La limite entre mythologie et histoire se floute avec le dernier venu de Creative Assembly, un an après le très réussi Three Kingdoms. A Total War Saga : Troy vous propose de jouer le plus célèbre conflit de l’Age de bronze avec quelques notes fantastiques sans pour autant dénaturer d'aucune sorte l'essence de la franchise.
Ménélas l'offensé
Contexte de l'histoire
Avis aux amateurs de mythologie grecque, cet opus d'A Total War Saga : Troy pourra vous intéresser ! Le jeu vous plonge en plein Iliade, c'est à dire la fameuse guerre opposant les troyens, situés en actuelle Turquie, aux achéens, un peuple dominant la Grèce. Durant 10 ans, ces derniers ont tenté de laver l'affront qui leur a été fait, à savoir l'enlèvement de la belle Hélène, femme du roi spartiate Ménélas. Comme tous les Total War Saga, Troy se concentre sur un événement en particulier et en profite pour scénariser un peu plus son gameplay. Par exemple, le lancement de la guerre survient au trentième tour et à partir de ce moment, le joueur reçoit régulièrement une notification indiquant des tremblements de terre aux alentours de Troie, car Poséidon cherche lui aussi à faire tomber ces murs. En plus d'être bien entendu la cité la plus puissante de la carte, Troie est alors un objectif central et commun aux deux camps, cherchant à la détruire ou à la capturer.
Une nouvelle mécanique vient renforcer cette ambiance de rivalité si importante à ces histoires, il s'agit de l'antagoniste. Quoi que vous fassiez niveau diplomatie, à un moment, une nation puissante (et parfois, si ce n'est toujours, à l'autre bout de la carte) vous désignera comme son antagoniste, vous promettant une guerre sanglante. La déclaration survient une fois que vous vous êtes déjà bien développé, mais l'antagoniste est forcément une autre faction puissante de la campagne, si bien qu'il est impossible d'ignorer la confrontation. Vu que l'antagoniste sera très souvent un troyen, c'est une manière efficace de vous forcer à traverser la mer Égée pour prendre part au conflit de Troie, et tant pis pour vous si vous visiez la paix dans vos terres.
Vaincre l'antagoniste fait partie des conditions de victoires du jeu. Il y a deux manières de finir la campagne, soit en suivant le scénario classique (contrôler 100 territoires dont certains notables et battre l'antagoniste), soit le scénario Homérique (anéantir les achéens/troyens et remplir les missions épiques de votre héros). Dans la même partie, vous pourrez donc suivre les conditions de victoires qui vous intéressent, selon votre affinité avec l'histoire ou le mythe.
Fausse mythologie dans le gameplay
Reproduire les conditions de l'Iliade n'est pas la seule référence mythologique du jeu, loin de là ! Nous avons déjà parlé des événements météorologiques s'acharnant sur Troie, mais certaines peuvent aussi vous affecter directement. Il y a aussi toute une notion de faveurs divines assez importante. Toute faction peut prier un ou plusieurs dieux du panthéon grec, composé ici de 7 divinités. Chaque dieu procure ses propres améliorations à votre faction s'il est assez adoré, par des temples, des prières ou des hécatombes. Les dieux demandent une attention continue pour accorder leurs faveurs, mais les bénédictions qu'ils accordent peuvent changer le cours de votre campagne. Par exemple, Poséidon permet à vos armées de ne pas s'affaiblir lors des longs trajets en bateaux menant à Troie.
Dernier élément mythologique, le joueur peut recruter des unités spéciales dans ses armées ou en tant qu'agent de terrain. Ces unités font clairement référence à des créatures mythiques, telles que les centaures ou les cyclopes, même si finalement, ce ne sont "que" des humains déguisés. Heureusement pour les adeptes de magie, leurs capacités laissent planer le doute ce qui fait que le joueur est libre de faire ses propres conclusions. Même si les centaures sont effectivement des archers montés si l'on zoome sur eux, les effets vraiment surpuissants d'une gorgone ne peuvent pas s'expliquer par la simple compétence humaine... Ni même l'efficacité des prières aux dieux ! Bref, les deux portes sont ouvertes, de quoi plaire à chacun.
Gestion complexe des ressources
D'un point de vue bien plus terre à terre, la gestion des ressources est plus complexe dans cet opus. Dans A Total War Saga : Troy, le joueur doit composer avec pas moins de cinq ressources différentes toutes plus ou moins destinées à des utilisations précises. La nourriture sert à l'enrôlement et la paie de vos unités, héros et agents. Le bronze permet d'avoir accès à des unités plus puissantes. Le bois sert principalement à construire les bâtiments de vos colonies, mais la pierre, plus rare, donne accès à plus de constructions. Enfin, l'or est la ressource la plus précieuse et sert dans des cas spéciaux comme l'enrôlement d'unités mythiques ou les prières. Il va de soi que chacune de ces ressources peut être échangée et servir de monnaie lors de négociations diplomatiques.
