Le jeu vidéo a cela d’intéressant qu’un même genre (course, baston, action…) peut donner naissance à une foule d’expériences différentes. Dans le domaine du FPS, qui est pourtant un style essoré depuis des années, les développeurs parviennent parfois à surprendre par divers stratagèmes. Cela provient parfois du rythme de l’action, du récit enrichi par une mise en scène percutante, de l’ambiance et du dépaysement proposé, du contexte historique ou encore de l’aspect tactique. Et c’est justement dans cette dernière catégorie que s’inscrit le jeu qui nous incombe ici. Il existe peu de jeux en vue subjective misant sur l’infiltration et la stratégie – impossible de ne pas penser à Project IGI et sa réalisation superbe à sa sortie. En 2017, le studio CI Games s’est risqué à un monde ouvert mais cette tentative n’a pas fait l’unanimité. Cette année, ils reviennent avec des intentions plus en adéquation avec leurs moyens, qu’ils soient techniques ou humains. Ce spin-off, intitulé Contracts, est-il digne des attentes ? La réponse dans les lignes qui suivent.
Comme indiqué ci-dessus, Sniper Ghost Warrior Contracts revient à une base plus classique. Plutôt que de se frotter à un open world souffrant de chargements interminables, les développeurs polonais ont, cette fois, opté pour cinq zones fermées mais assez vastes. Cela évite de se farcir des allers-retours incessants et d’avoir un titre plus stable sur le plan technique, tout en profitant de missions ouvertes. À l’inverse, et c’est sans doute pour cette raison que ce volet peut être considéré comme un spin-off, il n’y a plus à proprement parler de scénario. Ici, chaque objectif est distillé par un briefing et la seule communication réside dans les échanges entre le pauvre bougre jeté dans la gueule du lion et l’opérateur. En clair, c’est une succession de contrats à la Hitman. Pour le reste, c’est du Sniper Ghost Warrior avec tout ce que cela implique : un mélange de tir à distance et d’infiltration, des objectifs secondaires gravitant autour d’une mission principale, une approche lente et silencieuse et, enfin, une exigence prononcée – surtout dans le mode de difficulté le plus élevé.
THE MASK
Après un tutorial des plus classiques, le Seeker part en opération. L’action de cet épisode se déroulant en Sibérie, ce n’est pas une surprise de découvrir des paysages montagneux et enneigés frappés par des vents puissants. Gare aux engelures et aux chutes dans l'eau glaciale, Contracts ne vous épargne rien. Dans la peau d’un soldat recruté par une mystérieuse agence, votre mission est de mettre fin au chaos politique qui règne sur ce territoire russe. Conscientes des enjeux et des dangers, les personnes qui pilotent l’opération vous ont fourni un masque qui permet, à la manière de lunettes high tech, d’afficher une interface en temps réel sur les lieux à infiltrer. Grâce à ce gadget 2.0, il est ainsi possible d’analyser l’environnement, de marquer les cibles, de connaître la distance qui vous sépare d’elles ou carrément, via divers upgrades, de voir les individus à travers les murs et autres spécialités bien pratiques. Pour évoluer à travers ces environnements glacés, le brave soldat peut escalader ou descendre des parois, utiliser des tyroliennes ou, bien évidemment, prendre la fuite pour s’éloigner une zone devenue trop hostile. Du côté de l’inventaire, on se trouve en terrain habituel avec différents types d’armes, de munitions, de grenades, etc. L’argent glané et récolté sur les ennemis tombés au combat permettent d’améliorer tout l’attirail, à commencer par votre fusil sniper. Puissance du tir, recul, stabilité, précision, bruit de la détonation… tout y passe ! Cette nouvelle itération de la série propose également un système de jetons Par ailleurs, au cours de l’aventure, l’utilisation du drone ne sera pas de trop pour mener à bien les objectifs.
EN APNÉE
Dans Sniper Ghost Warrior Contracts, il est inutile de se précipiter et de se grimer en Rambo. Si l’agent que l’on incarne sait manier le pistolet ou la mitrailleuse, ces armes ne sont à utiliser qu’en ultime recours. Ici, tout passe par votre position et votre précision au fusil sniper. Pour cela, il faut ajuster sa ligne de mire en prenant en compte la direction et la puissance du vent mais aussi la distance des cibles. Et cet apprentissage demande un certain temps. Il suffit d’omettre un détail (un soldat planqué que vous n’aviez pas vu, un drone qui survole la zone, une caméra…) pour que les alarmes retentissent et que vous soyez pisté comme un lapin. L’ambiance est très prenante et on a souvent l’impression de se croire dans un bon vieux film d’espionnage. Le problème, c’est que ce feeling est brisé par l’intelligence artificielle qui aurait mérité un meilleur traitement. Déjà, les soldats d’une zone à l’autre ne communiquent pas entre eux, ce qui signifie que vous pouvez faire un carnage dans un coin sans que les petits copains ne soient mis au courant. L’autre point, encore plus agaçant, provient des réactions des soldats adverses. Certes, cela reste un jeu vidéo mais on a constamment le sentiment qu’ils font tout pour se faire canarder (une petite tête qui dépasse, une décision qui est tout sauf réaliste, etc.). En cas l’alerte, on se planque dans les hautes herbes ou une caisse et on attend tranquillement que les ennemis reprennent leurs positions. Maintenant, ce n’est pas le premier jeu vidéo à souffrir de cette tare et on s’y fait vite, d’autant que le ralenti des cibles touchées – la fameuse killcam – ne manque pas de dynamisme. La réalisation, en elle-même, est également plutôt correcte.
ÉTOILE DES NEIGES
Visuellement, sans atteindre des sommets, le titre s’en sort plutôt bien. Tournant sur CryEngine, le jeu affiche des environnements assez réussis et profite d’un level design très convaincant. Pour atteindre la cible, le joueur peut utiliser plusieurs chemins et l’atmosphère générale, qu’il s’agisse du bunker, du port ou de la vallée, donne une touche unique à chaque zone. Évidemment, avec 25 contrats à la clé, le joueur est amené à revisiter les cinq maps imaginées pour l’occasion mais la direction artistique, les bruitages et la musique font oublier cette petite redondance dans les missions. On note quelques bugs par ici ou là mais rien qui ne vienne entacher la progression. Pour ce quatrième épisode, CI Games livre donc une partition des plus convenables. Certes, il ne faut pas s’attendre à un scénario à la Spec Ops : The Line et on peste régulièrement sur l’IA mais cet épisode est sans doute le plus abouti.
Points forts
- Convaincant visuellement
- L'atmosphère des lieux visités
- La marge de progression
- L'aspect stratégique
- Level design intelligent
- Bonne durée de vie
Points faibles
- Une IA aux réactions étranges
- Des checkpoints parfois mal placés
- Des pics de difficulté agaçants
- Quelques bugs sonores et visuels
Sans ses errances en matière d’intelligence artificielle, Sniper Ghost Warrior Contracts pourrait probablement se frotter aux maîtres du genre. En repassant à une structure en zones fermées, CI Games a pu se concentrer sur le gameplay et les situations rencontrées par le joueur. Le level design est ainsi à saluer tout comme l’ambiance générale appuyée par des environnements réussis. Les amateurs de killcam se feront un malin plaisir à tester les différents embranchements tandis que celles et ceux qui recherchent un FPS posé devraient y trouver leur compte. Tout n’est pas parfait, on note parfois des tirs un peu aléatoires mais cet épisode apparaît comme le plus complet et abouti.