Sorti il y a bientôt un an sur PC et Xbox One (et quelques mois plus tard sur PS4), Blair Witch s'offre un portage tardif sur Switch. Le jeu d'horreur de la Bloober Team n'a rien perdu de ses qualités narratives et ses nombreuses bonnes idées de mise en scène. Mais le passage à la console de Nintendo ne se fait malheureusement sans de nombreux sacrifices sur l'aspect graphique.
Le corps de ce test reprend ce qui a été déjà dit à propos des versions PC, Xbox One et PS4. Nous ajoutons un encart dédié à la qualité du portage sur Switch.
Sans être une claque visuelle, les versions Xbox One, PS4 et PC de Blair Witch restent très propres et utilisent notamment intelligemment les effets de lumière, le lens flare et autres reflets pour apporter à la forêt de Black Hills une atmosphère à la fois envoutante et inquiétante. Autant vous prévenir : une grande partie de ces effets sont absents de ce portage Switch et l'on perd énormément en immersion. Ici, les textures sont souvent floues et/ou baveuses, le clipping est très visible, surtout lors de passages en forêt de jour, et les effets de scintillement au niveau des contours des ombres sautent tellement aux yeux que l'on pourrait croire à une manifestation de la sorcière de Blair qui voudrait nous jouer un mauvais tour... En mode portable, ces nombreuses concessions se remarquent un peu moins, même si la résolution adaptative n'hésitera pas à basculer le jeu en 540p, occasionnant une perte visuelle supplémentaire. Le souci, c'est qu'un jeu comme Blair Witch perd énormément de son intérêt sur un petit écran. Il faut alors passer en mode docké, et faire avec l'impression d'être devant un jeu du début de génération PS3/Xbox 360. La seule contrepartie positive, ici, est que le framerate se maintient à un niveau acceptable, bien qu'il ne dépasse jamais les 30 FPS. Bref, ça reste jouable, mais ça pique les yeux.
Notons que cette version Switch propose une fonction exclusive, à savoir la customisation de l'apparence de Bullet, le chien qui vous accompagne durant l'aventure. Il est ainsi possible de changer la couleur de sa fourrure, la couleur de ses yeux ou encore la couleur de son collier. Pas de quoi faire pencher la balance en faveur de ce portage.
Après le feu de camp, tout fout le camp
L’action de Blair Witch se déroule deux ans après la disparition de Heather, Mike et Josh, les étudiants en cinéma aperçus dans le premier film. Le joueur incarne Ellis, un ancien policier qui décide de se rendre utile en participant aux recherches organisées par les forces locales pour retrouver Peter, un gamin disparu dont les traces s’évaporent mystérieusement à l’entrée des bois de Black Hills. Cela fait déjà un long moment que la forêt est le théâtre d’événements étranges, si bien que les habitants de Burkittsville sont convaincus de l’existence d’une sorcière infestant les environs. Contrairement aux jeunes victimes de l’œuvre d’origine, Ellis a un passé trouble qui le submerge à de nombreuses reprises. Comme si les événements inquiétants se déroulant dans les bois n’étaient pas suffisamment déconcertants, le vétéran souffre d’hallucinations cauchemardesques liées à son histoire. À bien des égards, la forêt de Black Hills rappelle la ville de Silent Hill du second épisode, à savoir un endroit maudit où la culpabilité du protagoniste principal engendre des horreurs.
Si vous espérez d’un jeu Blair Witch des pérégrinations dans une forêt hantée, le titre développé par Bloober va répondre à vos attentes. Des kilomètres sous les arbres, Ellis va en enquiller par dizaines ! Ce qui est intéressant, c’est que l’aventure réussit à alterner efficacement des séquences “en couloir” très scriptées avec des passages plus ouverts mettant le sens de l’orientation à rude épreuve. Blair Witch n’est pas un simulateur de marche, même si le contexte peut y faire penser. Il est un “vrai” jeu d’aventure qui réhabilite même la chasse à l’information cachée dans les divers documents à distiller. Le soft troque un aspect survie auquel nous aurions pu nous attendre contre une enquête en milieu hostile. L’ex-flic dispose en effet d’un téléphone portable, d’un talkie-walkie, d’une lampe torche et d’un caméscope pour arriver à ses fins. Les cassettes vidéo ont la formidable caractéristique d’altérer l’univers lorsqu’elles sont visionnées via la petite caméra. Par exemple, une porte fermée peut être ouverte comme par magie en faisant une pause sur un passage où elle est entrebâillée. Cette mécanique apporte des énigmes bien pensées malgré une logique qui défie la raison. Ellis dispose surtout d’un adorable chien, Bullet, capable de l’aider à dénicher des éléments dissimulés, de le prévenir des dangers qui rôdent, et de retrouver des traces grâce à son flair infaillible.
