Persona 5 a-t-il volé votre cœur et changé votre vie il y a trois ans ? Que ce soit le cas ou non, le RPG d'Atlus a marqué sa génération. Son succès, aussi bien critique que populaire, a conduit fort légitimement les créateurs de (Shin) Megami Tensei à proposer une version encore plus complète d'un titre pourtant déjà peu avare en contenu. Persona 5 Royal, 100% exclusif PlayStation 4, se présente comme la forme ultime des aventures de Joker et des Phantom Thieves, (enfin !) dotée de textes français, et de tout un tas d'ajouts majeurs venant enrichir un gameplay et un scénario très denses. Reste à voir s'il se destine en priorité aux néophytes étant passé(e)s à côté de cet excellent épisode, ou si cela vaut le coup de repasser à la caisse pour celles et ceux ayant déjà une centaine d'heures à leur actif sur l'original…
Persona 5 Royal n'étant pas un simple remaster ou même une édition "définitive" du jeu sorti trois ans avant, nous ne ferons pas de copier-coller de notre test de Persona 5 proposé en avril 2017. Nous vous recommandons cependant de consulter ce dernier à titre de complément, puisque nous y ferons régulièrement référence, notamment lorsqu'il s'agira d'évoquer les fondamentaux de gameplay du jeu de rôle conçu par P-Studio, que nous ne résumerons pas de nouveau ici : cet article a pour but d'expliquer les apports de la version "Royal" à un excellent jeu (noté 17/20 à l'époque) et de voir si celui-ci s'en trouve amélioré ou non. Enfin, ce test est bien entendu garanti sans spoilers.
Le jeu des nombreuses différences
Il y a deux façons d'aborder Persona 5 Royal. D'abord par le prisme de la nouveauté absolue : si vous n'avez jamais joué à "P5", voire à aucun Persona ni même au moindre opus de la saga Megami Tensei, tout n'est pas perdu ! Il est en effet totalement possible de découvrir la franchise avec ce volet 100% tokyoïte, bien loin de l'univers rural de son prédécesseur canonique ; ce fut d'ailleurs le cas de votre serviteur en 2017. Certes, plusieurs mécaniques de jeu feront écho à ce que les fans de cette longue saga connaissent déjà (la Velvet Room et son thème musical aussi mélancolique que sublime, pour ne citer qu'elle), mais vous pourrez totalement les découvrir via cet épisode sans vous sentir trop perdu(e). Enfin… à condition, bien sûr, de ne pas décrocher face à une introduction aux bases de gameplay il est vrai bien longuette, ceci afin de s'assurer que vous en maîtriserez bien les (nombreux) rouages pour vous délecter dans les meilleures conditions d'une quête aussi interminable que mémorable.
À l'inverse, si vous avez déjà joué à Persona 5 (et l'avez fini, tant qu'à faire), vous évoluerez évidemment en terrain connu, mais identifierez instantanément quelques différences qui auront de grandes chances de vous donner envie de remettre le couvert. De nombreux joueurs ayant succombé à l'esthétique haute en couleurs de l'œuvre d'origine ressentiront quasi immédiatement l'envie d'y replonger, et ça tombe bien : Persona 5 Royal veut donner le ton, de suite, avec la même excellente introduction qu'à l'époque… mais avec des nouveautés. D'emblée, les aficionados des Phantom Thieves – que dis-je, les Voleurs Fantômes ! – repenseront à toute la symbolique entourant cette séquence, et se verront surtout très vite désorienté(e)s par la petite surprise scénaristique que cette version Royal ose se permettre après même pas cinq minutes de jeu…
La forme ultime de Persona 5
Si vous aviez la sensation que l'excellent Persona 4 Golden (hélas confiné à une PSVita ne constituant pas la meilleure vitrine pour faire connaître tant de talent au plus grand nombre) faisait office de véritable version ultime du Persona 4 sorti initialement sur PlayStation 2, sachez que Persona 5 Royal a l'intention de placer la barre encore plus haut. Il est ici question, pêle-mêle, de protagonistes exclusifs à cette (ré)édition, d'intrigues supplémentaires, de nouvelles mécaniques d'exploration et de combat… sans parler d'un lifting graphique légitime à une création notoirement très esthétique, mais qui n'a plus à pâtir de sa sortie cross-gen initiale. On rappellera en effet que celui que l'on aime surnommer "P5" était initialement prévu sur PlayStation 3 en… 2014, avant d'être maintes fois repoussé et de finalement sortir conjointement sur deux générations de consoles. L'occasion était royale (!) d'affiner la partie visuelle d'un titre à la direction artistique maintes fois saluée, très typée manga et pensée, en grande partie, pour d'innombrables scènes de dialogue dans le plus pur style visual novel.
