16 ans après Half-Life 2, Valve remet les mains dans le cambouis sur un nouvel opus de sa mythique série, et tente de faire oublier aux fans que l’aventure n’a finalement jamais eu droit à une fin en bonne et due forme. Half-Life : Alyx, c’est un peu le crash test visant à savoir si les joueurs ont toujours de l’appétit pour la franchise, mais le jeu permet aussi à Valve de prouver que la réalité virtuelle mérite que l'on y investisse, tout comme le studio l'a fait depuis plusieurs années. Fantasmé comme le system seller de la VR, cet Half-Life : Alyx nous a fait très forte impression, malgré quelques rares faux-pas…
Nous avons joué à Half-Life : Alyx en réalité virtuelle (il est impossible d'y jouer sans) avec un Oculus Rift S et les manettes Oculus Touch. Le jeu prévoit une compatibilité avec un grand nombre de casques et manettes, mais compte tenu du confinement, nous n'avons pas pu le tester sur une multitude de configurations ou de casques.
Papa fait d’la résistance, et moi et moi et moi...
Half-Life : Alyx, comme son nom l’indique, nous place aux commandes de la jeune Alyx Vance, cinq années avant les événements d’Half-Life 2. Dans le lore assez incroyable du “Valverse”, bien plus fourni que l’on peut se l’imaginer, nous sommes entre la fin du premier Half-Life, les Portal (qui se déroulent dans le même monde qu’Half-Life), et Half-Life 2. Quelques années avant de rencontrer Gordon Freeman, Alyx est une jeune adulte, résistante débutante, bercée par les légendes du “monde d’avant” que lui raconte son père et les autres quinquas de son entourage, qui ont survécu à l’arrivée des Combine Soldiers et du Cartel sur Terre. A Cité 17, les envahisseurs ont déjà bâti la Citadelle, immense tour futuriste qui draine l’énergie de la ville, retenue en otage par une milice semblable à la Gestapo. Cependant, la nouvelle lubie des occupants est une autre une structure, flottant dans les airs et renfermant “une super-arme” que la résistance se doit de détruire. C’est là que vous intervenez, aux commandes donc de la jeune Alyx...
Que les novices et ceux n’ayant jamais touché un épisode se rassurent, il n’est pas indispensable de connaître l’univers pour y adhérer ou pour s’y retrouver scénaristiquement parlant. Seules quelques séquences feront ici référence aux événements du lore, et le jeu vous spoilera notamment la toute fin de l'épisode 2 d’Half-Life 2. Il est donc appréciable d’être à jour, sans que cela ne gâche l’expérience si l’on découvre la saga avec Alyx.
Fort de son arrivée en VR, Alyx compte donc sur une plongée dans les bas-fonds de City 17 pour nous divertir durant une dizaine d’heures. Oubliez les grandes étendues que l’on parcourait jadis en véhicule ou à pied, ici, c’est un couloir angoissant et oppressant qui vous attend. Une seule issue, mais fort heureusement, beaucoup d’actions possibles...
Melting pot de bonnes idées côté design
Sur sa structure, le titre propose trois routines : l’exploration, le combat à l’arme à feu, et les énigmes à base de manipulation, de physique, et d’électricité. Le coeur du jeu, FPS oblige, est sans surprise le tir et, comme on pouvait s’y attendre, Alyx récupère beaucoup de systèmes de game design aperçus dans différents shooter VR. Le rechargement par manipulations successives, engendrant un gros stress en plein combat, témoigne d’un très grand soin, appliqué à la plupart des éléments “physiques” qui répondent la plupart du temps au doigt et à l’oeil lorsqu’on interagit avec, y compris lorsqu’ils sont “imbriqués” les uns dans les autres. Des mécaniques déjà expérimentées dans Contractors VR ou encore Boneworks VR, plus récemment.
Les 14 premières minutes d'Half-Life : Alyx
En revanche, Alyx apporte plusieurs particularités bien à lui, à l’image du système visant à attirer à nous des objets lointains via les gravity gloves, en effectuant un petit mouvement de la main, qui renforce énormément l’immersion. Constamment, notre cerveau se voit rappelé que les gestes qu’il commande influencent le monde virtuel, et c’est donc naturellement que l’on va s’y sentir plus investi que dans un jeu “normal”. Même exemple avec les très nombreuses fois où l’on devra se baisser dans la vraie vie pour passer un obstacle. Le jeu tente très régulièrement de nous faire jouer nous-même les gestes, du lancer de grenade au tir de précision, en passant par les manipulations d’objets et autres petites énigmes. Chose étonnante, le corps-à-corps est proscrit dans Half-Life : Alyx, Valve ayant probablement trouvé le rendu trop hasardeux en VR, même si certains titres en ont fait leur principal atout, à l’image de Blade & Sorcery.
