Sorti en 1985 en arcade, Ghosts'n Goblins (Makaimura au Japon) est une ode à la difficulté. D’une exigence rare, le jeu de plate-formes prend place dans un univers ténébreux hanté par des démons, des morts-vivants et autres zombies. Pour sauver la princesse Guinevere, le brave chevalier Arthur doit ainsi braver moult obstacles en usant de ses sorts magiques et de sa lance. Bien que chirurgical, le titre de Capcom est absolument terrible pour les nerfs et on pouvait donc espérer que cette relecture intitulée Resurrection soit adoucie pour s’ouvrir aux novices. Mais c’était sans compter sur le créateur Tokuro Fujiwara qui a décidé de lancer un véritable défi aux joueurs. De paladin à laquais, il n’y a qu’un pas…
Ghosts’n Goblins fête cette année sa trente-cinquième année d’existence et celles et ceux qui ont découvert l’original au milieu des années 1980 en conservent un souvenir généralement douloureux. D’une précision d’orfèvre, l’œuvre de Capcom n'a aucune pitié pour le joueur. Si le héros peut se faire toucher plusieurs fois, le niveau de difficulté est tel que le personnage paraît incroyablement faible. Le rythme est insensé avec des ennemis qui réapparaissent sans arrêt et un environnement qui se veut extrêmement vicieux. Se précipiter dans cette aventure, c’est aller au-devant d’une défaite certaine. Et ne comptez pas sur ce remake pour changer la formule.
Le caleçon du frisson
Tokuro Fujiwara n’a pas menti : Ghosts ‘n Goblins Resurrection est un challenge (très) difficile à accomplir. Même en y allant tout doucement, il vous faudra des réflexes d’horloger ! Après avoir choisi l’un des embranchements, vous n'aurez qu'un infime instant de répit avant que le programme vous entraîne dans son tourbillon. Avoir l'oeil partout ne suffira pas ! Les ennemis débarquent de tous les côtés, les morts-vivants sortent de terre et cherchent, par tous les moyens, à vous atteindre et les entités volantes ont des trajectoires totalement erratiques. Face à eux, Arthur agit comme un pantin désarticulé et il faut un certain temps pour s'adapter à ses déplacements hachés et faire en sorte que ses attaques répondent aux patterns des créatures hostiles. La connaissance du terrain et des évènements est indispensable, ce qui fera dire à certains que le programme est déloyal (et parfois, on n'est pas loin de le croire tant certaines actions sont impossibles à anticiper). Heureusement, le chevalier a quelques atouts sous son armure...
S’il arrive souvent à Arthur de finir en caleçon (avec des motifs de fraises – un cadeau de sa dulcinée kidnappée), ce dernier peut compter sur sa fidèle lance. Celle-ci peut être projetée dans quatre directions (gauche, droite, haut et bas) et se révèle fort pratique quand elle est bien utilisée. À cette arme viennent s’ajouter un arsenal plutôt varié (boule de démolition, poignard...) et des sorts magiques, efficaces, mais qui demandent un temps d’activation. Le joueur est toujours à l’affût du moindre bout de pixel pour éviter de se faire surprendre. Et il ne faudra pas vous étonner de ne pas terminer le premier niveau avant un grand nombre d’essais. En effet, très rapidement, on s'aperçoit que notre héros a des faiblesses agaçantes que ses ennemis n’ont pas ! Le tir en diagonale est impossible (alors que les oiseaux de malheur et autres créatures volantes n’ont aucun mal à piquer sur vous à 45°) et notre cher bonhomme aux pectoraux bien dessinés est incapable de courir en attaquant. Lorsqu’il projette sa lance, il reste immobile ! Ces particularités font de Ghosts’n Goblins une œuvre qui répond à des mécaniques surannées. Et qui fait péter un câble à de nombreuses reprises !
L’art de se faire mal
Si les développeurs ont bien conscience que la patience du public est incomparable à celle des décennies précédentes, ils n’ont pas fait de cadeau pour autant. Certes, quatre niveaux de difficulté sont disponibles mais l’option la plus facile, à savoir « Laquais », rend certaines zones inaccessibles. En somme, c’est un peu comme un mode « entraînement » maquillé. Pour voir l’ensemble du jeu, il faut passer par la sélection « Écuyer », « Chevalier » ou, pour les sadomasochistes du pad, le mode « Paladin ». L’expérience est franchement violente pour les nerfs et ferait presque passer le dernier Demon's Souls sur PlayStation 5 pour une promenade de santé (ok, on exagère un peu). En arrivant à passer un niveau, le joueur obtient de nouvelles capacités (via l'arbre de compétences) et peut donc poursuivre sa progression en ayant le sentiment d’être mieux protégé. Mais cela ne dure pas longtemps…
Deux fois plus de hurlements
Visuellement, le RE Engine fait des merveilles. Chaque plan est soigné, l’univers est parfaitement respecté et les animations, volontairement hachées, s’accordent totalement aux différents éléments du décor. Les développeurs ont passé beaucoup de temps à moderniser le style unique de l’original et le résultat est à la hauteur des attentes. Rien n’est dénaturé ! Le constat est le même pour la partie musicale. Les thèmes sont élégants et respectueux des compositions ancestrales. D'un point de vue qualitatif, Ghosts'n Goblins Resurrection est donc une totale réussite mais qui ne se livrera qu'aux plus téméraires... et à celles et ceux pouvant se faire accompagner. En effet, en plus des orbes et des fées à récolter, le jeu propose un mode coopératif ! Ainsi, un second joueur peut venir vous épauler pour vous accompagner dans ce rude périple. Il n'a pas la forme d'Arthur mais prend les traits d'un fantôme à choisir parmi trois spectres (chacun avec sa capacité, attaque, protection ou créateur de plate-formes). Attention tout de même de bien se coordonner sous peine d'avoir des hurlements colériques démultipliés (bah oui, deux personnes qui gueulent, ça fait plus de bruit qu'une seule).
Points forts
- Des graphismes franchement réussis
- Les thèmes réorchestrés
- Quatre niveaux de difficulté
- La présence du mode coop'
- Du vrai défi à l'ancienne
Points faibles
- Terrible pour les nerfs
- Impossible de tirer en courant
- Pas facile de dompter les sauts
- On aurait aimé plus de niveaux (oui, on aime se faire mal)
- On vous a dit que ce jeu était difficile ?
Si vous aimez les défis, vous allez être servis ! Les développeurs de ce Ghosts’n Goblins n’ont pas menti en livrant, en ce début d’année 2021, l’un des jeux les plus difficiles de ces derniers mois. D’une exigence rare, Ghosts’n Goblins Resurrection est une relecture très soignée de l’original, tant par ses nouvelles mécaniques de gameplay que par sa réalisation. Très respectueux de l’œuvre de 1985, le programme a la bonne idée d’être accompagné de l’ajout salvateur d’un arbre de compétences et d’un mode coopératif. Redécouvrir en duo le classique de Capcom est une bonne manière de lui donner une seconde chance. Car il ne faut pas se mentir, opter pour un challenge à l’ancienne est une vraie prise de risque pour l’éditeur et une telle approche ne conviendra pas à tout le monde. C'est un véritable jeu de niche ! Mais sur un plan qualitatif, Ghosts’n Goblins est une totale réussite qui ne se livrera qu’aux plus audacieux. On a morflé mais on a adoré !