L'exploration des fonds marins peut revêtir plusieurs approches. Elle peut vite s'avérer anxiogène, comme l'avaient compris les parties les plus profondes de Subnautica, plus paisibles, comme l'avait montré le plus narratif In Other Waters ou carrément contemplatif, à l'image d'Abzû. Quoi qu'il en soit, cet univers magnifique, fragile et parfois hostile reste fascinant et recèle d'une faune impressionnante que Beyond Blue cherche à nous faire découvrir.
Bande-annonce de Beyond Blue
Les bonnes personnes pour le bon thème
Après avoir témoigné de son envie de s'entourer de personnes connaissant leur sujet avec Never Alone , E-Line Media poursuit son ambition pédagogique dans le jeu vidéo avec Beyond Blue , qui vous propose, aux commandes de la jeune Mirai, d'explorer une partie des fonds océaniques du Pacifique Ouest afin d'identifier et d'étudier la faune qui y est immergée, et plus spécialement sa manière de communiquer. Loin d'avoir l'envie de raconter n'importe quoi sur ce que le joueur va se voir raconter, E-Line Media s'est entouré de personnel qualifié, composé d'océanographes travaillant notamment pour Ocean X et dont les travaux d'exploration ne seront sans doute pas étrangers aux amateurs de fonds marins, pour s'assurer de la solidité scientifique de son propos.
Concrètement, Beyond Blue vous charge donc de prendre les commandes d'une scientifique passionnée depuis l'enfance par les baleines. Travaillant pour une organisation très attachée à la préservation des océans, la jeune femme est équipée de technologies de pointe lui permettant de se mouvoir avec aisance dans les eaux du Pacifique, mais également de diffuser en streaming certaines de ses interactions avec la faune locale. Ces interactions seront, tout au long d'une aventure qui se bouclera en 2 à 3 heures maximum, plutôt limitées. Vos explorations vous conduiront à explorer 8 portions différentes de l'océan, et chacune d'entre elles sera amorcée de la même manière. Des balises seront à rejoindre à la nage et il faudra les activer afin de détecter des sons qu'il faudra identifier, puis rejoindre pour en connaître la nature. Bagues d'identification perdues à récupérer, prélèvement d'échantillons ou identification d'animaux seront autant de tâches à accomplir d'une manière plutôt simple et assez peu ludique, il faut le reconnaître. Si vous approchez d'une baleine, par exemple, vous pourrez lancer un scan zoomé, et orbiter autour d'elle pour en trouver les points de scan. Parfois un rien laborieuse, sans être pour autant insurmontable, cette tâche reste cependant assez redondante, car finalement peu amusante et, les espèces scannées de cette manière n'étant pas très nombreuses, le plaisir de la découverte s'érode assez vite, même si le comportement des mammifères marins reste suffisamment crédible et rarement exploité pour être source d'émerveillement.
Plus pédagogique que ludique
Cependant, au-delà du fait que, certes, le gameplay ne soit pas vraiment grisant, les déplacements dans les zones du Pacifique sont d'un naturel plaisant. Mirai se déplace gracilement dans l'océan et nager en sa compagnie est un plaisir pour les yeux et pour les oreilles. Effectivement, chaque zone ayant une ambiance bien à elle, Beyond Blue sait aussi développer des moments d'émerveillement, au détour de la découverte d'un dauphin ou d'un poulpe dissimulé dans les profondeurs marines. Certaines séquences font preuve d'un certain sens de la mise en scène et résonnent comme un cri d'amour à l'océan, tout en étant auréolées d'un message écologique fort qu'il n'est jamais inutile de rappeler ces derniers temps. L'ensemble, s'il n'est pas toujours impeccable techniquement, est toutefois souvent très joli et invite en permanence à la contemplation, même si ce n'est pas là la vocation première de Beyond Blue, cette dernière étant avant tout éducative.
Effectivement, chaque scan d'animal donne lieu à une consignation dans un journal regorgeant de détails sur la vie sous-marine, mais également au déclenchement de certaines lignes de dialogues avec l'équipe en surface. C'est notamment là que se trouve la petite astuce bien pensée de Beyond Blue. Le challenge, pour faire un jeu éducatif immersif, sans jeu de mots, est de trouver une raison valable pour qu'une experte en biologie sous-marine juge bon d'expliquer à haute voix ce qu'elle est entrain de voir et pourquoi elle accomplit certaines tâches. Nous évoquions plus haut la présence, dans l'histoire du jeu, de la diffusion en streaming de certaines portions de l'expédition scientifique. C'était là l'occasion toute trouvée pour relayer sans briser la cohérence les « question des viewers » que pourraient aussi se poser le joueur. Ainsi, lorsque notre scientifique nous explique le système de communication des baleines, cela se fait avec un naturel agréable et l'ensemble s'avère particulièrement instructif. Malheureusement au final, nous aurions sans aucun doute aimé davantage de choses à apprendre, à découvrir, et aurions préféré un mix entre divertissement et information un peu plus varié, profond, et équilibré. Les plus complétistes pourront, une fois le jeu terminé, revenir sur chaque zone du jeu et les explorer librement, afin de compléter le codex et de ne rater aucun info sur les espèces en présence, mais malheureusement, le titre ne va pas beaucoup plus loin et le mode libre s'avère au final assez accessoire.
Cependant, notez qu'entre chaque mission, vous serez immédiatement de retour dans votre sous-marin dans lequel vous pourrez regarder une poignée de reportages de la BBC, tous plus intéressants les uns que les autres, pour environ une bonne demi-heure de détails sur les océans et sa faune. La volonté pédagogique du jeu est à tout instant respectée sans jamais être noyée sous des détails assommants, rendant la traversée accessible à toutes et à tous. Les incursions dans le sous-marin sont également l'occasion de développer une petite trame narrative, qui repose sur les relations familiales de Mirai, qui passera quelques coups de fil à sa sœur s'occupant de sa grand-mère malade. Malheureusement, si l'ensemble et très bien interprété (et tout est intégralement sous-titré et traduit en français), la dimension émotionnelle de Beyond Blue ne va pas en profondeur et reste finalement accessoire. Nous aurions sans doute préféré davantage d'espèces à découvrir, plus d'interactions et sans doute une dimension ludique plus appuyée qu'une trame narrative à peine abordée.
Points forts
- Souvent joli
- Quelques vrais moments d'émerveillement
- Une manière habile d'introduire les dialogues pédagogiques
- Les reportages intégrés, tous très intéressants
- Chouette bande son
- Sous-titres et textes intégralement en français
Points faibles
- Assez vite répétitif
- Plutôt court
- Nous aurions aimé que le sujet soit un peu plus approfondi
- Interface pas toujours pratique et un peu intrusive
- Trop peu d'espèces à découvrir et à analyser
- Trame narrative vraiment trop en surface
Si vous faites preuve de curiosité intellectuelle ou que vous avez de l'intérêt pour l'océanographie et que vous désirez en apprendre davantage sur la faune sous-marine, Beyond Blue vous fournira une expérience éducative accessible, agréable et auréolée de moments d'émerveillement bien pensés. Plus pédagogique que ludique, le titre de E-Line Media, bien éloigné de l'approche d'Abzû comme on pourrait le croire de prime abord, est certes plein de bonne volonté, mais s'avère répétitif en dépit de son format court et aurait gagné a diversifier les interactions et les espèces à découvrir autant qu'il l'a fait pour les environnements et soigner un peu plus sa narration. Un titre intéressant et contemplatif, mais qui ne réussit pas tout ce qu'il entreprend.