Beaucoup de joueurs étaient circonspects face à l’annonce de Doom 2016 sur Switch. Comment faire tenir un titre aussi véloce et impressionnant techniquement sur la portable de Nintendo ? Le défi avait été relevé avec une certaine aisance et depuis nous avons pu voir émerger de nombreuses versions de AAA, certes bien moins fines techniquement, mais néanmoins réussies sur cette plateforme. Qu’en est-il donc de ce Doom Eternal ?
Occupant 18 Go sur la mémoire interne de la console en version dématérialisée, Doom Eternal semble avoir bénéficié d’un meilleur travail de compilation que son prédécesseur qui en occupait 22. D’un point de vue technique, les deux titres sont très proches. Cela saute instantanément aux yeux, les textures sont bien moins détaillées que sur les versions consoles ou PC. La résolution en prend également un coup. Si l’interface est affichée en 720p, le jeu utilise une résolution variable s’adaptant à la situation pour offrir l’expérience la plus fluide possible. La profondeur de champ se réduit également en quelques occasions pour masquer les aspérités trop flagrantes des modèles. Globalement, on constate un niveau de détail proche des versions Low sur PC, ce qui n'est pas surprenant.
C’est incontestable et logique, Doom Eternal est bien moins beau sur Switch que sur n’importe quelle autre plateforme. Cependant, cette version est loin d’être désagréable, surtout en portable. Si personnellement, nous éviterons d’étirer la résolution faiblarde sur un écran 4K de 55 pouces, une fois sortie du dock, cette version n’est pas honteuse. Globalement fluide et stable à 30 images par seconde, elle ne descend qu’en de rares occasions en dessous de ce cap. Il en résulte une expérience floue en docké et encore plus en portable, mais pas désagréable pour autant, qui représente un bon moyen de découvrir le titre d’id Software. Ce qui impressionne dans ce Doom Eternal sur Switch, c'est que malgré le manque de détails flagrants des modèles, on reconnait instantanément le type d’ennemis affrontés grâce à leurs silhouettes. Une nouvelle preuve, s’il en fallait, que le design des ennemis est ici d’une grande qualité.
Côté contrôles, si jouer en docké équipé d’un contrôleur Pro procure des sensations identiques aux autres consoles de salon, les Joy-Con montrent bien plus vite leurs limites. La prise en main et la nature un peu glissante des sticks de la console rendent les gunfights les plus tendus un peu fastidieux. Il est parfois difficile d’enchainer les kills et les exécutions par manque de précision. Si en “Fais-moi mal” le tout est gérable sans trop de soucis, on a du mal à imaginer comment venir à bout des niveaux de difficulté les plus élevés équipé des Joy-Con. Bref, loin d’être injouable en portable, les contrôles sont tout de même bien plus précis une fois docké.
Le test original de Doom Eternal par Panthaa
Le test est désormais complet et se base sur l'évaluation du solo (PC et consoles) et du multijoueurs à travers le Battlemode, joué sur PC à date du 20/03/2020. Vous pourrez trouver les paragraphes dédiés au multijoueurs sous le titres "Un multi fun et intéressant mais encore un peu léger... "
Le vidéo-test de Doom Eternal
Il était une fois, le Doom Slayer
Si l’approche scénaristique du Doom de 2016 était particulièrement “tranchée”, préférant faire l’impasse sur un scénario constructif afin de prioriser la frénésie du gameplay, alors innovant à bien des égards, Doom Eternal rééquilibre ses qualités. Le jeu d’id Software offre ici une histoire simple mais bien ficelée permettant au joueur de voyager à travers une véritable croisade contre les enfers, qui nous amènera de la Terre jusqu’à Mars en passant par Phobos, mais aussi par de nombreux territoires en lien avec l’histoire des peuples qui s’opposent ici. Même les moins calés en lore de Doom (car oui, il y en a un) y trouveront leur compte et se laisseront agréablement bercer tant le récit, quasi-biblique, est intéressant à suivre et plutôt bien écrit. En revanche, il faudra parfois s’accrocher puisque les termes et les noms peuvent pleuvoir sans avoir “encore” été expliqués ou présentés via le Codex. Rassurez-vous, sans tout fouiller, vous aurez compris l’essentiel du scénario dès votre première exploration.
Valérie DamiDoom : faire du neuf avec du vieux
Ces nombreuses pérégrinations du Doom Slayer à travers Doom Eternal permettront d’ailleurs de se rincer l’oeil sur des créations artistiques franchement très au point. On y découvre de titans démoniaques figés dans leurs derniers efforts, des cathédrales aux vitraux bien travaillés : tout au long du jeu le world design nous régale et s’avère varié, ce qui nous change clairement de l’ambiance très monotone du remake de 2016. Doom a donc appris à être moins conventionnel sur sa trame et sur ses niveaux. Aux panoramas et diverses séquences de découverte de zone, où l’on aura plaisir à s’arrêter un petit instant pour admirer le paysage, s’ajoutent évidemment les phases de combat, sur lesquelles nous reviendrons plus tard.
