Façonnée par Manfred Trenz et l’équipe de Factor 5 pour le compte de Rainbow Arts, Turrican est l’une des séries les plus emblématiques du début des années 1990. Mêlant les mécaniques d’un Metroid à celles d’un run & gun, le titre né sur Commodore 64 et Amiga s’est forgée une excellente réputation parmi les amateurs du genre. D’une beauté saisissante à la sortie, le jeu s’est notamment fait remarquer pour son gameplay nerveux et sa bande-son exceptionnelle signée Chris Hülsbeck. Alors que les deux compilations Turrican Anthology doivent arriver dans les semaines qui viennent (elles sont en préco sur le site de Strictly Limited), ININ Games prend les devants avec ce Turrican Flashback. Regroupant quatre épisodes, il est disponible sur PlayStation 4 (compatible PlayStation 5) et Nintendo Switch et rappellera de bons souvenirs à celles et ceux qui ont arpenté la colonie d’Alterra il y a maintenant trois décennies (pour le rajeunissement, c’est cadeau). On aurait toutefois aimé que la compil’ ne se limite pas à 4 jeux et à quelques filtres…
Turrican, c’est quoi ce nom ? Si vous n’avez pas connu cette formidable série de jeux, un retour en arrière s’impose pour comprendre la sélection de cette compilation. Après avoir terminé sur le podium d’une compétition de codeurs à destination du Commodore 64 (C64), le jeune Manfred Trenz se fait remarquer par le studio allemand Rainbow Arts et développe l’excellent The Great Giana Sisters, une copie parodique et assumée de Super Mario Bros.. Le titre, subissant l’ire de Nintendo, ne restera en rayons qu’une semaine. À la sortie de cet épisode fâcheux, l’intéressé se met à réfléchir à un autre projet C64 et s’imprègne de l’ambiance de Psycho-Nics-Oscar, un jeu d’action prisé en arcade, pour mettre au point un prototype. C’est ainsi que débute le développement de Hurricane – un titre donné par le département marketing de Rainbow Arts. Au même moment, une bande de potes, passionnés d’Amiga et de programmation, mettent la touche finale à leur nouveau jeu, Masterblazer, un remake d’un titre de Lucasfilm Games appelé Ballblazer. Après un coup de téléphone passé à la filiale de George Lucas, l’un des membres du groupe, Julian Eggebrecht (le seul à maîtriser à peu près la langue anglaise) apprend que les droits de Ballblazer sont détenus par… Rainbow Arts à Düsseldorf. Après quelques mois de tractation avec Lucasfilm Games et Rainbow Arts, Masterblazer sort officiellement. Entre temps, Julian Eggebretch s’est lié d’amitié avec les différents membres de Rainbow Arts. Un jour, alors qu’il est à son domicile, il reçoit un coup de téléphone et reçoit la proposition de devenir producteur pour le compte de la compagnie. Il n’hésite pas une seconde et devient employé chez Rainbow Arts.
DU COMMODORE 64 À L’AMIGA
À l’époque, le prototype du jeu Hurricane montre un énorme potentiel. Malheureusement, la popularité du Commodore 64 perd de sa superbe en Europe et le studio envisage sa conversion sur les autres plate-formes à succès, dont l’Amiga. C’est finalement Julian Eggebrecht qui prend la direction du portage de Hurricane sur Amiga tandis que Manfred Trenz poursuit le développement de l’original sur Commodore 64. Pendant plusieurs mois, les deux équipes mènent de front la création du jeu sur Commodore 64 et Amiga mais il y a un problème : son nom ! Trenz et Eggebrecht trouvent le titre Hurricane vraiment naze et estiment qu’il faut absolument le changer. Trenz décide de prendre l’annuaire local et commence à regarder des noms qui pourraient correspondre. Bingo ! Il tombe sur le nom d’une personne d’origine italienne appelée Turricano et décide, tout simplement, de changer le H de Hurricane en T. Turrican est né et va d’abord débarquer sur Commodore 64 et Amiga avant d’être converti – pas toujours par les mêmes équipes - sur un très grand nombre de supports (micros comme consoles). La série donnera naissance à plusieurs épisodes dont des projets (notamment sur PC et Dreamcast) qui ne verront jamais le jour.
