Depuis le célèbre Journey, les titres oniriques faisant la part belle à l’exploration, la contemplation et la réflexion sont fréquents. C’est au tour d’Arise : A Simple Story, premier jeu des espagnols de Piccolo Studio, de s’inscrire dans cet héritage. L’occasion d’explorer des collines verdoyantes et des recoins enneigés, en passant par les sous-terrains les plus sombres.
Pas le temps pour les présentations. Arise s’ouvre sur la mort du personnage principal, un vieil homme hirsute, dont le nom n’est jamais évoqué. Après une crémation en bonne et due forme, il est ranimé par une lueur étincelante sur une montagne couverte de neige. La lumière le conduira au travers de nombreux souvenirs, des moments d'insouciance communs à l’enfance à des instants plus tragiques. Entre-temps, le type a acquis une forme de super pouvoir : il est capable de faire avancer ou reculer rapidement le temps, ce qui lui permet de modifier le monde qui l’entoure. D’une saison à l’autre, un amas de neige permettra par exemple d’accéder à un rebord auparavant trop haut, et un rocher tombé au bon moment pourra être rembobiné pour franchir un gouffre. Cette mécanique, mixée à des passages de plateforme, constitue le core-gameplay d’Arise. Elle se pilote en inclinant le stick droit vers la gauche ou la droite.
Une progression en dents de scie
La progression d’Arise démarre en flèche avant de retomber soudainement. Les premiers niveaux brillent par leur direction artistique, avec des couleurs chaudes, une belle distance d’affichage et des effets de lumière réussis. La mécanique de rembobinage fait elle aussi rapidement mouche, et évite le syndrome “ascenseur”. Les éléments qui bougent d’un coup de stick serpentent entre les éléments du décor et se déplacent de manière élégante. Les deux premiers chapitres sont ainsi très plaisants à parcourir et montent en puissance, avec plus de détails dans le second niveau et des nouveautés qui viennent rythmer la progression, comme l’ajout d’un grappin en cours de route. Le tout est de plus souligné par une bande-originale de qualité, qui parvient à donner de la puissance à d’intenses moments de contemplation et de poésie.
Mais les choses se gâtent à partir du troisième chapitre. En effet, les deux premiers niveaux d’Arise nous initient certes à la mécanique de rembobinage pour bouger certains éléments du décor, mais surtout au fait que cette mécanique impacte l’allure du niveau (de l’été à l’hiver ou du matin au crépuscule). Ce choix confère aux deux premiers chapitres un effet “deux univers en un”, qui renouvelle en permanence l’intérêt de l’exploration et incite le joueur à passer d’une fenêtre temporelle à l’autre. Mais cette bonne idée n’est malheureusement pratiquement pas reprise dans le reste de l’aventure. Le titre reste malgré tout agréable à découvrir, mais se limite à déplacer des objets pour atteindre la fin d’un niveau. À la longue, la peine est double pour Arise : le jeu donne l’impression d’avoir tout donné dans les premiers mètres et frustre le joueur par la même occasion.
Des mécaniques partiellement renouvelées
Dans son second et troisième quart, Arise peine ainsi à viser juste, comme si les bonnes idées étaient là mais n’avaient pas d’existence propre. La bascule s’opère à partir du chapitre 3. En effet, alors que le temps ne défile pas en dehors des manipulations du joueur en début de partie, le jeu en décide soudain autrement, avec des éboulements et des roches qui se brisent en temps réel. Et le vieil homme peut dorénavant arrêter le temps. Mais cette nouvelle capacité peut être utilisée de façon illimitée, si bien qu’il est tout à fait possible de l’activer en permanence… Et ainsi revenir au même fonctionnement que les deux premiers niveaux. La mécanique centrale d’Arise est ainsi partiellement renouvelée, alors que des éboulements en temps réels auraient pu créer un sentiment d’urgence. Mais rien de ce goût-là ressort de l'aventure.
Les chapitres suivants se traînent le même boulet, et les quelques nouvelles mécaniques de-ci de-là ne parviennent pas à relancer significativement le rythme du titre. Même constat du côté de la direction artistique. Seuls les derniers niveaux ainsi que quelques twists scénaristiques rehaussent le plaisir de jeu. Mais le titre ne parvient pas à renouer avec les qualités du début d’aventure.
Quelques manques de précision
Enfin, il convient de préciser qu’Arise manque globalement de précision, que ce soit du côté des phases de plateforme ou même du level-design. Souvent, le joueur pensera qu’il peut accéder à une corniche, avant de réaliser qu’il lui manque quelques millimètres ou que son personnage ne veut tout simplement pas s’y accrocher. Quand il s’agit de tomber de quelques mètres, le titre a également ses défauts. Dans Arise, le joueur incarne un vieil homme ordinaire, dont les déplacements ont le poids d’un Henry de Firewatch. Cela signifie que le type mettra quelques instants à se remettre d’une grosse chute, mais également que si cette dernière est trop importante, il périra. Il faut donc s’attendre à pester régulièrement quand une cascade est fatale alors que la hauteur semble tout à fait abordable. Arise recèle également son lot de morts inexplicables, qui n’aideront pas le joueur à faire fi de ses défauts.
Points forts
- Sa direction artistique inspirée…
- Une bande-originale de qualité
- Un scénario simple et touchant
Points faibles
- ...Mais très inégale
- Des mécaniques pas suffisamment renouvelées
- Des problèmes de précision
Arise est un jeu trop contrasté pour qu’on s’y attache vraiment. La mécanique pour remonter le temps ainsi que la direction artistique font des merveilles dès les premiers instants mais passent ensuite au second plan sans que l’on puisse vraiment saisir pourquoi. Piccolo Studio parvient ainsi rarement à ranimer l’intérêt du joueur et livre un titre hasardement rythmé. Quelques beaux moments, portés par une bande-originale de qualité, arrivent tout de même à émerveiller. Premier jeu contrasté mais toutefois agréable pour l’équipe espagnole.