Maneater aura fait forte impression lors de son annonce lors du PC Gaming Show de l’E3 2018. Et pour cause, l’idée d’incarner un prédateur marin et de terroriser baigneurs et vacanciers tout en déchiquetant le quidam trop occupé à bronzer sur sa bouée gonflable pour voir le danger arriver est assez séduisante. Mais au-delà du plaisir primaire procuré par une débauche de violence gratuite, Maneater a-t-il vraiment quelque chose à proposer ?
Le test a été réalisé sur PC et PS4, nous n'avons constaté aucun bug ou problème de performance quelle que soit la version.
Blue sea redemption
Maneater est le titre qui nous intéresse aujourd’hui, mais également le nom de l’émission télé fictive dans laquelle il prend place. Ce show a pour vedette Scally Pete, un pécheur du bayou, bien décidé à mettre la main sur le mégalodon qui l’a privé de paternel. Ce dernier capture le requin qui nous accompagne lors d’un bref tutoriel avant de l’éventrer et d’en extraire sa progéniture. Le nouveau-né réussit à priver son adversaire de son bras et à prendre la fuite. Le joueur prend donc le contrôle du petit squale et peut préparer sa future vengeance. Ce contexte de show télévisé sensationnaliste permet l’introduction d’un narrateur commentant les moindres faits et gestes du joueur. Cette bonne idée permet de briser la monotonie et ainsi compenser le mutisme de notre gros poisson. De plus ce dernier n’est pas avare en remarques cynique sur les rednecks qui nous poursuivent ou en petites pointes d’humour noir. Ce narrateur à l’accent british prononcé est à n’en pas douter l'un des points forts de Maneater, car il sert au gameplay, notamment en vous prévenant de l’arrivée de chasseurs, mais aussi à la narration et participe à donner un ton décalé au titre.
Le premier contact avec notre requin se veut particulièrement encourageant. Il saute hors de l’eau, plonge, fait des saltos, dévore et projette de pauvres baigneurs sur le mât d’un voilier… Une gâchette nous permet de gagner de la vitesse, une d’esquiver, l’autre de donner des coups de queue et la dernière de mordre droit devant soit. De quoi se défouler et satisfaire ses envies de destructions comme pouvait le proposer un Prototype ou un Carmageddon par exemple. Cet aspect de Maneater est réussi, notre gros poisson répond plutôt bien et s’avère véloce. Aller chercher un badaud sur la berge pour l’emporter dans les profondeurs ou le lancer sur un amateur de jet ski fait son petit effet.
Tuer, tuer ,tuer...
Cependant c’est bien dans sa structure que Maneater déçoit. Terriblement classique, la progression est répétitive à souhait et les missions à mener à bien ne diffèrent jamais. Il est bon de rappeller que nous avons affaire à un RPG en monde ouvert. Afin de débloquer une zone, le joueur doit remplir une série d’objectifs. Atteindre un certain niveau, vaincre tel gros poisson, dévorer un nombre spécifique d’êtres humains… Dans les faits, hormis de la récupération de collectibles ou la découverte de lieux-dits, Maneater nous demande constamment de nous rendre à un point précis de la carte pour y tuer une ou des cibles. Ce ne serait pas rédhibitoire si la manière d’y parvenir différait, mais il n’en est rien. À titre d’exemple, lors de notre partie nous avons dû accomplir trois fois d’affilée la même mission, à savoir “Tuer 10 mérous à tel endroit de la carte”. Tout ça dans le but de faire grimper notre barre d’expérience, de gagner des nutriments pour améliorer nos statistiques et d’accéder à la prochaine région.
Maneater multiplie les objectifs de ce type pour donner un but au joueur, il en résulte une multitude d’icônes que ce dernier traduira simplement par : “Tuer, tuer, tuer…”. Cette boucle de gameplay se répète très vite et l’envie de découvrir les 8 régions du monde ouvert et faire évoluer notre requin s’étiole face à l’aspect aliénant de ces tâches. Ce qui est dommageable d'autant que le titre s'avère globalement agréable à l'oeil et les zones traversées disposent chacune de leur identité visuelle propre.
Malheureusement les combats de boss ne parviennent pas à apporter de variété, car leur difficulté ne répond qu’à la différence de niveau entre les deux bestiaux. N’espérez pas vaincre un alligator de niveau 20 avec votre requin adolescent de niveau 10, car il vous réduira en bouillie en 2 coups de mâchoire. Les joutes à niveau égal se résument généralement à marteler la touche d’attaque en esquivant ponctuellement les assauts de notre adversaire. Peu exaltant en somme. Ces affrontements posent particulièrement problème en de faibles profondeurs. Il n’est pas rare que vous ou votre assaillant soyez projeté à la surface de l’eau ce qui bloque la visibilité et vous fait perdre de vue votre cible. À ce grief s’ajoutent des problèmes de caméras réguliers et un système de verrouillage capricieux qui rendent certains affrontements particulièrement longs et crispants. Malgré tout découvrir de nouvelles espèces à chaque région et leurs comportements reste assez grisant, d’autant que leurs animations sont fluides et leur confèrent un aspect réellement menaçant.
Plus l'on seme la terreur, plus notre niveau d’infamie augmente. À chaque palier atteint, un nouveau chasseur débarque, déterminé à nous transformer en trophée. Les vaincre s’avère être essentiel à la progression, car ils offrent de nouvelles options de personnalisation. Ce ne sera pas bien compliqué, car il vous suffit de repérer le plouc en question et d’attendre la bonne opportunité pour lui sauter à la gorge et l’emporter dans les fonds marins. Car oui, Maneater offre un degré de personnalisation bienvenu qui, en plus d’impacter le requin de manière esthétique, offre des bonus in game. Morsure électrique, dégâts supplémentaires sur les bateaux, meilleure assimilation des nutriments, amélioration du sonar… De quoi personnaliser son expérience de jeu ou s’adapter à un combat contre des flottes de chasseurs.
Tout cela ne fait pas de Maneater un mauvais jeu, se lancer à la poursuite de vacanciers innocents est jouissif, c’est un fait. Cependant en voulant cocher toutes les cases de l’open-world par excellence, le jeu de Tripwire s’égare. Si nous étions enthousiastes après nos premiers contacts avec le titre, nous ne pensions pas avoir tout vu. Malheureusement après quelques heures de progression, Maneater n’a plus grand-chose de neuf à proposer.
Points forts
- Jouissif dans ses premières heures
- Un narrateur cynique à souhait
- Un degré satisfaisant de customisation
- Visuellement sympathique et bien animé
Points faibles
- Une structure datée
- Une répétitivité qui s'installe très vite
- "Tuer 10 mérous"
- Une caméra et un système de verrouillage capricieux
- Frustrant à certaines profondeurs
Si le concept pouvait prêter à sourire, certains voyaient en Maneater un défouloir de choix. Si le premier contact est vraiment plaisant et laisse présager plusieurs heures de déchiquetage inconséquent, le constat est tout autre. La proposition de Maneater avait de quoi mettre l’eau à la bouche, mais sa structure particulièrement datée et ses tâches on ne peut plus répétitives rendent le titre régulièrement laborieux. Si toutefois l’envie vous prend de pourchasser des touristes en pédalo et de les faire voltiger d’un coup de nageoire, nous vous recommandons de le faire par de courtes sessions afin de tromper l’ennui.