Initiée en 2001, la saga Stronghold a connu de multiples déclinaisons, mais elle s'est tout de même accordé une longue pause dans le courant de la décennie passée, puisque la dernière itération de la franchise remonte à 2014. Les férus du jeu et de son approche agréable du jeu de stratégie en temps réel ont sans nul doute été ravis de revoir Stronghold arriver dans nos rayons et c'est d'ailleurs à eux, essentiellement, que s'adresse cette mouture Warlord qui quitte le Vieux Continent pour nous transporter en Asie, avec toujours le même crédo : laisser les joueurs s'adonner aux joies de la construction et de la destruction de châteaux forts.
Une dimension historique et narrative en retrait
La saga Strtonghold a toujours été un peu à part dans le monde du RTS. Sa thématique médiévale a toujours été centrale dans l'élaboration des mécaniques de jeu, et, si la franchise n'excellait pas toujours sur le volet stratégie en temps réel, même si elle s'en est souvent plutôt bien sortie, elle avait pour mérite d'avoir un volet gestion / construction fourni et assez satisfaisant. Stronghold Warlords, bien qu'il ait emmené la saga dans une région du globe qu'elle n'avait jamais explorée, reste dans la droite lignée de ses prédécesseurs, et, pourrait-on dire, est suffisamment bien dans son jus pour satisfaire les fans, sans forcément se préoccuper d'en ramener des nouveaux. Sur ce point, rien que l'aspect du jeu transpire le old school. Les maps peu détaillées, l'interface rudimentaire et pas spécialement bien intégrée... autant de point qui ne dépayseront pas les joueurs vissés sur les RTS au parfum rétro, et ce n'est d'ailleurs pas un drame, car, en plus d'être tout de même tout à fait regardable, le postulat Stronghold n'a jamais été d'être une vitrine technologique.
Stronghold Warlords décline sa portion solo en 5 campagnes différentes, elles-mêmes composées de 5 à 6 missions qui forment un tout scénaristique et qui vous place à la tête de certaines dynasties emblématiques de l'époque, sans pour autant chercher, malheureusement, à donner beaucoup de contexte historique à l'ensemble de la campagne. En effet, vous vous verrez exposer les enjeux de telle ou telle mission avant de la commencer, mais les choses s'arrêteront là et malheureusement, les plus férus d'anecdotes historiques ou les plus curieux resteront un peu sur leur faim s'ils désiraient en apprendre plus sur l'Extrême-Orient de cette ère. C'est d'ailleurs aussi là l'occasion de souligner que dans ses grandes lignes, Warlords ne brille pas pour l'attrait de ses scénarios, qui se ressemblent un peu tous, sont doublés en français d'une manière qui prête parfois à sourire, et dont le déroulement reste sans surprise. Construisez vos fondations, développez votre armée, attaquez le chef suivant et recommencez, c'est à peu de chose près le fil conducteur de la plupart des campagnes, assez plates et sans saveur narrativement parlant, même si heureusement, les objectifs à accomplir pour les mener à bien varient grâce à des contraintes d'espace ou de ressources qui savent assez bien se renouveler.
Zone de confort
Très progressive et, vous l'aurez compris, assez segmentée, la campagne de Warlords a le bon goût de penser à celles et ceux qui souhaiteraient découvrir la franchise avec cet épisode et les missions se succèdent comme un lent et progressif tutoriel, permettant de bien appréhender les mécaniques économiques et militaires de Warlords. En l'occurrence, les vétérans ne seront pas bousculés dans leurs habitudes. Il faudra jongler entre gestion de vos armées et création d'unités, grâce à une boucle de production passant de l'extraction de matière première en passant par la forge pour finir à la caserne, tout en vous débrouillant pour être suffisamment accueillant pour recueillir et satisfaire un maximum de paysans, qui pourront autant travailler dans les fermes que vous servir de chair à canon après être formé en caserne. Il faudra donc toujours veiller au cycle de production global de votre château, auquel votre popularité est adossée. En effet, augmentez les fermes pour produire plus de nourriture permettra de procurer des rations plus copieuses à vos sujets, ce qui augmentera votre réputation et qui rendra les paysans plus enclins à accepter des hausses d'impôts pour remplir votre trésorerie.
Le volet purement gestion de Stronghold Warlords, sans être renversant, rempli plutôt bien son office et permet au jeu de sortir du carcan pur « RTS » pour offrir une vision plus globale des pouvoirs du joueur, une constante, dans la franchise. C'est d'ailleurs sur cet aspect qu'il fait preuve de plus d'originalité, notamment dans sa campagne économique, dont chaque mission est à envisager comme un puzzle pour être menée à son terme. Comment produire suffisamment de nourriture, de bois ,dans une vallée étriquée à l'espace terriblement réduit ? À vous d'exploiter les différents éléments en votre possession pour trouver la réponse. Optimiser le placement dans des cartes aux frontières limitées, utiliser les fameux générateurs de peur qui font de vous un tyran, mais qui augmentent la production de vos ouvriers, bonne gestion des stocks ou de l'acheminement des biens vers votre entrepôt seront autant de mécaniques à exploiter au bon moment pour mener vos objectifs à bien. Car Stronghold Warlords n'est pas un jeu toujours facile, sans pour autant être inaccessible, qui vous fera payer bien plus tard une mauvaise décision de gestion prise en début de partie. On pourra cependant regretter que les nouvelles constructions ne soient pas plus nombreuses, et que les options de gestion de la cité soient moins prolifiques qu'elles ne l'étaient à l'époque des premiers jeux de la licence, licence qui semble vouloir d'un épisode sur l'autre s'orienter vers plus d'accessibilité tout de même.
