, qui revient régulièrement puisque les mystères de la forteresse sont nombreux. A commencer par Adol lui-même : lorsque l'aventurier s'évade, il tombe sur une femme mystérieuse qui fait de lui un Monstrum, être surhumain doté de pouvoirs spéciaux. Pourquoi ces étranges pouvoirs? Quelle est la vérité derrière l'apparente contradiction que présente cette fuite ? Le jeu de Falcom distille les réponses lentement afin de laisser planer les interrogations le plus longtemps possible et captiver le joueur.
Balduq's Gate
Une fois hors de prison, le joueur attend avec fébrilité de pouvoir tâter le monde ouvert de Ys IX Monstrum Nox. Et là, pas de chance, il ne l'est pas! Les réticences japonaises quand à la liberté de jeu se font une fois de plus sentir dans Balduq, que l'on explore quartier après quartier, avec hélas l'impossibilité de parcourir toute la ville immédiatement. Dans les faits, il faut finir les quêtes annexes d'un quartier puis avancer dans le scénario pour ouvrir l'accès au suivant : une sorte de porte dimensionnelle s'ouvre alors et une courte mission de combat permet de repousser les frontières de la zone explorable. C'est fort dommage, car les déplacements sont jouissifs grâce aux pouvoirs des Monstrum. Adol et ses partenaires ont en effet tous une spécialité pour se mouvoir sur le terrain : Adol peut se téléporter sur les toits, White Cat peut marcher sur les murs, Hawk peut planer, etc. La superficie a beau être réduite, il y a un certain nombre de découvertes à faire, comme des quêtes cachées et les merveilles de Balduq et sa région. Comme son prédécesseur, Ys IX Monstrum Nox comporte plusieurs point d'intérêts géographiques dont certains sont placés très en hauteur, ce qui permet de profiter de la verticalité de l'architecture de Balduq.
Avec sa progression en chapitres dédiés aux personnages, Ys IX Monstrum Nox est paradoxalement plus à rapprocher de Tokyo Xanadu que de son prédecesseur direct. Le découpage est très égalitaire et chaque partie aborde à fond la personnalité et le passé de chacun des héros. La narration s'apprécie d'autant plus que le joueur se sent proche de ses personnages, et du reste aucun d'entre eux n'est caricatural ou simpliste. Tous ont un passé troublé, des regrets, des craintes... On citera l'exemple de Doll : la marionnette, assaillie par des flashbacks tout au long de l'aventure, ne cessera de se demander comment et quand elle a été pourvue d'une âme. Le scénario de ce dernier Ys n'est pas qu'une simple histoire d'heroic-fantasy et comporte quelques conclusions morales touchantes, signe que Falcom a vraiment creusé le sens de sa narration.
On dénote aussi un très grand nombre de personnages secondaires. Ces derniers élisent domicile dans la base secrète d'Adol et égayent fortement l'atmosphère car ils viennent d'horizons fort divers : de la fillette assassin à la grand-mère résistante en passant par le démon aquatique (!), le joueur va de surprise en surprise au cours des quêtes secondaires, très nombreuses et parfois bien dissimulées, qui permettent de débloquer tout ce petit monde. Il ne sont pas là pour faire joli puisqu'ils reviennent régulièrement sur le devant la scène, et on s'attache quasiment autant à eux qu'aux personnages principaux tant leurs relations avec Adol sont riches. On regrette toutefois un petit peu l'absence de personnage jouable "surprise" : depuis Trails of Cold Steel II en 2014, on a toujours eu le plaisir d'accueillir des héros inattendus en fin de partie, mais Ys IX ne le fait pas alors que les opportunités crèvent les yeux…
Le rythme de l'aventure reste constamment bon car on a régulièrement des surprises et des mystères, en particulier des feintes scénaristiques totalement bluffantes. L'épilogue magnifique couronne un travail constant sur l'ensemble du jeu pour conter une belle histoire de bout en bout, et émouvoir le joueur avec des personnages vraiment fouillés. Ys IX Monstrum Nox, en fait de compte, ne fait qu'appliquer avec brio la recette de base d'un bon J-RPG. Quand on sait que beaucoup de développeurs dans le genre échouent de plus de plus à respecter ces principes élémentaires, la rigueur de Falcom est à souligner.
Oh, Ys!
Ys IX Monstrum Nox est donc un épisode très différent du précédent, et cela se voit notamment en extérieur. On explore la périphérie de Balduq là encore de façon dirigiste et dans un ordre bien précis. Mais le problème ici n'est pas tant la linéarité mais plutôt le level design car les environnements sauvages sont nettement moins complexes, et donc beaucoup moins passionnants à traverser que dans Ys VIII Lacrimosa of Dana. Ils sont plus plats en règle générale, et on ne dénombre que deux ou trois donjons vraiment excitants où l'observation et l'adresse sont de rigueur. Les terres sauvages, pour la plupart, s'avèrent monotones car leur architecture paraît vraiment trop simpliste quand on est passé par Ys VIII : il n'y a ni la sensation de gigantisme, ni la variété et la richesse des paysages du précédent.
