Audio, video, disco, tetrimino !

Nombreux sont les joueurs ayant connu Tetris sur Game Boy au début des années 1990. À cette époque, les habitués du puzzle-game écoutent puis sifflent à tue-tête l’hymne de Nikolaï Alekseïevitch Nekrassov, intitulé Korobeiniki, pendant qu’ils encastrent leurs briques et suppriment des lignes. Dans un sens, la musique a toujours eu son importance lors des parties de Tetris. Aujourd’hui, les équipes d’Enhance Games font revenir le mythe sur les consoles Xbox et décident de lui greffer un univers fait d’étoiles scintillantes et de musiques électroniques. À l’instar de la version PlayStation 4 sortie en novembre 2018, chaque pixel de Tetris Effect porte l'empreinte de Mizuguchi.

De Rez et Child of Eden, il en prend avant tout l’habillage audiovisuel. Les habitués reconnaîtront sans difficulté divers éléments inspirés des précédents rail shooters de l’artiste, à l’image des constructions volantes du niveau “Da Vinci”, des effets sonores aquatiques de “Prayer Circles” ou des animaux étoilés des fonds marins de “The Deep”. Le mode “Périple” fait parcourir sous la forme d’un Tetris des univers tantôt mécaniques, tantôt organiques, ou tout simplement abstraits, dont les thèmes ont déjà été abordés au cours des précédentes œuvres du créateur japonais. Les 27 tableaux présentés en tant que cailloux lumineux créant un chemin dans l’espace nourrissent d’autant plus cette impression de suivre les songes de l’auteur.

De Lumines, Tetris Effect s’inspire des tableaux qui s’enchaînent et qui se transforment, en plus d’un traitement audio similaire : chaque pièce déplacée joue un son qui s’intègre à une musique évoluant au fil des points glanés. Ces sons causés par les actions du joueur et qui s’ajoutent au morceau sont parfois particulièrement mis en valeur, ce qui donne l’impression grisante de composer la musique en temps réel. L’omniprésente musique se contente d’habiller Tetris Effect. Il n’y a de ce fait aucune mécanique basée sur le rythme ou sur la modulation des mélodies. La bande sonore dynamique reste néanmoins indispensable dans l’appréciation de l’expérience. Les hymnes proposés couvrent un large éventail de styles attachés à la musique électronique. On y découvre de l’Ambient, du Tribal, de la Techno/House, de la Dance ou encore un soupçon de Lounge.

Enter the Tetris

Malgré ses libertés, Tetris Effect respecte globalement les règles de ses aînés tout en ajoutant aux mécaniques de base une fonctionnalité intitulée “Zone”. Elle donne en fait la capacité au joueur de geler le temps, et donc le défilement obligatoire des pièces, jusqu’à ce que la jauge dédiée se vide. Dans cet état, chaque ligne complétée ne se détruit pas. Elle glisse simplement en bas de la construction et patiente jusqu’à la fin du chronomètre pour exploser de concert avec toutes les autres lignes comblées. Plus il y a de blocs qui explosent, plus le joueur marque de points. Si la variation de tempo en cours de partie peut mener à quelques erreurs causées par la surprise, les développeurs ont été indulgents en ce qui concerne le timing lié au T-Spine. En effet, il est possible d’effectuer plusieurs rotations même si la pièce manipulée est arrivée au terme de sa chute, ce qui s’avère particulièrement utile pour combler un trou quand le Speed Meter est à son maximum.

Au sein d’un même niveau, la vitesse de chute des tetriminos est amenée à varier, rendant quelques fins de chapitres particulièrement corsées. Quand le Speed Meter passe brusquement de huit à seize, c’est l'œil rivé sur sa zone de jeu que le joueur, secoué mais concentré, compte les lignes restantes pour valider le tableau. Enhance Games a en tout cas écouté les utilisateurs frustrés par la difficulté du mode “Défi” de Lumines en proposant de recommencer un niveau perdu plutôt que de tout recommencer depuis le début. Le seul malus réside dans la perte de ses points, ce qui engendre à un rang final forcément moins mirobolant. Il est à noter qu’il est possible de sélectionner un niveau de difficulté parmi trois disponibles (débutant, normal, expert).