Satan l’habite
L’ancien policier va néanmoins apprendre à ses dépens qu’il est facile de passer de l’état d’enquêteur à celui de victime. La forêt est un endroit damné faisant émerger les démons du héros. Et Ellis est un homme qui a de nombreux problèmes. Heureusement, les créatures qui rôdent craignent la lumière. Braquer sa lampe torche en direction d’une zone suspecte indiquée par les grognements du chien est le meilleur moyen de faire fuir les agresseurs. De quoi faire dresser les cheveux sur la tête ? Pas vraiment. Les appels téléphoniques émis par la femme du héros et les quelques communications via talkie-walkie insistent sur le fait qu’Ellis n’est finalement pas seul dans ces satanés bois. La présence rassurante du chien fait même baisser la tension d’un cran, ce qui peut être problématique pour une expérience qui cherche à donner la chair de poule.
Hormis les totems à détruire, les autres interactions avec le monde qui entoure Ellis sont parfois étonnantes de profondeur. Il y a par exemple la possibilité d’appeler directement des personnages en passant par le répertoire du téléphone portable, sans que le jeu n’oblige quoi que ce soit, ou encore les bons canaux à trouver avec le talkie-walkie. Cette impression de jouir d’un matériel qui fonctionne réellement au-delà des scripts imposés se retrouve jusque dans les jeux disponibles sur le téléphone portable. Car oui, il n’y a rien de tel qu’une partie de Snake lorsque l’on voit sa dernière heure arriver. D'après les développeurs, la fin diffère en fonction des actions entreprises (la manière dont Bullet est traité, la façon dont le téléphone est utilisé, et le nombre de totems détruits). La nôtre ne nous a pas forcément semblé en adéquation avec nos actes.
Blair Witch : en voiture Simone !
Le véritable problème de Blair Witch vient du manque de tension qui se dégage de la progression. Comme nous l'avons évoqué, le toutou rassure, et les appels téléphoniques amenuisent le sentiment de solitude. Le souci avec un personnage paumé comme Ellis, c’est qu’il est difficile en tant que joueur de s’identifier aisément, non-pas que nous soyons des modèles d’équilibre, mais l’individu ne s’étonne de quasiment rien, quand bien même le monde partirait totalement en vrille à chacune de ses enjambées. L'ex-flic est en fait le négatif de tous ces adolescents apeurés exposés dans les films, malgré le bruit de son souffle haletant lors des passages plus stressants. Enfin, les développeurs usent et abusent de grosses ficelles pour arriver à leurs fins (jumpscares plus ou moins réussis, lampe torche qui s'éteint arbitrairement, etc). Néanmoins, l’ambiance visuelle qui se dégage de la forêt est remarquable, et certains décors sont tout bonnement superbes, en plus d’être étrangement variés dans leur éclairage. L'impression de se perdre dans les bois maudits de Black Hills est bien retranscrite, et les situations inconfortables sont nombreuses. L'histoire du protagoniste principal, au final plutôt classique, aurait mérité plus de soin dans son traitement.
Les voix des personnage sont en anglais. Les textes et les sous-titres sont quant à eux en français.
Points forts
- Une progression variée : de l’enquête, des énigmes, de la poursuite, des sursauts…
- Dans la forêt, les ambiances visuelles sont particulièrement réussies
- Le caméscope est bien exploité
- La dernière heure de jeu, pensée pour les fans des films
Points faibles
- Une énorme perte visuelle sur Switch
- Une tension qui peine à s’installer
- Une histoire finalement plutôt convenue
- C’est court (approximativement 7 heures de jeu)
- Quelques petits bugs visuels
Blair Witch sur Switch fait malheureusement parti de ces portages sacrificiels, contraints de drastiquement réduire leurs ambitions techniques - et par conséquent artistiques - pour tenir au chausse-pied sur une console pas vraiment adaptée. En résulte un jeu qui garde certaines de ses qualités intrinsèques (narration, mise à scène), mais qui perd en ambiance et en efficacité, surtout en mode portable. Bref, si vous avez le choix, privilégiez à tout prix une version PC, PS4 ou Xbox One.