Les mangas et les séries animées sont une source intarissable pour les éditeurs japonais qui ne manquent jamais une occasion d’exploiter ce filon lucratif. Dans ce domaine, Bandai Namco et Koei Tecmo tirent leur épingle du jeu et battent souvent le fer tant qu”il est chaud. Pourtant, aussi surprenant que celui puisse paraître, Fairy Tail n’avait jamais reçu les honneurs d’une adaptation vidéoludique sur PC et consoles de salon avant 2020. C’est désormais chose faite avec les studios Gust en charge du projet. Mais ce J-RPG est-il à la hauteur de l’oeuvre à succès née de l’imagination fertile de Hiro Mashima ?
Le Fan Service du Dragon Foudroyant
Fairy Tail conte les aventures d’une guilde de mages, la guilde Fairy Tail, au coeur du Royaume fantastique de Fiore. Première surprise… le récit débute au beau milieu des événements se déroulant sur l’île de Tenro, puis déroule les arcs narratifs successifs de l’oeuvre pour se terminer avec l’arc “Tartaros”. Les studios Gust éludent sciemment la première moitié de l’oeuvre ce qui pour les néophytes peut vite devenir un frein à la découverte de cet univers riche et particulièrement dense.
Le matériau d’origine se démarque par sa propension à l’épique à la différence de son adaptation en jeu vidéo qui peine bien souvent à faire de même. La narration (trop) minimaliste passe majoritairement par des dialogues statiques et quelques cinématiques éparses ne rendant que trop rarement justice au manga et à l’animé Fairy Tail. Pire encore, la plume des scénaristes s’autorise plusieurs ellipses narratives, voire largesses avec le scénario, ce qui ne manquera pas de perturber les connaisseurs. Néanmoins, l’histoire se suit sans trop de difficulté…à condition de passer outre une aventure manquant cruellement de puissance évocatrice.
Koei Tecmo mise avant tout sur le fan service pour séduire les fans, et dans ce domaine l’éditeur japonais sort l’artillerie lourde. Le roster se compose de 16 personnages jouables, auxquels il faut en ajouter 4 supplémentaires via DLC, sans oublier les alliés (PNJ - Personnage non jouable). Le casting 5 étoiles, non-exhaustif, mais suffisamment riche et complet, devrait satisfaire les joueurs les plus regardants. Le jeu vidéo Fairy Tail se veut fidèle et met les petits plats dans les grands. Les voix et musiques officielles de la série animée accompagnent les facéties de la guilde tout au long d’une aventure nécessitant 25 heures pour en voir le bout… sans compter le “End Game” et son tant convoité Rang S.
Le ton et l’humour si particuliers du manga sont également au rendez-vous tout comme ces saynètes “borderlines” vantant le physique avantageux du casting féminin. Gust rend hommage à l’oeuvre de Hiro Mashima… pour le meilleur et pour le pire. Les joueurs seront également ravis d’apprendre que Fairy Tail se dote d’une version doublée en japonais et sous-titrée en français (VOSTFR). Toutefois, les erreurs de traduction, les fautes d’orthographe ainsi que plusieurs non sens (supposément corrigés par le patch Day One) entachent quelque peu l’envie de bien faire des studios.
La direction artistique d’une adaptation de mangas / d’animés en jeu vidéo est rarement un problème. Le Cel Shading a fait ses preuves par le passé, et Fairy Tail profite de ce savoir-faire. Les différents personnages ainsi que leurs animations en combat sont à mettre au crédit des artistes ayant officié sur le projet. Il en va de même pour les diverses interfaces ainsi que les effets spéciaux qui illuminent les affrontements. Les studios Gust mettent en oeuvre une pyrotechnie colorée et grisante qui rend justice à la puissance démesurée de la guilde de la Magnoria. Malheureusement, la faiblesse technique des environnements et les ralentissements ressentis en ville ne plaident pas en faveur d’un jeu qui ne parvient jamais à atteindre les standards visuels et techniques modernes (juillet 2020).
Gameplay : Pandemonium, 100 contre 1 !
Le pouvoir de l’amitié
Fairy Tail est un J-RPG dans la plus pure tradition et s’applique à intégrer la majorité des mécaniques inhérentes au genre. Les combats se déroulent au tour par tour et rappellent forcément ceux de Persona 5 que ce soit par l’interface ou encore par le rythme bien que ces derniers ajoutent la notion de zone d’effet pour chaque attaque. Sur la papier, ce dernier point ajoute une dimension stratégique, mais dans les faits… cela ne change rien ou presque. Il suffit d’utiliser celle touchant un maximum d’ennemis sans vraiment se soucier du reste, exception faite des attributs magiques qui déterminent les forces ainsi que les faiblesses des ennemis et des héros ce qui booste ou réduit ostensiblement les dégâts.