Là où le jeu excelle également, c’est sur sa ribambelle d’options permettant un haut niveau de flexibilité et d’adaptabilité. Ce fut probablement la priorité des développeurs chargés de l’expérience utilisateur : s’adapter parfaitement, à la fois à la façon de jouer, mais aussi au matériel. Des déplacements (à la main, en téléportation, ou libres) jusqu’au tir en passant par les interactions : Valve sait bien à quel point un FPS peut être problématique pour les gens souffrant de motion sickness. Notez par ailleurs que la téléportation restera, quoi qu’il arrive, toujours disponible et même obligatoire, ne serait-ce pour exécuter correctement certains sauts que vous ne pourrez réaliser autrement. D’une manière générale, nous avons durant notre test alterné entre déplacements libres et téléportations, regrettant au passage que Valve n’ai pas proposé de “rotation en sortie de téléportation” comme certains jeux le font. Ici, vous vous téléporterez toujours “face à la direction que vous regardez”, et devrez donc très souvent mettre de petits coups de stick pour faire face à vos ennemis, où vous tourner physiquement, dans le monde réel, ce qui risque de vous poser problème sur les casques câblés. Malgré ce petit défaut, on ne peut que saluer l’excellence des interfaces, leur pertinence et leur légèreté, qui mêlées à plein de petites idées d'interactivité, rendent le jeu si immersif.
C’est bon mais ça fatigue !
Fort de ces multiples systèmes, biens conçus et accessibles à tous, Half-Life : Alyx n’en reste pas moins assez épuisant à parcourir. Ses premières heures, surtout, nous mettent face à des situations où la visée est cruciale, et les munitions, assez rares… On prendra progressivement l’habitude mais les premiers combats seront particulièrement rudes et vous contraindront souvent à forcer le point avec vos yeux, à viser au jugé et à tenter d’y voir clair dans des environnements très sombres. Pensez donc à faire des pauses très régulières, surtout durant vos premières sessions.
Du combat et des énigmes dans un hôtel peu fréquentable...
De nombreux chargements viendront en revanche couper votre progression dans la dizaine de chapitres que compte l’aventure. Il est d’ailleurs amusant de constater que ces derniers sont toujours placés à des endroits aléatoires, probablement un running gag en interne… Et puisque l’on parle de fatigue, il nous est arrivé à deux ou trois reprises durant l’aventure d’être bloqué, ne sachant pas vraiment comment résoudre une énigme, par manque d’observation bien souvent. Le problème, c’est que dans ce genre de situations, on aimerait bien une petite astuce au bout d’un moment, d’autant plus que Russel, notre opérateur de terrain, commente souvent nos actions lors d’activation de scripts.
Half-Life : Alyx brille donc par sa durée, à travers des chapitres thématisés et bien rythmés, nous mettant face à une ribambelle d’ennemis et de situations. Mention spéciale au passage dans la distillerie de Vodka, probablement l’expérience la plus immersive que nous ayons connu en VR, à ce jour, mais nous n'en dirons pas plus pour conserver la surprise des joueurs. L’oeuvre de Valve est accessible et intéressante, parfaite pour les joueurs VR expérimentés et formatrice pour les novices, qu’ils connaissent la saga sur le bout des doigts ou qu’ils souhaitent s’y intéresser. Le pont entre les deux épisodes se fait parfaitement via ce stand alone… D’ailleurs, on n’a qu’une envie après l’avoir bouclé : revivre la rencontre entre Alyx et Gordon dans Half-Life 2, priant pour une suite à cette saga qui changea à jamais la face du jeu vidéo moderne…
Points forts
- Prenant et flippant à souhait
- Excellent feeling et design pour notre demi-douzaine d'armes
- Interactions physiques très bien rendues
- Énigmes sympathiques et variées
- Excellente bande son (doublages, musiques, SFX)
- Durée de vie très généreuse (une dizaine d’heures)
- Le chapitre de la distillerie...
- Techniquement très correct et bien optimisé
- Grande flexibilité sur le hardware et les options d'accessibilité)
- Juste ce qu’il faut de fan service pour gâter les fans sans perdre les novices
Points faibles
- Quelques rares soucis de physique constatés sur la version de test
- Un système d’aide si on bloque sur une énigme aurait été parfait
- Ça manque tout de même de séquences en véhicule...
- Quelques options manquantes (retirer les snapturn, définir une rotation en sortie de téléportation)...
Half-Life : Alyx est à la fois la pépite qu’attendait la réalité virtuelle, mais aussi celle que la VR méritait... Un jeu à la fois beau, spectaculaire, prenant, accessible et flexible, qui permet de rallier sous la même bannière les meilleures idées développées sur le secteur du FPS VR, de leur offrir un standing de finitions de haute volée, et de les accompagner d’excellentes features de game design et de mise en scène. Valve nous prouve ici qu’il sait toujours développer de grands jeux et que sa mythique saga n’est pas si "morte et enterrée" que ça... Vivement Half-Life 3 !