Mais cela ne s'arrête pas là, car pour obtenir une ressource en quantité satisfaisante, il faut absolument occuper des colonies spécialisées dans ladite ressource. Ainsi, le joueur est poussé à négocier avec d'autres factions pour obtenir la ressource qu'il lui manque et que le voisin possède. Il peut aussi décider de s'étendre et de posséder lui-même les productions de ressources, mais sera alors forcé d'attaquer ses voisins dans des conditions pas toujours favorables, simplement pour être autonome pierre.
Ce système a beau sembler relativement classique, il reste très efficace et force le joueur a prendre de vrais choix stratégiques diplomatiques, et pas seulement militaires. Le joueur peut s'il le désire accentuer sa production et pourquoi pas se spécialiser dans une ressource, avec par exemple les agents (espions, prêtresses, émissaires, etc.) qui ont été adaptés pour s'inclure dans ce nouveau système de ressources. L'IA passera d'ailleurs son temps à utiliser ces mêmes agents pour saper le moral de vos colonies ou armées.
Les héros dominant leur faction
Continuons ce test en parlant des héros du jeu. Il y a huit factions jouables, chacune avec sa propre figure légendaire et des caractéristiques qui en découlent. Chaque chef de faction se distingue par son caractère et ses aspirations. Par exemple, Achille est victime de terribles sautes d'humeur. Cela se traduit directement en jeu par des malus s'il passe trop de temps sans se battre. À moins de lui offrir des cadeaux pour l'apaiser, sa colère réduira votre production de ressources jusqu'à ce qu'il soit calmé, ce qui force le joueur à jouer très agressivement tout au long de la partie. De plus, son désir d'être reconnu comme un guerrier hors pair l'encourage à défier d'autre chefs de factions en duel. En somme, jouer Achille vous plaira si vous souhaitez faire de grandes batailles. En revanche, Hector cherche surtout à s'allier à d'autres factions pour protéger Troie et est très puissant si vous êtes un bon diplomate. Il est aussi en compétition avec son frère Pâris pour revendiquer le trône de son père Priam, roi de Troie. Il en résulte une course aux points entre les deux factions pour savoir qui des deux sera le plus honorable.
Ce n'est pas simplement une question de nouvelles unités à recruter, Il n'est pas question ici de simples bonus sur une statistique, mais vraiment de plusieurs mécaniques propres à chaque chef de faction qui permettent d'aborder différentes campagnes d'un point de vue différent, ce qui est une bonne chose pour la rejouabilité. Il y a aussi des quêtes de progression de personnage changeant pour chaque héros. Au final, le joueur devrait pouvoir jouer huit parties différentes sans se lasser.
Sur le champ de bataille, chaque héros pourra se démarquer par des actions et compétences de RPG, faisant du chef de votre armée une unité à part entière. Il pourra même déclencher l'aristie, un buff global permettant de réaliser les plus belles prouesses guerrières de l'époque. Ça démarque largement des batailles des anciens Total War
Les soucis classiques de la série
S'il n'y a pas vraiment de point faible à citer à Total War Saga : Troy, on peut toujours craindre les décisions de l'IA parfois très discutables sur le plan de la diplomatie. Pourquoi certaines factions inconnues et à l'autre bout de la carte sont vexées si on refuse de leur donner un tiers de notre nourriture ? Pourquoi nos alliés nous en veulent à nous lorsqu'une tierce faction nous déclare la guerre ? Pourquoi des factions pourtant amicales se permettent de piller nos terres ? Ces cas-là sont rares, mais pas inexistants. Heureusement qu'ils n'affectent que légèrement le jeu.
Nous pouvons aussi parler des graphismes qui, tout en étant corrects, sont en retard sur l'époque et cela depuis déjà quelques opus. Rien d'alarmant certes, mais on regrette l'époque où les Total War nous faisaient rêver rien qu'à regarder des batailles. Au moins, les décors et l'ambiance sont beaux et clairs pour le joueur, ce qui est finalement le plus important.
Points forts
- Une gestion des ressources plus intéressante qu'avant
- Très bon équilibre en histoire et mythe, tous deux réussis
- Des chefs de factions très différents dans leur gameplay, permettant une vraie rejouabilité
Points faibles
- Toujours peu d'améliorations visuelles...
- L'IA de campagne parfois stupide
Dans la lignée de Warhammer et Three Kingdoms, Troy joue aussi bien avec la carte historique et la carte mythique. Cela permet au joueur d'aborder le jeu de la manière qu'il lui plaira, notamment grâce aux différences marquées entre chaque faction. L'univers et le cadre historique sont tous les deux très bien traités ! Le système de ressources a aussi été amélioré et ajoute du piment à l'extension de votre territoire ainsi que vos relations diplomatiques. Il manquait simplement à ce jeu de vraies améliorations graphiques modernes ainsi que des décisions de l'IA plus cohérentes, mais finalement ça reste un très bon épisode.