Première itération d’une saga point’n click en deux volets, Bad Dream : Coma, du studio Desert Fox, propose une courte aventure cauchemardesque à l’esthétique minimaliste. Publié en mars 2017, le titre qui a déjà fait bien des heureux sur la plateforme Steam puis sur Switch se fraye cette année un chemin vers les machines Xbox. L’occasion pour nous de revenir sur cette petite singularité vidéoludique pour en faire ressortir les atouts et les faiblesses.
Un plan fixe en vue à la première personne, deux pieds qui dépassent d’une couverture de lit, un simple “fais de beaux rêves”, et nous voilà projetés sans autre préambule dans le cauchemar sans issue de Bad Dream : Coma. Au sein de ce monde joliment crayonné et aux teintes sépia, les quelques malheureux qui y sont prisonniers ne trouvent plus le moyen de se réveiller. Impossible même de se réfugier dans la mort, la faucheuse ayant vraisemblablement pris congé. Notre héros anonyme - dont on ne connaîtra jamais le nom - croisera alors une flopée de victimes démembrées par de viles créatures imaginaires, condamnées dans une éternelle agonie commune. L'objectif, vous l'aurez sans doute deviné, sera de regagner le monde des vivants en un seul morceau. Un périple qui nous demandera d'explorer un hôpital, une forêt, un cimetière ou même une cabane de sorcière. Des lieux qui regorgent chacun de ses petits casse-têtes, ou des demandes de personnages loufoques.
Peu exigeant techniquement, le jeu se lira aussi bien sur PC que sur vos machines Xbox. Mais point'n click oblige, on ne peut que constater qu'il se parcourt forcément plus facilement avec une souris qu'au pad. La navigation dans l'inventaire se voudra également légèrement plus contraignante sur console, puisqu'elle vous fera défiler chaque icône à l'aide de LB/RB. La manette aura toutefois le loisir de proposer quelques vibrations par-ci par-là. Plus globalement, on estime que l'expérience sera aussi plaisante sur Xbox Series que PC.
Cauchemar éternel
Dans Bad Dream: Coma, vous pourrez croiser un immense corbeau sanguinaire, un ourson en peluche au corps d'homme, un médecin dont il ne reste plus que la tête, et tout un tas d'autres atrocités plus ou moins démembrées. Nombreuses de ces rencontres se feront à l'hôpital, l'un des premiers lieux visités, qui sert de refuge aux éternels souffrants. Si les rencontres que vous ferez au cours du jeu constituent des apparitions toujours fort divertissantes et peuvent apporter quelques explications sur votre condition fortuite, elles se montreront regrettablement peu bavardes. Vous ne saurez jamais vraiment d’où vient cet étrange guide masqué qui vous accoste au bord de la ville, ni pourquoi un sanguinaire boucher s’amuse à charcuter tous ceux qu’il croise. Si le titre ne brille pas par la profondeur de son récit et l’écriture de ses personnages, on apprendra à se contenter de ses délicieuses situations macabres. Notons quand même que la narration prendra plus d'ampleur en dernière partie de jeu, lorsque l'origine de ce monde sera révélé.
Ainsi le jeu parvient-il à compenser certaines lacunes par ses atouts. Aussi si l'art global séduit par son esthétique singulière, sa bande-son lui fait défaut ; bruitages trop aléatoires et musiques répétitives viennent entacher l'immersion qui ne profitait déjà pas d'une narration irréprochable. Mais l'ambiance, barrée et funèbre à souhait est tout de même loin de déplaire ; et notons que puisque le titre s'inscrit dans le genre du « pointer et cliquer » et qu'il est dénué de jumpscares, les plus froussards devraient pouvoir aller au bout de leur quête sans souci. Enfin autre point appréciable, sachez que si le jeu n'est pas doublé, il jouit néanmoins d'une traduction française appréciable.
De l'absurde et du macabre
Côté mécaniques, l'expérience est satisfaisante. Dans ce point'n click particulièrement accessible, il suffira de cliquer sur certains objets pour les ramasser et les ajouter à votre inventaire. Ici, pas de combinaisons nécessaires entre plusieurs éléments pour en former de nouveaux. L'enjeu sera plus souvent de dénicher de petits trucs dissimulés dans des décors monochromes, à la façon d'un jeu d'objets cachés. Parfois, revenir sur vos pas fera apparaître des éléments, voire des personnages inédits. N'y voyez pas là d'allers-retours lassants, cette nécessité de revisiter les mêmes endroits profite plutôt à la mise en scène. Des toilettes vides peuvent l'instant d'après accueillir un charmant cadavre.
Et puis, le jeu vous aide à ne pas perdre votre temps : imaginons que vous sortiez une clé de votre sac pour l'essayer sur une serrure : eh bien, l'objet sera barré avant même que vous ne tentiez de l'insérer s'il ne correspond pas. Ces facilités accordées au joueur sont bienvenues tant les casses-têtes présentés dépassent parfois toute rationalité. Rappelons qu'après tout, nous sommes dans un rêve. Ainsi, vous aurez besoin de la bave d'un escargot pour réparer la roue d'une voiture, des doigts d'un patient pour remplacer les vôtres (charcutés plus tôt par une bête sauvage), ou de l'œil d'un poisson rouge pour remplacer celui d'un patient. D'autres énigmes, plus "classiques", seront parallèlement au rendez-vous, telles que les habituelles portes bloquées, les objets perdus de certains camarades, ou les recettes de poison à concocter. Et globalement, la difficulté semble relativement équilibrée.
Bad Dream: Coma propose huit chapitres d’une durée de vie globale d’environ quatre heures et un rythme qui ne s'épuise jamais. Si l’aventure vous semble courte, notez qu’elle pourra toutefois s’apprécier plusieurs fois, la narration proposant une poignée de fins distinctes, bonnes ou mauvaises ; ces dernières dépendant de subtiles détails qui vous échapperont probablement au départ. Précisons par exemple qu’il sera judicieux de ne pas frapper inutilement les corbeaux qui jonchent les alentours ; un conseil que nous aurions dû appliquer nous-mêmes dès l'introduction du jeu. Petite particularité notable, dans l'onglet "Status", vous aurez droit à un aperçu de vos méfaits, et aux conclusions possibles qui s'offrent à vous. Dans notre cas, elle reste mauvaise du début à la fin.
Points forts
- Une esthétique minimaliste plaisante
- Un univers délicieusement morbide
- Des casses-têtes macabres et bien dosés
- Un très bon rythme
- Plusieurs fins disponibles
Points faibles
- Une narration qu'on aimerait plus poussée
- Des personnages parfois sous-exploités
- Une bande-son souvent irritante
Avec son univers aussi macabre que barré, Bad Dream : Coma saura divertir pendant quelques heures les amateurs de point'n click horrifiques. On retiendra une esthétique crayonnée qui ne laisse pas indifférent, des situations morbides dont on ne se lasse pas, de personnages atypiques, et de casses-têtes globalement plaisants à parcourir. Dommage que le jeu n'ait pas plus poussé sa narration, laquelle aurait créé une expérience inoubliable si elle s'était révélée plus consistante.