S’inscrivant dans la droite lignée des platformers cinématiques de Playdead, Little Nightmares premier du nom est parvenu à trouver son public. Fort d’un univers singulier, cette expérience non exempte de défauts déroulait une aventure classique dans sa structure, mais très efficace. Qu’en est-il de ce second opus ? A-t-il tiré des leçons du passé pour faire disparaitre ses griefs et surpasser son ainé ?
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Beaucoup de bruit pour rien ?
Dès les premiers instants, l’héritage du studio à l’origine de Limbo et Inside se fait plus flagrant que jamais. L’aventure s’ouvre sur une forêt lugubre dont notre nouveau héros, revêtu d’un sac en papier pour masquer son faciès, doit s’extraire. Tronc dévalant une pente menaçant de nous aplatir, pièges à loups, corbeaux, séquence de poursuite où le héros devra se dissimuler dans des zones d’ombre… Une imagerie connue et des situations déjà rencontrées par quiconque ayant touché aux titres de Playdead. D’un point de vue strictement narratif, nous avons été déçus par Little Nightmares 2. Là où le premier épisode parvenait à restituer un monde torturé, où des figures inquiétantes se retrouvaient autour de la pratique du cannibalisme, le second enchaine des séquences de cauchemars parfois gratuites. La progression de l’opus précédent répondait au besoin d’un réel développement scénaristique. Au fur et à mesure que le joueur avance, il obtient des éléments de réponses permettant de reconstituer une histoire lugubre. Ici la structure qui sera répétée 4 fois au cours de l’aventure est la suivante : Découverte d’un lieu, infiltration et énigmes, phase de poursuite, fin de la zone. Chaque section se déroule dans un environnement inquiétant et est habitée par un monstre distinct. Les bois sont hantés par un chasseur masqué, un orphelinat par une institutrice autoritaire… Nous nous garderons de vous révéler les suivants pour vous laisser le plaisir de la découverte.
S’il n’est pas impossible que nous ayons mal interprété certains éléments narratifs, ces séquences d’horreurs ne semblent partager aucun lien scénaristique. À tel point que le dernier acte parait complètement décorrélé du reste de l’aventure et se précipite pour apporter une conclusion satisfaisante à l’ensemble. En scindant l’expérience en plusieurs mauvais rêves, pas toujours très subtil, Little Nightmares 2 semble perdre de vue ses ambitions narratives. Sa conclusion mise à part, nous n’avons pas vraiment saisi où le titre voulait nous emmener. Mais nous avons le sentiment que lui non plus. Au beau milieu de son horreur évoquant des inquiétudes infantiles ou des peurs tout droit tirées de contes populaires, LN 2 semble un temps vouloir aborder l’aliénation par les médias pour finalement se rétracter en usant d’un tour de passepasse franchement décevant. Lorsque les crédits défilent après 5 heures de jeu, on a l’impression d’avoir eu affaire à un titre qui a pour ambition d'enchainer des visuels forts et impactant à tout prix. Cet aspect est réussi, car les monstres rencontrés offrent des séquences réellement marquantes. Les lieux traversés, qui se limitent malheureusement à des poncifs de l’horreur, proposent des salles particulièrement bien composées et bénéficient d’une direction artistique soignée. Dommage que cela se fasse au détriment d’un quelconque propos ou d’une construction narrative solide.
Frustration en perspective
Côté gameplay, la principale nouveauté de cet épisode tient au fait que notre héros est désormais accompagné d’un autre enfant qui lui permet de venir à bout d’énigmes nécessitant quatre petites mains. À nous les courtes échelles, les sauts par delà de plus grands gouffres… Si jamais d’aventure le joueur a besoin de transporter plusieurs objets, notre comparse se fera une joie de mettre la main à la pâte. Sans changer drastiquement la progression, cela permet également d’alterner entre des phases seul ou accompagné et ainsi régulièrement renforcer le sentiment d’insécurité. Le rythme en est donc positivement affecté et cette nouveauté est donc bienvenue. Si les énigmes de début de partie ne sont pas bien complexes, elles restent agréables à résoudre. Évidemment la complexité grandissante et les nouvelles mécaniques implémentées au fil de l’aventure viennent renouveler l’ensemble. Sur le fond, ces casse-têtes environnementaux sont tout à fait satisfaisants. On regrette cependant qu’une bonne partie d’entre eux n’ait que peu de logique diégétique. Si retrouver des fragments de clés dans des peluches poisseuses a du sens dans l’univers de Little Nightmares, toutes les énigmes ne semblent pas aussi bien intégrées. Ainsi on se demande bien quel monstre irait placer une clé à un crochet à 3 mètres de hauteur pour le relier à un système de poulie.
