Après avoir l'une des plus belles surprises "indé" du mois d'avril sur PC, CloudPunk a le droit à son inévitable portage sur Switch. Un défi pas si évident à relever, tant la ville de Nivalis brille de mille néons qu'il faut savoir restituer comme il se doit sur une console bien moins puissante qu'un PC. Et, malheureusement, les concessions visuelles sont lourdes de conséquences.
Le corps de ce test reprend ce qui a été déjà dit à propos de la version PC. Nous ajoutons un encart dédié à la qualité du portage sur Switch.
L'immersion est donc gâchée, mais également la facilité d'orientation dans la ville, car on pilote la plupart du temps dans un brouillard épais, en devant constamment garder un oeil sur la mini carte pour être sûr que l'on va dans la bonne direction. À cela s'ajoutent de trop longs temps de chargement entre chaque quartier de la ville (pas loin de 30 secondes). Dans ces conditions, il est réellement difficile d'apprécier les charmes cyberpunk de la cité dans les nuages. En l'état, si vous voulez découvrir correctement ce très bon jeu, on vous conseille tout simplement d'éviter la version Switch.
Colis Express
Cloudpunk met en scène Rania, jeune femme contrainte, pour une sombre histoire de créances, à quitter sa région natale reculée et rurale pour se perdre dans les méandres de Nivalis, mégapole labyrinthique aux rudes conditions de vie pour le peuple qui en garnit les niveaux inférieurs. Fraîchement recrutée chez Cloundpunk, service clandestin de livraison de colis, notre héroïne devra se plier à deux règles simples : livrer le colis à son destinataire et ne pas poser de questions quant à son contenu. Votre outil de travail, à savoir votre véhicule baptisé HOVA, vous conduira à travers la splendide Nivalis pour acheminer vos paquets. Accompagnée par Contrôle, un androïde désabusé et chargé de vous affecter des missions ainsi que par Camus, son chien dont la personnalité a été transférée dans votre véhicule et qui servira aussi d'ordinateur de bord, Rania, au cours de ses livraisons, rencontrera toute une galerie de personnages, du plus anecdotique au plus important, tout en suivant une trame narrative d'une plus grande ampleur très agréable à suivre.
Le verbe avant l'action
Essentiellement narratif et très bavard, Cloudpunk semble un peu poussif dans un premier temps. Au-delà de quelques maladresses d'écriture et de certains doublages en dent de scie, c'est aussi par son respect trop académique de toutes les cases à cocher concernant le Cyberpunk que le titre semble frileux quant à la prise de risque, même s'il évite assez intelligemment le cliché de nous placer dans la peau d'un chef de gang ou autre corporation comme c'est trop souvent le cas dans le style. Cependant, ce n'est là qu'une première impression. Au fil des livraisons, les personnages prennent de l'épaisseur. Camus, assez insupportable lors de ses premières interventions, devient nettement plus attachant au fil du temps, tour à tour touchant et drôle, au même titre que Rania dont la psychologie est bien brossée tout comme sa relation avec Contrôle, qui fonctionne plutôt bien. Chaque livraison est l'occasion de développer un peu plus en profondeur les personnalités des protagonistes et Cloudpunk finit par devenir captivant au fil du temps. Nous ne pouvons d'ailleurs pas écrire ce test sans mentionner Huxley, détective privé qui parle comme s'il racontait sa propre vie dans un roman noir, à grands coups de métaphores excessives, ce qui ne manque pas d'exaspérer ses interlocuteurs, mais qui n'interdit pas de se prendre d'affection pour ce personnage anachronique dans sa manière de parler comme dans ses principes.
À l'exception, donc, de quelques facilités d'écriture, Cloundpunk, très verbeux, s'en sort très bien du point de vue de l'écriture, et il fallait bien ça, tant la dimension ludique est, elle, reléguée au second plan. Sans doute volontairement et conformément à votre statut de livreuse, votre nuit de travail consistera tout simplement à aller d'un point A à un point B, que ce soit pour récupérer un colis, faire le plein d'essence ou acheminer un passager. Les phases de conduite sont entrecoupées de séquences à pieds. Mais inutile d'espérer pouvoir garer votre HOVA où bon vous semble pour gagner du temps, les espaces de stationnements sont réglementés et il faudra parfois marcher une bonne poignée de minutes pour aller à la rencontre du destinataire d'un colis. Ces séquences de marche sont aussi l'occasion d'explorer un peu les lieux et de récupérer une poignée d'items, certains étant nécessaires pour une quête assez laborieuse requérant de trouver plusieurs fois une certaine quantité de cartes perforées, mais aussi pour trouver des bricoles à vendre auprès des marchands afin de pouvoir réparer les dégâts subis par le HOVA, ou en améliorer la résistance ou la vitesse.