Cependant, se cantonner aux améliorations graphiques en tous genres, peu notables en outre pour le profane (en plus d'être inégales, nous en reparlerons), reviendrait à limiter Persona 5 Royal à un simple statut de remaster… ce qu'il est très loin d'être. Les objectifs d'Atlus pour cette nouvelle édition sont multiples et passent non seulement par la forme, mais aussi par le fond : le gameplay et la narration, enrichis, doivent ici se mettre au service d'une histoire grandement "augmentée", bien au-delà d'un simple director's cut. Partez donc du principe que la base, à savoir un excellent jeu très pauvre en défauts, est parfaitement préservée, et que le moindre changement relève de l'ajout positif. Dans "P5R", rien ne se perd, tout se crée, et se transforme pour la bonne cause, à commencer par le PS4share enfin activé en-dehors de très rares exceptions, pour le plus grand bonheur de l'auteur de ce test.
Un aperçu d'exploration d'un Palais
Je suis toi, tu es moi…
En plus de ses prétentions purement narratives, relevant d'une volonté évidente de P-Studio de prolonger un scénario particulièrement complexe (et pourtant très maîtrisé), Persona 5 Royal cherche à gommer les rares défauts de la copie d'origine. En Occident, le premier point cher aux yeux de bon nombre de joueurs, et notamment de notre lectorat, a été corrigé par une équipe de localisation soucieuse de rendre "P5" accessible au plus grand nombre, et surtout en Europe ! Si l'anglais demeure le seul doublage occidental, et que nous ne le recommandons pas davantage qu'en 2017 (quitte à jouer avec des sous-titres, privilégiez les voix japonaises !), les aventures des Voleurs Fantômes bénéficient désormais de textes en allemand, italien, espagnol, et surtout en français.
Certes, les puristes pointeront toujours du doigt l'aspect incorrect de cette localisation : les imperfections de traduction au niveau du registre de langue de certains personnages (Ryuji, notamment), déjà présentes dans les textes anglais, sont toujours de la partie. On déplorera également quelques fautes de grammaire ou d'orthographe un peu idiotes même si on les mettra à l'actif d'une quantité monstrueuse de texte à vérifier, mais on passera avec beaucoup moins d'indulgence sur certains mots ou expressions anglaises non traduits. La traduction française est toutefois suffisamment soignée et, dans l'ensemble, épargnée par les impairs inhérents à un tel défi de localisation, pour en louer la présence mais aussi la qualité. Tant d'années après, Persona 5 est jouable en (très bon) français, ne boudons pas notre plaisir !
Néanmoins, comment ne pas saluer l'immense travail d'adaptation effectué par des équipes chargées non seulement de traduire une quantité colossale de texte (Persona 5 est un jeu démesurément bavard), mais aussi et surtout de l'incruster dans une des UI les plus sexy jamais vues dans un jeu vidéo ? Aussi fluide d'utilisation que fantastique dans sa folie artistique, la désormais célèbre interface des menus de Persona 5 se met aux langues de Molière (ou plutôt celle de Leblanc !), Cervantes, Dante et Goethe. Si vous rêviez de faire un jeu aussi complexe en japonais sous-titré allemand, et en difficulté maximale, cela vous est désormais permis. Gardez bien à l'esprit que ces améliorations sont exclusives à la version Royal, et qu'aucun patch n'est prévu pour les ajouter au "P5" original : ce sont bien deux jeux différents, et il va de soi qu'Atlus cherche quand même à nous faire passer à la caisse, que ce soit pour la première ou la seconde fois.