Les studios Gust osent toutefois le hors-piste et font de Fairy Tail un Shonen vidéoludique. Pour ce faire, les concepts abstraits que sont l’amitié et l’abnégation deviennent tangibles et prennent vie lors des combats. La coopération magique autorise les membres de la guilde à attaquer simultanément, une attaque ultime pouvant être prolongée et décuplée à condition de développer les relations entre les membres de l’équipe. L’Eveil retranscrit de son côté le caractère bien trempé des personnages qui à force de subir des dégâts libèrent tout leur potentiel. Cet instant de grâce restaure les points de vie et magiques, accroît temporairement les statistiques du héros et/ou déverrouillent de nouvelles attaques dévastatrices
Pour terminer, l’Unison Raid traduit par le gameplay le lien fraternel tissé entre les membres de la guilde. Selon les personnages sélectionnés et une fois l'Éveil déclenché, la coopération magique monte en puissance avec l’ajout de plusieurs attaques combinées faisant exploser le “kikimeter” (compteur de dégâts). Les studios japonais tentent également d'insérer un peu d'épique et de dynamisme issus de la série animée avec plus ou moins de réussite. Le système de contre et l’utilisation continuelle de la jauge d'Éveil épicent les affrontements. Dans les faits, les combats peinent à divertir et s’embourbent dans une monotonie omniprésente. Ces derniers se ressemblent et les ennemis ne font qu’aggraver une situation déjà mal embarquée avec leurs sets limités d'attaques et l’absence unilatérale de défi. Difficile de s’impliquer à 100% dans ces conditions.
Gameplay : Une coopération magique pour faire exploser le "kikimeter"
Sauve qui “pex”
Jeu de rôle oblige, la montée en puissance des héros et de la guilde est au coeur de l’expérience concoctée par Gust. Ajouter un protagoniste au roster (16 Day One + 4 en DLC), augmenter l’affinité entre les membres de la guilde, accroître le niveau et le rang d’un personnage afin de booster ses statistiques et de débloquer de nouvelles aptitudes… tout ceci exige de réaliser des missions qui en général ne présentent aucun intérêt scénaristique. Si vous aimez jouer les livreurs et éliminer encore et encore les mêmes créatures, vous serez servis car les “histoires inédites” promises par Koei Tecmo sont bien trop génériques pour servir un quelconque dessein narratif.
Fairy Tail pousse simplement la notion de “Farming” à son paroxysme et se structure autour d’une succession de missions répétitives au dernier degré. La guilde Fairy Tail elle-même exige de compléter divers objectifs pour remonter dans le classement et ainsi redevenir la meilleure institution magique du Royaume de Fiore. Cela passe par l’amélioration des installations du quartier générale et la réalisation de missions… ce qui implique l’exploration des mêmes zones en boucle. Cet acharnement pour la grandeur de Fairy Tail met à l’épreuve la patience des joueurs les plus vertueux.
La gestion désastreuse de la courbe de difficulté transforme trop souvent l’aventure en balade de santé avant d'installer sur le chemin de la guilde un mur infranchissable. Cela nécessite alors une séance fastidieuse de montée en puissance avec le ou les personnages incriminés afin de franchir l’obstacle. La progression, loin d’être naturelle, se veut la définition même de l’artificialité. Le scénario et les personnages avancent ici en parallèle laissant un étrange sentiment de détachement face aux événements contés… que vous soyez un fan de Natsu Dragnir et de ses camarades ou non.
Gameplay : Atteindre le rang S
Points forts
- Un Shonen vidéoludique (coopération magique, éveil...)
- Le fan service et la fidélité au manga / à la série animée
- Les effets visuels donnant vie aux pouvoirs
- La durée de vie (de 25 à 50 heures)
- Les sous-titres français (VOSTFR)
Points faibles
- Une narration minimaliste privée d’épique
- Une progression artificielle liée à un “farming” compulsif
- Une répétitivité à toute épreuve
- Une gestion désastreuse de la courbe de difficulté
- Une réalisation technique loin des standards actuels
Le fan service ne peut suffire pour faire oublier la répétitivité omniprésente et le farming compulsif dont souffre cette adaptation vidéoludique de Fairy Tail . La mise en scène minimaliste et la technique sommaire ne plaident pas en faveur de ce projet attendu qui pêche finalement par manque d’ambition. Même la pyrotechnie flamboyante des mages et le sentiment de puissance qui se dégage des combats ne peuvent attiser bien longtemps la flamme de la passion. Fairy Tail est destiné aux fans et seulement aux fans absolus du manga et de la série animée.