L'envoutante zone d'Exultia, en vidéo
Puis, il y a les pièges, les “énigmes” (rassurez-vous, rien de bien complexe) et les nombreux secrets cachés qui donneront un peu de fil à retordre aux moins organisés lors d’une première run du jeu. Il est toutefois possible de revenir dans les niveaux déjà explorés, profitant alors de passifs de détection vous indiquant l’emplacement de stations cartographiques, par exemple. Enfin, pour les amateurs de challenge, sachez que le titre comporte des défis en arène, répartis dans les niveaux, mais aussi des versions alternatives, bien plus difficiles, des passages explorés. Ces petits “plus” seront accessibles notamment via la Forteresse, un hub qui se déverouillera progressivement et qui vous permettra de vous entraîner, de débloquer différentes armures ou encore d’admirer votre “chambre de gamer testostéroné” avec figurines simili-Pop, skins, guitares électriques, livres sur les démons et atelier pour faire briller ses armes...
Mêlez tout cela à un système de défis quotidiens et à des mécaniques proches de la grind habituelle des free-to-play, récompensant le scoring par quelques gains cosmétiques et vous obtenez un jeu qui, rien qu’en solo, vous apportera plus de 25 heures de contenu si vous êtes du genre à ne rien vouloir laisser de côté. Les joueurs ne rentrant pas dans cette catégorie pourront toutefois se projeter sur une quinzaine voire sur une vingtaine d’heures en fonction de leur attrait pour l’histoire de l’épisode, qui offre pas mal de lecture et d’artworks pour narrer sa trame.
Cardiaques s’abstenir…
Mais là où ce Doom Eternal fait très fort, c’est sur son gameplay, incroyablement véloce et nerveux, qui nous plonge parfois dans une transe destructrice. Pour être tout à fait honnête, rares sont les jeux où l’action nous avait mis sous une telle pression, tout en n’oubliant pas de nous demander un brin de jugeote afin de cibler les bons ennemis avec les bonnes armes et d’avoir toujours l’oeil sur notre ATH et sur l’environnement. Comme auparavant, le système fonctionne sur une triple-ressource : vie, munitions, armure.
La vie s’obtient via les GloryKill, ces mises-à-mort spectaculaires qui sont déclenchables dès qu’un ennemi vacille et se met à clignoter en bleu ou en orange. Une fois tué, l’adversaire lâchera de précieux points de vie. Ensuite, il y a l’armure, en vert, qui s’obtient en cramant littéralement vos adversaires avec votre lance-flamme dorsal. En brûlant, vos ennemis feront tomber les plaques d’armures. Même chose lorsque vous tronçonnez vos adversaires, qui libéreront alors une quantité de munitions de plusieurs types. Généralement, ces dernières seront compatibles pour deux modèles d’armes différentes : ce sera à vous de choisir quel modèle prioriser, selon les spécialisations et tirs alternatifs disponibles.
Petit bémol cela dit concernant la tronçonneuse : il faudra régulièrement penser à sillonner le niveau à la recherche de munitions et de jerricans d’essence, sans quoi votre tronçonneuse ne fonctionnera pas, ou ne sera utilisable qu’une fois que vous serez à court de balles, ce qui vous met forcément dans une position délicate étant donné que le corps-à-corps est clairement inefficace...
De nombreuses runes et passifs vous rendront très vite surhumain dans le monde de Doom Eternal. Un bullet time lors de vos visées de précision vous permettra d’ajuster vos tirs pour détruire les points faibles des “super-démons”, un boost de vitesse vous rendra ultra rapide après un GloryKill : la recette prend vite une tournure acrobatique, surtout lorsqu’elle inclut de la plateforme, des double-sauts, dashs, escalade, grappins, plateforme de jump et autres joyeusetés qui transforment souvent le gameplay de Doom Eternal en véritable ode aux grandes heures de Quake 3 Arena. Il faudra donc conjuguer avec les nombreux adversaires face à vous, du démon-araignée jusqu’au behemoth, en passant par le très énervant Maraudeur, un guerrier qui n’est vulnérable qu’une micro-seconde avant d’attaquer… Il est aussi plaisant de constater que les boss sont bien pensés et offrent de chouettes combats avant d’intégrer le roster d’adversaires “communs”, de quoi rendre les batailles finales réellement apocalyptiques.