Pour les amoureux de l’Amiga, Chris Hüelsbeck est un nom incontournable. Compositeur pour Rainbow Arts, il a participé à la réalisation de nombreux jeux sur Commodore 64 avant de passer sur Amiga. Grâce à un dispositif innovant créé de toutes pièces, il a propulsé les musiques de l’Amiga à un niveau qualitatif exceptionnel et inspiré de nombreux compositeurs. À l’origine des thèmes de plus de 70 jeux, le cinquantenaire continue de publier des albums de ses mélodies fantastiques.
UNE SÉLECTION QUI VA À L’ESSENTIEL
Dans Turrican Flashback, un constat s’impose : il faudra se passer de la version Commodore 64. Sachant que le projet est né sur ce support, c’est un peu dommage – surtout qu’il ne s’agit que d’émulation – mais les développeurs ont choisi de se baser sur un quatuor allant de l’Amiga aux consoles de salon. Ainsi, la compilation propose 4 épisodes : l’original et sa suite parue sur Amiga, Mega Turrican sur Mega Drive et Super Turrican sur Super Nintendo. Les fans seront forcément déçus de ne pas retrouver Super Turrican 2 sur la machine de Nintendo ou encore la surprenante version NES, condensée des deux épisodes originaux, réalisée par Manfred Trenz. Le choix de la mouture Mega Drive peut également être sujette à débat dans la mesure où Julian Eggebrecht, lui-même, la considère aussi mauvaise que les versions Game Boy et Turbografx. C’est très sévère mais les goûts et les couleurs…
DE L’ACTION, DU PIXEL ET ENCORE DE L’ACTION
Comme dans le passé, on tire et on dézingue tout ce qui passe à portée du fusil en ayant un seul but en tête : reprendre le contrôle d’Alterra. Que l’on soit à pied, en jet pack ou à bord du vaisseau, Turrican reste égale à lui-même : ultra dynamique, ultra jouable et hyper accrocheur (auparavant, les termes super, giga, méga étaient légion). À travers ces contrées hostiles, il faut user du saut pour progresser sur les plate-formes mais aussi veiller à l’évolution du bestiaire qui devient de plus en plus résistant et malin. L’arsenal est si puissant que l’écran est constamment illuminé de boulettes et autres lasers. Chaque épisode puise ainsi dans les poncifs de la décennie 1990 et s’accommode de musiques géniales qui donne l’envie de se surpasser pour découvrir chaque environnement. En ce sens, cette compilation fait vraiment plaisir et on se replonge sans mal dans l’ambiance futuriste de la licence. Le studio en charge de la compil’ a également eu la bonne idée d’intégrer des options sympathiques pour jongler entre les filtres, la résolution, l’affichage de l’interface ou même le type de signal vidéo souhaité. Il est même possible d’accéder aux cheats (invincibilité, plus de vie, plus de bombes, passage de niveau…) ou encore de rembobiner l’action en cas d’échec. Rien de révolutionnaire certes mais c’est tout de même très pratique tant la difficulté est relevée. Pour le reste, on est tout de même en droit de demander bien plus pour une compilation. Il n’y a strictement aucun bonus (n’espérez pas d’interviews vidéo, de croquis préparatoires ou encore d’un sound-test permettant de se délecter des somptueux thèmes de Chris Hüelsbeck) et cette solution de facilité est regrettable. Cela n’enlève en rien la qualité des titres mais en termes de compilation, Turrican Flashback se situe dans la moyenne base.
Points forts
- Une compilation avec des titres de qualité
- Les musiques toujours divines de Chris Hüelsbeck
- Des options bienvenues
- La possibilité d'utiliser des cheats
Points faibles
- Aucun bonus additionnel (making-of, croquis...)
- Seulement 4 jeux
- Une caméra parfois à la traîne
Alors que la série Turrican s’apprête à fêter ses trente ans d'existence, les deux premières aventures issues de l’Amiga demeurent toujours des valeurs sûres. Dans le domaine du run and gun, la licence est reine et ce retour en arrière prouve qu’elle n’a pas pris une ride. Malgré quelques problèmes de focale, chaque aventure est incroyablement nerveuse et transporte le joueur dans un univers mêlant science-fiction et ambiance 80’ avec de beaux gros clins d’œil à Alien et Terminator. Les épisodes Mega Drive et Super Nintendo s’en tirent, eux aussi, avec les honneurs. C’est beau (si on aime les pixels colorés), ça bouge bien et ça défoule, avec une grosse dose de challenge. Dommage que cette compil’ ait choisi la voie de la facilité car avec plus de jeux et une section bonus, elle aurait eu bien plus d’atouts. Mais les fans et curieux apprécieront.