Même si le jeu vous propose de "recevoir des bonus grâce à vos données de sauvegarde de Persona 5", ne rêvez pas : il n'est pas possible de tenter le New Game + de Persona 5 sur la version "Royal". Et ce même si, comme votre serviteur, vous avez passé une grosse centaine d'heures sur le jeu de 2017 et n'avez jamais lancé de NG+ : votre sauvegarde ne servira vraiment qu'à débloquer des contenus purement cosmétiques, et vous devrez bien reprendre l'histoire de zéro, sans aucune persona dans votre collection, comme si vous lanciez l'aventure pour la première fois. Nous ne vous cacherons pas qu'un peu plus de permissivité envers les "anciens" aurait été très appréciée…
Un grappin, des crânes, des fleurs et des tampons
Question contenu, Persona 5 Royal promettait de nombreuses améliorations sans sacrifier quoi que ce soit du matériau d'origine. Cela se ressentira notamment dans les combats, avec des mécaniques supplémentaires à prendre en compte comme par exemple la présence d'Ombres calamiteuses, ces ennemis pouvant exploser en plein affrontement à votre profit ou non, l'exploitation du rang de transfert lié à l'évolution de vos liens avec vos confidents, les attaques en duo… ou encore, certaines formes de boss qui changeront totalement (et dans le bon sens, dans certains cas !). L'exploration des Palaces, sachant qu'un supplémentaire est inclus en fin de scénario, s'en trouvera également quelque peu modifiée, tout comme le fameux Mémento (Mementos en version originale). Au programme entre autres, l'intégration du grappin, élément de gameplay très à la mode de cette décennie, qui permet d'accéder à quelques nouvelles salles et/ou passages secrets exclusifs à cette version, renforçant un peu leur durée d'exploration au cas où elle n'était pas déjà assez conséquente comme ça. Vous pourrez notamment découvrir des artefacts secrets inédits, au nombre de trois par donjon et toujours bien cachés (et souvent gardés par un mini-boss bien coriace !), ayant pour but de débloquer un crâne mystérieux propre à la thématique dudit palais.
Ce dernier, une fois récolté, pourra être échangé dans le Mémento contre des objets à rajouter dans votre inventaire, auprès d'un nouveau personnage énigmatique du nom de Jose, dont l'intervention avec sa curieuse boutique ambulante rappelle un peu Emil rôdant dans la cité en ruine de NieR:Automata. Collectionneur de fleurs et également en quête d'étranges tampons disséminés un peu partout dans les étranges profondeurs du métro tokyoïte distordu, il vous permettra de récupérer tout un tas d'objets et d'équipements utiles pour l'exploration et les combats, et modifier l'apparence des lieux. Cela donnera un peu plus de relief à l'exploration de ce fameux donjon procédural quasi infini et augmentera encore un peu plus le temps passé sur cette occupation aussi facultative que quasi indispensable à tout Voleur Fantôme qui se respecte. De toute façon, dans sa globalité, Persona 5 Royal vous prendra davantage de temps que l'original, surtout si vous vous prenez au jeu. Cerise sur le gâteau, Morgana se montre moins contraignant en soirée après une journée passée dans le métavers : ce ne sera de toute façon pas de trop pour compléter les innombrables activités chronophages à disposition, de la lecture au visionnage de DVD en passant par les études, les sorties entre amis, les petits boulots, et tant d'autres encore…
Le Repaire des Voleurs : découverte du mode "galerie" de Persona 5 Royal
Nouveau jeu, nouvelles activités… et nouveaux amis ?
En terme de compléments facultatifs, le "nouveau" Persona 5 s'illustre également du côté de son tout nouveau "Repaire des Voleurs". Il s'agit ni plus ni moins d'une galerie où vous pourrez contempler vos exploits à travers des défis à compléter, débloquer la bande son du jeu mais aussi toutes les cinématiques et les re-visionner à volonté, jouer à un jeu de cartes avec vos compagnons… et même incarner n'importe lequel de ces derniers, juste le temps de vous balader dans ce petit théâtre de vos exploits. On en vient à regretter, puisqu'ils sont donc officiellement jouables, de ne pas pouvoir se déplacer aux commandes de Ryuji, Ann, Yusuke, Makoto et consorts dans Tokyo ou a minima, dans le métavers ! Reste que ce petit supplément non négligeable ravira les collectionneurs en quête de nouveaux défis, et avides de satisfaire encore un peu plus leurs désirs de complétion qu'avec une simple liste de trophées, le fameux platine étant d'ailleurs à première vue moins difficile à atteindre que dans Persona 5 "vanilla" : si la liste contient pas mal de trophées en commun, certains des plus ardus ont disparu, et une grande partie des nouveaux se débloque bien plus aisément. Dans le même genre, des défis vous seront de temps en temps proposés dans la Velvet Room… comme si celle-ci n'était pas déjà assez riche et complexe comme ça !
Enfin, Persona 5 Royal rajoute un nouveau quartier, Kichijōji, que vous débloquerez heureusement assez tôt dans le jeu (après deux mois de cours, pour ne pas trop en dire) pour bien en profiter. Situé très à l'ouest de la mégalopole japonaise, cette nouvelle zone très vivante faite d'un seul bloc à explorer s'avère non seulement plus vaste, à titre de comparaison, que Akihabara ou Yongen-Jaya ; mais surtout, elle est remplie de boutiques et d'activités, dont un club de jazz mais aussi un billard et un mini-jeu de fléchettes franchement bien fichu, qui exploite même le gyroscope de la Dual Shock 4 à une époque où on en avait quasiment oublié l'existence. On aura clairement envie d'y retourner régulièrement lorsqu'il sera question de faire évoluer les relations avec les confidents, sachant que deux nouveaux viennent se greffer à l'histoire… le New Game + devient ici plus que nécessaire si vous souhaitez atteindre le rang maximal de lien social, même si dans l'ensemble, "P5R" est un peu plus facile que l'original (coucou les munitions qui se rechargent à chaque combat, même en difficulté maximale !).