Le bilan n'est cependant pas 100% négatif car déjà, les donjons mettent relativement bien en valeur l'utilisation des pouvoirs. Il faut régulièrement cogiter pour utiliser les attributs des héros à bon escient et venir à bout du donjon. Les pouvoirs servent d'ailleurs jusque dans les combats de boss, ce qui assez génial en termes de game design. Mais le fin du fin reste la prison de Balduq qui est littéralement truffée de pièges. Au cours de ses investigations du bagne, Adol se transforme en véritable Indiana Jones du jeu vidéo, devant éviter des trappes cachées, des pics acérés, des robots invincibles entre autres fourberies. La plupart de ces pièges tuant l'aventurier en un coup dans les modes de difficulté élevés, ce sont des séquences plutôt intenses. Il y a par ailleurs un point à rapprocher de ce sujet : les musiques. Dans Balduq comme dans beaucoup d'autres donjons, les compositeurs de Falcom ont sorti leur meilleurs morceaux pour coller au dynamisme de l'action. Ys IX est, même peut-être encore plus que Ys VIII, une odyssée musicale extraordinaire qui mêle des accents gothiques, bucoliques et orchestraux dans un ensemble très riche.
Ys 8.5?
On ne change pas une équipe qui gagne. Ainsi, le système de combat de Ys IX Monstrum Nox est strictement identique à celui du précédent. On retrouve la recette classique de l'action-RPG, le combo de base complété de skills offensifs à déclencher avec la gâchette et l'un des boutons Playstation. Ces skills sont toujours assez variés et on peut donc en embarquer quatre d'un coup. Les deux autres point forts de gameplay de Ys VIII, la garde et l'esquive, sont également de retour tels quels. Ces instruments de contre-attaque formidables, qui accélèrent les mouvements du joueur et ralentissent ceux des ennemis respectivement, permettent de réaliser l'impossible dans les affrontements les plus désespérés. Leur utilisation est encore très intuitive et formidablement grisante.
Et c'est tant mieux, car les missions de défense reviennent dans ce volet : il s'agit de protéger une obélisque des vagues de monstres. Mais contrairement à la palissade de Ys VIII, l'obélisque n'est pas forcément au fond du terrain et les adversaires viennent de tous les côtés ! Ils sont carrément plus nombreux qu'avant et peuvent même se téléporter juste à côté pour taper dedans directement sans être inquiétés par les défenses du joueur, qu'il faut une nouvelle fois renforcer sans cesse tout au long du jeu. Des séquences très nerveuses qui virent parfois un peu à la pagaille, mais l'effet de mélée générale est bien présent. Le framerate tient plutôt bien le coup, particulièrement depuis la mise à jour de fin novembre qui a encore accru la fluidité en combat. Seules les balades (et à plus forte raison les combats) dans certains quartiers font ramer le jeu. Balduq est la plus grande zone de jeu jamais créée par Falcom et il est clair que le défi a demandé quelques concessions, à savoir certaines textures sommaires et un effet de brouillard au loin.
Comme tout bon action-RPG qui se respecte, Ys IX Monstrum Nox offre des combats de boss à la pelle, avec beaucoup de renouvellement et d'inventivité qui plus est. Ici, aucun boss, ni même aucun ennemi sur la carte n'est "recyclé" : le bestiaire remplirait une encyclopédie. Les boss principaux ont une palette de mouvements impressionnante et des bottes secrètes effrayantes qui font que le combat va toujours crescendo. On est ici dans du grand action-RPG. Tout ceci est malheureusement contrebalancé par la faible difficulté par défaut (exactement comme dans Tokyo Xanadu, encore lui) : il est vivement conseillé de commencer directement en difficile, voire en Nightmare. A cet égard, Falcom a eu la bonne idée de proposer un mode Boss Rush une fois le jeu fini, dans lequel on peut revivre ses combats préférés dans des conditions plus drastiques.
Malgré ce choix, Ys IX donne le sentiment que le juste milieu n'a pas été complètement trouvé, pour deux raisons. Déjà, les ennemis normaux sont super lents (exactement comme dans Tokyo Xanadu), ce qui rend les combats sur la carte assez besogneux à la longue. Par ailleurs, le système de soin est beaucoup trop permissif. Entre les potions, la cuisine et les aliments divers, Adol se trimballe en permanence un buffet à volonté et donc des soins immédiats quasi-infinis. Cela ne pousse pas le joueur à "bien" jouer, alors que le dépassement de soi est crucial dans le genre. Il ne faudrait laisser que les potions, et là ce serait vraiment l'extase. Au rang des regrets divers, on citera la caméra beaucoup trop éloignée du personnage, au détriment de l'intensité des combats. On comprend bien que cela est fait dans un souci de lisibilité, mais on a parfois l'impression de jouer à un Diablo-like et c'est assez désagréable...
Points forts
- Narration riche en surprises et en divertissement
- Pléthore de personnages attachants
- Système de combat accrocheur
- Des boss de folie
- Nombreuses quêtes annexes
- Exploration de la ville assez plaisante…
Points faibles
- … mais très linéaire
- Techniquement fluctuant sur Switch
- Donjons et extérieurs pas toujours intéressants
- Système de soin à revoir
Si l'innovation n'est pas le point fort de Ys IX Monstrum Nox, qui est en réalité Ys VIII avec la structure de jeu de Tokyo Xanadu, Falcom n'en livre pas moins là un J-RPG dense et complet. La richesse de l'action, des personnages, de la musique et de la narration montre que le développeur a parfaitement à l'esprit les qualités d'un bon action-RPG à la japonaise, même si son dirigisme fera grincer des dents. Ys IX est une valeur sûre, mais peut-être pas aussi mythique que son prédécesseur qui avait repoussé les limites du level design. Pour ce qui est des spécificités techniques de cette version Switch, on notera que malgré des problèmes très visibles lors de l'exploration de la ville (aliasing, clipping, chute de framerate...), les combats parviennent à offrir un framerate stable. Une expérience en deçà de la mouture PS4 mais qui pourra satisfaire ceux qui souhaitent à tout prix jouer en mode portable.