Multi pour la vie

De l’aveu même de Mizuguchi, le Tetris Effect sorti en 2018 était pensé dans le but de couper le joueur du monde réel. C’est pour cette raison qu’une compatibilité avec le PlayStation VR fut développée. Mais en ces périodes compliquées de confinement, Enhance Games veut unir plutôt que séparer. Tetris Effect : Connected apporte du multijoueur en local comme en ligne, une option qui faisait défaut à la précédente version. En tête de liste, nous retrouvons le mode “Connected”. Trois joueurs ont pour mission de s’unir pour vaincre une série de trois boss différents, dont la dangerosité varie en fonction du mode de difficulté sélectionné. Ces gros vilains ont effet plusieurs pouvoirs à leur disposition pour refroidir les ardeurs des joueurs comme faire chuter des pièces géantes ou masquer la visualisation de la pièce à venir. Une fois que l’escouade a complété suffisamment de lignes, les matrices fusionnent. Les joueurs se retrouvent alors avec un mode zone activé où ils ont l’opportunité de faire chuter leurs pièces où bon leur semble à tour de rôle dans le but d’effectuer un maximum de combo. Sur quasiment toute la longueur de l’écran. Pour les y aider, des tetriminos violets apparaissent de temps à autre, poussant vers le bas tous les blocs qu’ils touchent. Lorsque le chronomètre est terminé, toutes les lignes complétées explosent, ce qui a pour effet d’ajouter des blocs dans la matrice du boss si ce dernier ne s’est pas défendu efficacement. Les écrans se scindent de nouveau et chaque joueur retrouve sa structure. Une variante de ce mode existe, permettant à un utilisateur de prendre la place de l’ennemi normalement dirigé par le CPU.

En “Zone Battle”, deux adversaires se font face avec les règles des Tetris modernes et la possibilité de déclencher la Zone. Ici, faire des lignes en ajoute à l’adversaire : c’est donc un duel de survie. Les deux derniers modes sont des attaques de score. En “Score Attack”, l’utilisateur a pour mission de faire plus de points que son adversaire sans pouvoir utiliser l’effet de Zone. Quand un des concurrents perd à cause d’une structure trop haute, l’autre a encore deux minutes pour tenter de revenir au score. “Classic Score Attack” reprend les mêmes règles sauf qu’il retire les indications de chute des pièces, enlève la possibilité de garder un tetrimino, supprime la chute rapide, et interdit le T-spine. Du Tetris à l’ancienne, en d’autres termes, mis en musique par un des thèmes d’origine de la version NES totalement remixé (Music 1). Il est à noter que ces modes sont tous jouables en solo via l’activation d’une IA dont le niveau peut être paramétré de débutant (1) à maître (10). Bien qu’ils soient finalement peu nombreux, ces modes multijoueur complètent de fort belle manière l’expérience Tetris Effect d’origine, avec une mention spéciale pour l’option “Connected” prenant à contre-pied le courant Battle Royal dans lequel s’est engouffrée la licence récemment. Il est juste regrettable de constater l’impossibilité de jouer à ce mode avec un joueur en local et un autre à distance. Oui, il faut forcément choisir entre le 100 % offline ou le 100 % online.

Les faits, rien que l’effet

En plus de la nouvelle rubrique multijoueur, Tetris Effect : Connected possède les nombreux modes de jeu présents dans la précédente version, afin de ne pas laisser redescendre l’utilisateur trop rapidement. La rubrique “Effets” dispose de quatre grandes catégories, elles-mêmes découpées en plusieurs modes distincts. La catégorie “Classique” est composée des modes tournés vers la course aux points (Marathon, Ultra, Sprint, Master). La catégorie “Relaxé” mise sur l’expérience au détriment du challenge puisque le Game Over y est supprimé. “Concentré” propose des défis orientés sur l’agilité et l’observation, tandis que “Aventureux” ajoute les modes où les malus sont légion dans le but de mettre des bâtons dans les briques du joueur. “Compte à rebours” fait chuter des barres régulièrement sans que le joueur puisse les placer où il le désire, “Purifier” demande de supprimer des blocs infectés en moins de trois minutes, et “Mystère” est un mode survie où les effets aléatoires (écran inversé, pièces partiellement détruites, etc.) s’enchaînent. Les options de jeu sont donc conséquentes et apportent des manières aussi intéressantes qu’originales d’appréhender le célèbre puzzle-game. Tous ces modes ont pour but d’apporter des points d’expérience, et de permettre au joueur de débloquer quelques avatars à admirer dans les sections “Orbite” du titre, mélangés à ceux des autres utilisateurs.