Un peu de diplomatie et beaucoup de combats
Mais ce n'est bien sûr pas dans la micro gestion que se trouve le gros de Warlords, puisque, comme d'habitude, il sera possible et même nécessaire de partir à l'assaut des différentes cartes du jeu pour asseoir votre domination sur la zone. En premier lieu, une déclinaison de la capture des cités neutres environnantes de Stronghold Crusader est introduite dans Warlords et répond au nom, vous l'aurez deviné, de Seigneur de Guerre. Dispersés aux quatre coins de la carte, ces Seigneurs disposent tous d'un fief de taille variable qu'il sera parfois nécessaire de capturer afin de profiter des atouts inhérents à chaque « couleur » de Seigneur. Effectivement, une fois ralliés sous votre bannière, les fiefs en question pourront vous faire parvenir des ressources à intervalles réguliers, ou participer à certains assauts en votre compagnie si leur spécialisation est plus militaire que commerciale. Le ralliement d'un Seigneur peut se faire par la force brute. Il suffira d'envoyer vos unités nettoyer les archers et soldats environnants, puis de gravir en haut d'une tour pour battre et soumettre le seigneur qui y loge. Mais la force brute n'est pas la seule manière et c'est là que la diplomatie entre en jeu.
A l'assaut de chefs de guerre
Générée par certains Seigneurs eux-mêmes, mais le plus souvent par des bâtiments de ville, la diplomatie est à considérer comme une monnaie, qui peut être échangée contre certaines contributions de vous nouveaux vassaux. Comme nous venons de l'évoquer, certains peuvent vous fournir des ressources ou des unités pour vous seconder en combat, ce qui sera assez intelligemment mis à profit dans certaines situations où le jeu vous prive volontairement de telle ou telle denrée accessible uniquement par l'intermédiaire des seigneurs. Mais ce n'est pas tout, puisqu'il sera aussi permis de s'emparer d'un fief en dépensant régulièrement et jusqu'à un certain montant votre diplomatie pour contraindre le seigneur à vous prêter allégeance. Dans les faits, la formule fonctionne plutôt bien, et ouvre des perspectives de gestion nouvelles, mais nous aurions sans doute préféré une négociation plus poussée avec l’introduction de la diplomatie, qui en l'occurrence est gérée comme une ressource parmi d'autres.
Côté combats, puisqu'il y en aura beaucoup dans Stronghold, autant dire que le jeu s'avère d'un classicisme assez décevant. Il y a bien l'introduction de nouvelles unités, notamment basées sur la poudre à canon, qui trouvent bien leur place dans les stratégies de conquête, mais globalement, les assauts finissent par tous se ressembler et ne sont clairement pas aidés par une intelligence artificielle souvent prise en défaut et trop statique à distance, une lisibilité assez moyenne dans la mêlée et un manque de précision lorsqu'il s'agit de diviser certaines escouades en plusieurs quantités bien précises. Alors, oui, l'équipement de siège est varié et il est difficile de bouder son plaisir lorsque l'on assiège un immense château à grand coup de catapulte qui multiplie les brèches dans lesquelles s’engouffrer, d'ordres donnés sur le pouce pour flanquer l’adversaire ou tout simplement lorsque l'on défend notre propre cité des assauts adverses, mais le temps a passé, le souffle épique des premières itérations de la franchise n'est plus et les affrontements sont aujourd'hui assez génériques.
Un multi pas assez étoffé
Cela dit, si vous passez outre ces défauts réels et que le feeling résolument old school nous vous rebute pas, vous pourrez vous adonner à plusieurs modes de jeu. En multijoueur, comme en local, vous n'aurez malheureusement qu'accès à 9 cartes pouvant accueillir un maximum de seulement 4 partenaires de jeu, les cartes proposant 8 joueurs devant être remplis par l'intelligence artificielle, dommage. Vous aurez toute latitude pour paramétrer les handicaps, l'IA s'il y en a ou les différents avantages qui rythmeront votre partie. Une bonne occasion donc, de construire les châteaux les plus impressionnants et malmener un peu l'histoire pour créer des escarmouches à base de remparts renfermant plus de remparts encore. La donne ne sera naturellement pas la même en mulitjoueur en ligne, ou, comme le veut la tradition, il s'agira surtout d'une course à l'optimisation des ressources pour être le premier à mener l'assaut. Enfin, plus dispensable, le mode construction libre sera régit par les mêmes principes de gestion du jeu de base, mais vous permettra d'étendre votre château sur une très grande superficie. Pour étoffer un peu tout cela, il faudra patienter afin que les mods façonnés par des joueurs viennent épaissir un peu le menu.
Points forts
- Un mix toujours aussi agréable de RTS et de gestion / construction de château
- Assez pourvu en contenu solo pour vous occuper de nombreuses heures
- Quelques missions bien pensées, avec des contraintes intéressantes
- Toujours le plaisir d'assiéger un château
Points faibles
- IA souvent prise en défaut
- Campagne sans saveur du point de vue narratif
- Multijoueur trop maigre
- Au final, d'un trop grand classicisme dans ses combats
- Une époque et un décor trop peu exploités
Stronghold Warlords sait à qui il s'adresse et ne parviendra sans doute pas à conquérir un nouveau public avec sa vision rétro de son hybride STR / gestion de château, mais récite suffisamment bien sa leçon pour proposer une expérience pas désagréable. Si nous déplorerons des combats d'un grand classicisme, une IA souvent en déroute, un mode multijoueur pas assez touffu ou une campagne sans saveur en matière d'enjeux, Warlords conserve toujours le caractère plaisant de la série sur son volet gestion, et satisfaisant lorsque notre armée crée des brèches à foison dans lss remparts ennemis. À réserver aux fans, qui devront toutefois accepter que la saga Stronghold n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était il y a 20 ans.