Il y a quelques semaines nous vous donnions un premier avis sur le jeu Spiritfarer. Enthousiastes face à l’audacieuse façon d’aborder le sujet tabou qu’est la mort, nous attendions avec impatience d’explorer tout le potentiel du titre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas été déçu du voyage.
Trailer de Spiritfarer
Un jeu de gestion
Dans Spiritfarer, vous incarnez la nouvelle passeuse d’âmes Stella, ainsi que le chat qui l’accompagne dans chacun de ses mouvements si vous souhaitez jouer en coopération. Ce binôme inséparable a la tâche délicate de guider les morts vers leur destination finale. Avant de se rendre à cet ultime rendez-vous, le bateau dirigé par le duo accueille les esprits. La traversée implique un peu de logistique et de services. Il faut chaque jour leur cuisiner des repas et prendre en compte leur préférences : certains raffolent de poulet frit tandis que d'autres adoptent un régime végétarien. Le but est d’offrir un maximum de confort pour les voyageurs. Pour ce faire, le mode gestion permet de construire et d’améliorer des chambres individuelles ainsi que d’autres bâtiments ou enclos pour cuisiner, cultiver des légumes et des céréales, scier du bois ou encore utiliser un métier à tisser. Bien entendu, il est possible d’éditer et de déplacer comme bon vous semble tous les édifices.
Afin de développer tout cela, Stella et son acolyte peuvent se rendre dès le début du jeu sur un îlot qui héberge un sympathique requin capable de leur livrer des nouveaux plans de construction. C’est aussi l’endroit pour agrandir les dimensions du bateau et le fortifier pour se rendre dans des zones plus difficiles comme les mers glacées par exemple.
Des rencontres inoubliables
La carte du monde se dévoile petit à petit au gré de vos voyages. Vous sélectionnez un lieu visible depuis la cabine et le bateau se rend à destination. Attention cependant, le temps s’écoule et la nuit, impossible de naviguer. Lors de vos déplacements vous allez découvrir des îles qui abritent des marchands (certains sont itinérants), des ressources et des esprits égarés. Certains d’entre eux deviendront vos invités. La première s’appelle Gwen, une cervidé d’une grande classe, équipée d’un porte cigarette. En effet, une fois installées sur le bateau, les âmes prennent l’apparence d’animaux anthropomorphes. En tout, il faut venir en aide à huit personnages, même si ce n'est pas indispensable pour terminer le jeu.
La fonction de passeuse d’âmes consiste à conduire ses passagers vers un état de pleine sérénité. Pour cela, il convient de les chouchouter mais aussi de veiller à ce que leurs dernières volontés soient exécutées. Celles-ci prennent l’apparence de quêtes. Entre douceur et regrets, vous allez devoir vous rendre dans certains lieux, plonger dans les souvenirs et vous démener pour obtenir des objets. Chaque personnage bénéficie de sa propre histoire et il est difficile de ne pas s’attacher tant leur psychologie et personnalité sont bien écrites. Nous sentons que l’équipe de développement a mis un peu d’elle-même dans ces histoires touchantes. Et cela fait beaucoup de bien de ressentir autant de tendresse et de bienveillance.
Le titre réussit à rendre chaque chose douce : les paysages, les musiques, les bruitages, les dialogues et le style graphique. La possibilité de faire des câlins vient accentuer cette sensation cotonneuse. L’éblouissante mise en scène lors des adieux et la rencontre avec Hades apportent elles aussi leur lot d’émotions.
Des mini jeux pour le rythme
Outre l’aspect scénaristique et la gestion, nos héroïnes doivent aussi effectuer quelques actions. L'orbe magique qu'elles possèdent se transforme en différents outils pour s'adapter à chacune des situations : un arrosoire pour le potager, une scie pour abattre un arbre, une rame pour emprunter la barque, une pioche pour récolter des minéraux et même une guitare pour donner un coup de boost aux plantations. Dans les différentes bâtisses présentes sur le vaisseau, des mini jeux proposent de mettre à l'épreuve votre adresse et votre sens du timing. C'est le cas avec par exemple la soufflerie pour fabriquer des lingots où il faut bien jauger la température ou encore dans la scierie où il est nécessaire de suivre une ligne pour le découpage de bûches.
Au cours des voyages, d'autres petits jeux notamment liés à la météo surviennent. Ces moments consistent à absorber la foudre, capturer des orbes volantes ou encore des étoiles. Vous gagnez ainsi quelques ressources et ce qui sert de monnaie d'échange avec les différents commerçants. Tous ces moments apportent un peu de dynamisme car il faut reconnaître que sans cela, même si la vie à bord du bateau est touchante, le jeu manquerait de rythme. Les trajets sont lents mais d'un côté, cela laisse le temps de faire un tour complet du bateau et prendre des nouvelles des personnages, pour s'assurer que tout va bien. Si vous trouvez le temps long, sachez que vous allez pouvoir à un moment emprunter un bus marin. Celui-ci permet de se téléporter quasi en instantané d'un arrêt à l'autre depuis la carte. De plus, la vitesse de course du paquebot peut être accélérée plus loin dans la partie. Enfin, ajoutons que Stella va aussi acquérir de nouvelles capacités indispensables comme le double saut et la tyrolienne.
Le plein de quêtes
La difficulté, s’il y en a une, c’est de prendre garde à ne pas se disperser. Passé le premier acte avec Gwen, notre première invitée, se laisser submerger par les différents types de quêtes peut vite arriver. Il y a les principales avec les protagonistes, celles spécifiques à un lieu et puis d'autres avec des esprits secondaires et les marchands. La durée de vie du jeu est impressionnante. Pour terminer l'histoire principale il faut compter 30 voire 35 heures. Mais si vous souhaitez le terminer à 100 %, vous pouvez rajouter plusieurs dizaines d'heures supplémentaires. Il y a tant à faire ! Mais peut-être aussi que le temps se trouve étiré parce que par moments, nous nous perdons en route avec les différents types de missions qui s'accumulent.
Points forts
- Un sujet fort, enrobé de douceur
- Une direction artistique fraîche et élégante
- Une écriture et des personnages touchants
Points faibles
- Possibilité de se sentir débordé
Dans la flopée de jeux vidéo indépendants existants, nous tombons parfois sur de pures merveilles. Vu que le budget établi ne peut rivaliser avec les grosses productions, les développeurs ont dû redoubler d’efforts pour nous atteindre et se détacher du lot. Qu’il s’agisse d’un gameplay original, d’une belle écriture ou d’une direction artistique singulière, l’impact émotionnel doit être fort pour s’attirer le feu des projecteurs, et c’est ce que réussit Spiritfarer. Le jeu d’aventure et de gestion fait preuve de finesse et de générosité. Faire de la mort le principe même du jeu, enrobé dans un style cartoon et tout en maintenant tendresse et bienveillance, était un pari osé. Mission accomplie !