Bref, c’est un pur bonheur à manier qui, très souvent, et notamment sur la fin de l’aventure, mettra vos nerfs à rude épreuve durant de longues minutes de combat effréné. Evidemment, Mick Gordon signe ici une très bonne B.O. qui vient dynamiser encore plus la frénésie des affrontements. C’est donc un quasi-sans faute que réalise là, Doom Eternal, même si le second tiers du titre, comme bien souvent, pose un peu plus son rythme, nous confrontant à moins de nouveauté qu’en début et fin d’aventure. Et si nous avions pu pester sur les phases de plateforme lors de notre preview, elles ne nous ont ici jamais gênés, malgré la rudesse de leurs animations, dénotant avec la grâce des GloryKill, toujours jouissifs, malgré les heures qui défilent et les quelques bugs de collision qu’ils occasionnent parfois…
Un multi fun et intéressant mais encore un peu léger...
Contrairement à la partie multijoueurs de Doom 2016, le multijoueurs de Doom Eternal a été géré par le studio id Software et répond donc à l’envie des développeurs, qui l’ont pensé comme un mode “fidèle” au socle du jeu. Point de match à mort, point de king of the hill, non, ici, la traque reste au coeur de l’expérience.
Battlemode, c’est le nom du premier pan multi dédié à cette mouture 2020, et elle vous propose de l’affrontement asymétrique en 2V1. Un joueur campera ici le rôle du Doom Slayer, quand deux autres, qui l’affronteront, incarneront des démons massifs, sélectionnés parmis 5 possibilités. L’Arch-Vile et ses compétences de feu, le Mancubus qui servira de tank, le très très très violent Maraudeur, cauchemar des joueurs solo, l'aérien Doloris, et le Revenant, efficace mais fragile.
Avant de démarrer le match, qui se jouera en 3 manches gagnantes, chacun des deux démons sélectionne son approche via le choix d’un kit, incluant des compétences et des invocations. Le Slayer, lui, aura toute la mobilité qu’on lui connait et pourra même farmer les petits démons pour récupérer de la précieuse vie, de l’armure, et des munitions. Il dispose donc de la meilleure mobilité, et se balade sur la carte, profitant des bumpers et portails de téléportation, tandis que ses deux ennemis génèrent des hordes de créatures pour l’attaquer et tentent de le mettre à terre.
Exemple typique d'une partie où le Doom Slayer gère mal ses ressources...
A première vue, le Slayer aura la vie difficile car, s’il souhaite gagner, il va devoir atomiser les deux démons-joueurs d’affilée, dans un lapse de temps assez réduit, d’environ une vingtaine de secondes. S’il n’y parvient pas, le démon abattu reviendra sur le terrain jusqu’à ce que l’un des deux camps soit anéanti. Autant sur nos premières parties, nous étions assez peu convaincus par la capacité du Doom Slayer à l’emporter dans ces conditions, autant en l’incarnant, ou en se faisant totalement détruire par un bon Doom Slayer, nous avons compris d'où peut provenir la victoire. Il ne s’agissait finalement que d’une question d’organisation côté démon, avec un pressing efficace, et d’une bonne gestion des munitions et, évidemment, d’un peu de talent à la visée, pour l’emporter, côté Slayer.
Entre chaque manche, les démons et le Slayer peuvent s’offrir une amélioration, renforçant les capacités des compétences choisies. Et si le combat s’éternise un peu, une compétence bien plus forte pourra être obtenue, comme par exemple l’invocation d’un Baron côté démons ou l'obtention du BFG. De quoi pimenter encore un peu plus le rythme du Battlemode, qui se rapproche pas mal de l’ambiance et du plaisir de jeu que l’on ressent en solo, auréolé ici de la satisfaction d’avoir battu un autre humain, voire même deux si vous jouez le Doom Slayer… Toutefois, avec deux kit par démons massifs, et six maps à jouer, difficile de se projeter sur du long terme en Battlemode. Cette variante multijoueurs sera, on l’imagine, l’occasion de s’amuser entre amis ou contre des inconnus après avoir terminé le solo : de quoi entretenir la flamme sans vraiment devenir un classique du genre. Mais après tout, est-ce qu’on demande à Doom d’avoir un multijoueurs calibré pour du long termes ? Probablement pas...
Points forts
- Un défouloir toujours aussi efficace
- Une direction artistique fantastique
- L'OST de Mick Gordon et un sound design percutant
- Une bonne durée de vie (15 à 20 heures)
- Un multijoueur prenant, basé sur la traque des joueurs et l'asymétrie de gameplay
Points faibles
- Des concessions techniques logiques au vu du support
- Des Joy-Con qui montrent vite leurs limites
Doom Eternal sur Switch reste Doom Eternal. Toujours aussi prenant et bien rythmé, il saura satisfaire le quidam en manque d’action frénétique. Il est évident que des concessions sont faites pour faire tenir le shooter d’id Software sur Switch mais le rendu global est sensiblement identique à l’épisode de 2016 sur ce même support. On le recommandera principalement en docké car les Joy-Con montrent vite leurs limites lors d’affrontements plus intenses.