Malheureusement, Little Nightmares 2 retrouve ses vieux démons et le principal défaut du premier épisode est ici encore plus handicapant. Little Nightmares se différencie des jeux de Playdead par la gestion de la profondeur. Le problème est que, couplées à la relative imprécision des contrôles, certaines séquences en deviennent terriblement frustrantes. Globalement, chaque phase de gameplay demandant un semblant de précision devient potentiellement laborieuse. Nous ne comptons plus le nombre de sauts ratés car nous n’étions pas parfaitement alignés. Remonter un couloir, vu de face, en slalomant entre les ennemis devient un calvaire tant on estime difficilement leur position par rapport à la nôtre. Il en va de même pour les phases de combat, brouillonnes, qui nous auront fait jurer plus d’une fois. Cette imprécision globale est d’autant plus problématique lors des phases de poursuite. Le joueur n’a qu'une faible marge d’erreur avant de se faire rattraper. Ainsi il doit identifier la route à prendre et ne pas se rater au risque de trouver la mort. Seulement, il est aisé de se coincer dans un bout de décor ou de buter contre son camarade au moment le moins opportun. Cela gâche régulièrement l’expérience, car on est parfois plus occupé à pester contre les contrôles approximatifs qu’à profiter de la très bonne mise en scène.
Car de ce côté Little Nightmares 2 ne déçoit pas le moins du monde. Sans sombrer dans le jumpscare facile, il parvient à installer une ambiance pesante et poisseuse, mais également à créer des scènes de poursuite oppressantes. Si le choix de la tridimensionnalité pose problème en termes de gameplay, le champ de vision choisi permet quelques cadrages saisissants. La caméra ne s’empêche jamais de se mouvoir pour soutenir la mise en scène et prend de la distance quand c’est nécessaire pour appuyer le gigantisme des lieux ou des monstres croisés. On note également de jolis effets de profondeur de champ masquant parfois faiblement nos adversaires, de quoi rendre leur nature encore plus ambigüe et créer l’inquiétude. Ces choix formels sont naturellement au service d’une direction artistique efficace. Si l’on regrette une sélection de lieux et d'antagonistes assez convenue, leur traitement visuel a suffisamment de personnalité pour dépasser ce grief. Torturés et difformes, les monstres inspirent autant la crainte que le malaise. On note toutefois une originalité en deçà du premier épisode qui piochait dans un registre bien plus rafraichissant dans son dernier acte. Bref, l'ensemble est toujours aussi réussi esthétiquement, mais les inspirations de ce second opus manquent peut-être de folie pour marquer durablement. Techniquement, hormis de rares chutes de framerate sur console Fat lorsqu’une nouvelle zone se charge, nous n’avons pas de reproches à formuler à l’encontre de LN 2. Les effets de lumières sont réussis, les modèles détaillés et jamais le titre ne semble tiré en arrière par sa technique. On apprécie d'autant plus cette DA grâce à sa production audio impeccable. Les bruits lourds et inquiétants émanant des lieux traversés permettent à une ambiance anxiogène de s’installer. Les cris et les râles des antagonistes ne sont pas en reste tandis que la bande son rythmée par des motifs de boite à musique appuyent l'innocence apparente des protagonistes.
Points forts
- Toujours aussi réussi artistiquement
- Des énigmes plaisantes à résoudre
- Les séquences de poursuite, anxiogènes à souhait
- Quelques très beaux tableaux
- Une mise en scène juste, qui use très bien des mouvements de caméra
- Un sound design efficace
Points faibles
- Une gestion de la profondeur régulièrement problématique
- Les contrôles parfois trop imprécis, notamment en combat
- Des monstres et des environnements moins inspirés que dans le premier épisode
- Un enchaînement de séquences horrifiques qui ne raconte finalement pas grand-chose
Si ce nouvel épisode fait preuve de bonne volonté, il est néanmoins décevant sur plusieurs points. Plus enclin à multiplier les séquences d’horreur qu’à les lier entre elles, Little Nightmares 2 semble obsédé par l’idée d’offrir des images fortes et impactantes. Ces dernières paraissent régulièrement gratuites, la faute à un fil conducteur trop ténu. Sa mise en scène et sa direction artistique sont toujours aussi efficaces, mais les problèmes de perspectives sont encore plus handicapants que par le passé. Il en résulte une aventure prenante et bien produite, mais régulièrement frustrante, autant d’un point de vue narratif que ludique.