Escapade à Kichijōji, le nouveau quartier de Tokyo inédit
Nous terminerons donc avec une mention évidente aux nouveaux protagonistes, l'une d'entre eux (Kasumi Yoshizawa) constituant mine de rien le cœur de Persona 5 Royal, jusqu'à voler la vedette à Joker sur la jaquette officielle du jeu ! Si son intégration au fil de l'aventure se fait avec ingéniosité, sa réelle implication et ses conséquences sont très tardives : il n'y a que si vous accrochez à fond à Persona 5 que vous en découvrirez les subtilités. Cependant, son apport se montre très solide, justifiant à elle seule l'ajout d'un Palace supplémentaire dans le dernier quart du jeu, prolongeant encore un peu plus une aventure qui flirtera avec la centaine d'heures (voire davantage s'il s'agit de votre première expérience du jeu). Nous éviterons de davantage détailler son vrai rôle par souci de ne rien spoiler, ceci d'autant plus qu'il nous a été recommandé de ne pas nous attarder sur cette période du scénario dans le test, mais sachez que ce nouveau personnage fait honneur aux Phantom Thieves et à leur incroyable quête de justice. Enfin, Takuto Maruki, l'autre nouveau confident exclusif à cette version, se montre un peu plus anecdotique mais n'entache pas davantage la toile de maître de P-Studio, se fondant à merveille dans une narration toujours aussi particulière, à la fois mature, légère, pleine d'humour et diablement attachante.
Nous pourrions longtemps continuer à vanter les innombrables mérites de cette version "augmentée" de Personna 5 : excellent à sa sortie initiale, il est désormais exceptionnel, et il ne souffre plus de grand-chose si ce n'est, fatalement, de cette exclusivité PlayStation très stricte qui lui colle à la peau malgré les appels de joueurs PC et surtout Nintendo Switch, qui vont continuer d'en rêver. En attendant, si vous disposez d'une PS4 et que vous aviez boudé Persona 5 faute de localisation française, et non par manque de temps, vous n'avez désormais plus d'excuse pour vous lancer dans un immense J-RPG, totalement hors normes et se jouant de bon nombre de conventions établies. Quand un des seuls défauts notables d'un jeu vidéo est d'être confiné à un support spécifique, c'est qu'on est face à un titre d'exception, et tant pis s'il s'agit d'une deuxième édition. Cette fois-ci, c'est la bonne, ne passez pas à côté…
Points forts
- Toutes les qualités d'origine d'un des meilleurs RPG de sa génération…
- … avec tous ses contenus additionnels …
- … et enfin avec des textes français !
- De nouveaux contenus exclusifs assez bien amenés
- Plein de nouvelles subtilités de gameplay plutôt pertinentes
- Kichijōji, un vrai nouveau quartier vivant avec de bonnes activités
- Renforcement cohérent du scénario, qui ne gâche rien
- Le ''PS4share'' enfin utilisable !
- Un peu moins de contraintes, ça fait du bien
- Shoji Meguro toujours aussi inspiré côté bande originale
- Petite amélioration graphique non négligeable…
Points faibles
- … même si encore perfectible et pas toujours où il faut
- Encore plus long, et donc parfois vraiment trop long
- Quand même quelques beaux loupés dans la localisation
- Avare en récompenses pour les joueurs de la version originale
Persona 5 Royal est bien celui qu'on espérait. Non content d'offrir de nouveaux arcs narratifs en diversifiant un scénario pourtant bien riche, et d'améliorer encore un peu plus une mise en scène pourtant déjà fantastique, P-Studio sublime avec brio l'épisode ayant popularisé la licence auprès du grand public. Avec ce titre, Atlus détient désormais tous les atouts pour conquérir le cœur des réfractaires s'étant, notamment, limités à l'absence de localisation occidentale autre que l'anglais. Persona 5 ayant su séduire des joueurs complètement hermétiques aux J-RPG et/ou au tour par tour, nous ne saurions que trop vous recommander ce qui constitue assurément l'expérience définitive d'un jeu d'exception, et un des derniers grands jeux de la PlayStation 4.