Après nous avoir enchanté avec Rime, Tequila Works s’offre un choix audacieux en proposant sa nouvelle production, Gylt, en exclusivité sur Google Stadia. Une position qu’elle occupe d’ailleurs seule pour le moment, et qui offre forcément quelques espoirs sur son niveau de qualité, que l’on espére le plus proche possible de celui de son prédécesseur. Le résultat est-il à la hauteur des attentes ?
Du gameplay de Gylt, au coeur d'une école pleine de cauchemars
Stadia oblige, Gylt s’émancipe de potentiels problèmes techniques qui avaient notamment escorté l’une des précédentes propositions du studio, Rime. Nous vous renvoyons vers notre test détaillé de Google Stadia pour que vous puissiez déjà vous faire un avis sur la plateforme, mais dans notre cas, le titre s’est avéré parfaitement fluide et sans problème technique majeur sur une connexion fibrée.
Une belle patte artistique
La finition semble donc au rendez-vous, mais quelques minutes in-game suffisent à constater que si l’ensemble tourne bien, quelques éléments témoignent tout de même d’un manque de peaufinage sur des détails. On pense notamment au curseur de la souris qui pointe le bout de son nez à chaque passage dans les menus même quand vous jouez à la manette, au fait que la touche B suffise à quitter n’importe quel sous-menu, mais pas le menu de pause pour revenir en jeu, ou tout simplement à l’apparence assez sommaire de la carte qui peut étonner si on la compare au reste du travail artistique. Beaucoup d’éléments qui restent de l’ordre du détail, mais qui témoigne potentiellement d’un léger manque de temps du studio pour nous livrer un titre pleinement abouti.
Fort heureusement, Gylt se montre déjà plus convaincant sur des éléments d’importance. Nous pensons en premier lieu à sa direction artistique, qui parvient à trouver un juste équilibre entre l’ajout de détails conférant de la vie aux décors - parfois sublimés par de très jolis plans exploitant à merveille les éclairages - et la volonté de garder des zones suffisamment épurées pour rendre l’exploration claire et agréable. Au delà de ce point de détail, le titre oscille entre un monde en 3D à la troisième personne au rendu évoquant la patte de Rime, et des cutscenes exclusivement réalisées en dessin animé façon “Rough Animation”. Un choix qui étonne au premier abord, mais la fluidité d’enchaînement entre les deux et le soin visuel apporté à chacun donne finalement du cachet à la patte artistique de l’aventure.
Peu de risques, peu d'erreurs
Pour le reste, celle-ci s’avère classique mais sans accrocs, notamment sur sa structure. Vous passerez la majorité de votre temps à éviter les différents monstres sur votre parcours, partir à la recherche de clés, fouiller l’environnement en quêtes d’éléments annexes, le tout via un ensemble de zones fermées généralement axées autour d’une pièce centrale par laquelle vous ferez plusieurs passages. Le titre évite fort heureusement les aller-retours agaçants ou parvient au moins à les justifier par l’arrivée d’une nouvelle créature ou d’une mécanique inédite dans la zone. En revanche, une petite routine s’installe malheureusement très vite dans la première moitié de l’aventure, pas vraiment aidée par les boucles de mouvements des premiers monstres extrêmement faciles à cerner et donc, à berner.
Fort heureusement, la deuxième moitié du jeu s’avère un peu plus inspirée grâce à de nouveaux ennemis déjà moins amorphes et l’arrivée de mécaniques venant densifier votre champ d’action, entre combat de boss et mini-puzzles sur circuits électroniques. Si vous avez très tôt droit à une lampe torche permettant d’éclairer votre chemin ou détruire certains ennemis en puisant dans sa batterie, celle-ci se voit dans cette seconde moitié secondée par un extincteur offrant une approche différente sur quelques énigmes. Le titre garde tout de même de la simplicité dans son gameplay, permettant à votre héroïne de s’accroupir (mais pas de sauter), de se soigner en utilisant des ventolines disséminées ça et là, où donc d’employer l’un des deux outils évoqués plus tôt pour geler ou détruire certains types d’ennemis et d’éléments du décor.
Une narration qui manque d'épaisseur
Nous pourrions nous dire que ce caractère classique, mais solide de l’aventure est peut-être transcendé par un propos de fond travaillé et réussi, à l’image de Rime. Ce n’est pas malheureusement pas le cas, alors qu’il y avait matière à traiter un thème délicat et bien tristement dans l’air du temps, en l'occurrence celui du harcèlement scolaire. Vous incarnez ici Sally, une jeune fille partie à la recherche de sa cousine Emily et qui va se retrouver dans une version cauchemardesque de sa ville habituelle, peuplée d'étranges démons pour l'occasion. Portée par quelques bons choix (comme une narration environnementale discrète, mais témoignant bien des traces des agissements au sein des lieux explorés), la narration manque toutefois trop de finesse pour exprimer parfaitement cette thématique de manière métaphorique.
À l’image de créatures cherchant plus à reprendre des designs classiques de l’horreur qu’à proposer une apparence évoquant d’éventuels personnages ayant participé au harcèlement évoqué, les dialogues et les personnages s’avèrent trop lisibles et les situations faciles à anticiper, débouchant sur un scénario sans surprise. Et si le choix final offre aussi une relecture possible de l’oeuvre (plusieurs fins existent selon que vous ayez récupéré ou non certains collectibles, d'ailleurs), il ne parvient pas à briser le caractère trop prévisible de l’ensemble. C’est dommage, car si Gylt s’avère sérieux sur ses bases, il lui manque du coup ce petit soupçon d’âme et de finition supplémentaire pour proposer une aventure qui vaille réellement le détour.
Points forts
- Direction artistique soignée
- Des plans réussis exploitant bien les effets de lumière
- Bonne porte d’entrée vers le genre “horrifique”
- Traiter du harcèlement scolaire, un choix à saluer...
Points faibles
- … Mais qui est noyé dans une narration sans idées
- Pas vraiment de créature originale
- Des détails d’interface un peu agaçants avec le menu
- Une structure très classique qui peine à surprendre
S’il est une belle réussite artistique, Gylt s’avère bien trop sage sur le reste. Qu’il s’agisse de sa structure, ses créatures ou ses mécaniques de jeux qui viennent piocher du côté de Rime, Little Nightmares, ou encore Alan Wake sans vraiment arriver à s’en émanciper, ainsi que de son sous-message qui est certes à saluer, mais manque singulièrement de finesse ou de surprise dans son traitement narratif. En revanche, il parvient à légèrement gagner en intérêt sur le long terme et offre surtout une alternative intéressante aux joueurs désireux de découvrir en douceur le genre horrifique. Deux qualités qui ne masquent pas assez ses carences pour le hisser parmi les bons représentants du genre, mais qui suffisent à en faire un titre correctement exécuté à l’aventure honnête, mais sans éclats.