Malheureusement, ces phases de marche ne sont pas franchement excitantes. S'il peut s'avérer parfois grisant d'évoluer dans les rues de la ville, la caméra précalculée désoriente parfois le joueur, contraint de se heurter à déjà beaucoup de difficulté d'orientation, la mini-map comme la map de la ville étant assez mal élaborées. Sachant que de nombreux allers-retours seront au programme et que les complétistes devront, s'ils veulent récupérer tout ce qui traîne, passer beaucoup de temps à pied, nous aurions aimé des déplacements plus agréables ou une dimension exploration mieux récompensée que par les quelques quêtes fedex supplémentaires que l'on peut y trouver. Aller et revenir d'un point de stationnement vers l'objet de la livraison est parfois pénible, au même titre que ces moments de flottement où, une fois la livraison accomplie, il est nécessaire d'attendre le déclenchement du prochain script qui vous donnera une nouvelle mission, vous contraignant soit à attendre sur place, soit à vous contenter de conduire dans les allées de Nivalis au risque de vous éloigner grandement de votre prochain point d'intérêt.
Nivalis : le personnage principal
Mais au-delà de ça, la ville de Nivalis est une véritable réussite et s'y engloutir est un régal. Immense, tentaculaire, grouillante de vie, la mégapole pèse de tout son poids sur le joueur, qui se sent véritablement comme une simple âme perdue parmi tant d'autres et que ses tracas n'entravent pas pour autant la rotation de la Terre. La circulation des véhicules volants est dense, même lorsque l'on choisit de se désaxer des couloirs de navigation principaux, et la cité jouit d'une architecture variée en fonction des quartiers traversés. Les zones les plus riches sont éclairées, propres et presque rassurantes, tandis que les bas-fonds font peser toute leur densité et leur précarité sur l'atmosphère de certaines portions de la ville. Le rendu cubique, qui fonctionne cependant nettement moins bien lors des séquences à pieds, est parfaitement maîtrisée et n'interdit pas une certaine douceur dans les courbes de cette cité dans laquelle il est un plaisir sans cesse renouvelé de se perdre. Le risque était élevé : créer de grandes zones urbaines ouvertes aurait pu impliquer une redite dans les environnements ou un aspect moribond puisqu'il n'est pas possible de rentrer dans un quelconque bâtiment. Il n'en est absolument rien ici. Aidé par un design sonore de haute volée, Nivalis est vivante et hypnotique. Empruntant assurément à l'esthétique fixée par Blade Runner, Cloupounk jouit cependant d'une forte identité qui envoûtera le joueur durant les 8 heures qu'il lui faudra pour baisser le rideau sur l'aventure.
La conduite quant à elle est assez agréable et l'on ressent bien le poids du véhicule, son inertie, sa vélocité. Ceci étant, les déplacements graciles du véhicule sont trop souvent interrompus par des collisions assez mal gérées par le jeu, les hitbox des véhicules croisés étant nettement plus large que ce qu'ils paraissent à l'écran, impliquant donc des dégâts sur votre HOVA, qu'il faudra régulièrement réparer. Nous avons aussi assisté à quelques chutes de performances lorsque nous nous élevions un peu trop haut dans les niveaux supérieurs de Nivalis et avons ponctuellement rencontré quelques bugs de collision contre l'environnement au sol, nous contraignant parfois à revenir au menu principal pour réactiver le dernier checkpoint. Rien de bien dramatique cependant, Cloudpunk restant une expérience narrative à part, qui témoigne d'un grand soin dans le développement de son atmosphère, de ses environnements, et, la plupart du temps, dans l'écriture de ses intrigues et de ses personnages.
Points forts
- Nivalis, une cité imposante, vivante et envoûtante
- Une atmosphère particulièrement soignée
- Personnages bien brossés, drôles ou touchants
- Bande-son et sound design pile dans le ton
Points faibles
- Une distance de vue drastiquement réduite sur Switch, qui gâche la navigation
- Un portage qui peine à atteindre les 30 FPS
- Longs temps de chargement entre chaque quartier
- Quelques maladresses d'écriture dans sa première partie
- Quelques bugs ici et là
- Quelques quêtes fedex accessoires
CloudPunk reste un jeu unique par sa proposition de nous offrir un trip avant tout narratif dans un univers qui reprend tous les grands codes du Cyberpunk. Mais ce portage Switch se retrouve handicapé par des tares techniques qui gâchent en grande partie le plaisir de découvrir la cité de Nivalis. Temps de chargement longuets, distance de vue ridicule, fluidité qui n'est pas toujours au rendez-vous... En arrivant sur la console de Nintendo, le titre de Ion Lands perd grandement de sa superbe. Une version à éviter, tout simplement.