Prepare to Dine

Avec son style visuel anime et son gameplay articulé autour du concept risque et de la récompense, Code Vein s’est vite vu étiqueté de « Dark Soul version anime ». Il en reprend une bonne partie des codes qu’il plonge dans un bain de sang afin de les teindre à sa couleur. Gestion de l’endurance, feux de camp ici remplacés par des pousses, pertes des âmes à la mort, ennemis capables de vous anéantir en une poignée de secondes, esquives, parades, le terrain est connu pour quiconque a déjà posé les mains sur un Souls like. Les variations de la production de Bandai Namco Entertainment sont à chercher du côté de sa relecture vampirique du genre avec ses mécaniques liées à l’absorption de pouvoirs. Code Vein n’enferme pas le joueur dans un archétype fixe, mais lui permet d’alterner à l’envie entre différentes « classes » pour varier les plaisirs. Une liberté malheureusement étouffée dans un monde étriqué, au potentiel sabordé par un gameplay sans éclat et par un volet technique daté sur bien des aspects.

Tout débute pourtant par un généreux éditeur de personnages où les férus d’anime s’en donneront cœur joie avec une tripotée d’options de personnalisations. Visages, coiffures, couleurs et forme des yeux, maquillage, variantes de styles à la pelle et accessoires à ne plus savoir où les placer, le studio n’ignore pas le goût prononcé pour la customisation des amateurs de japanimation. Affublée de deux casques audio, d’oreilles de chat et d’un petit chapeau trop kawaï, notre Revenante est fin prête à se se lancer à l’assaut de la grisaille de l’univers de Code Vein. Pas de bol pour l’humanité, l’apocalypse a frappé laissant derrière elle une terre en ruine déchirée par les épines de la corruption. Et comme si une seule calamité ne suffisait pas, un mal étrange a transformé les survivants en déchus, des êtres gouvernés par leur rage destructrice. Le dernier bastion d’espoir réside dans une poignée de combattants ayant renoncé à leurs souvenirs en échange de grands pouvoirs, mais aussi d’une soif de sang inextinguible, on a rien sans rien après tout ! Combattre le mal par le mal, tel est le credo du Revenant incarné par le ou les joueurs. La narration du jeu, à base de cutscenes parfois un peu poussives par leur durée, nous fait suivre le combat d'un groupe de revenants tiraillés entre leur soif de sang, l

Le créateur de personnage est riche en options.

Plus savoureux à deux ?

Car Code Vein peut tout aussi bien se parcourir en solo qu’accompagné par une seconde personne en mode coopération en ligne. Le système est proche de celui d’un Souls avec une invitation envoyée sous forme de signal de détresse lancée par l’hôte. En y répondant, un joueur peut rejoindre votre partie en tant qu’invité, ramasser des objets sur les ennemis vaincus et vous accompagner dans votre exploration. Le niveau de l’invité est modifié pour correspondre à celui de l’hôte et le nombre d’objets de soin est réduit afin de maintenir le challenge du jeu. Le mode multijoueur prend fin en cas de mort de l’un des deux participants ou lorsque le boss de la zone parcourue est terrassé. Si un système de filtre réseau et de mot de passe permet de cibler la partie d’une personne spécifique, on aurait préféré plus de flexibilité pour ce mode coopération de manière à pouvoir réellement progresser dans la campagne sans avoir à envoyer une nouvelle invitation à la fin de chaque zone. La mécanique, à l’image de nombreux autres points du titre, reprend sans trop se poser de question celles des Souls quand bien même elle aurait pu tenter de s’en démarquer pour se forger une vraie identité.

En mode solo, le joueur est toujours accompagné d’un PNJ de soutien à choisir parmi un casting de personnages secondaires introduit au fil du scénario. Ces compagnons de route fournissent une aide précieuse sur le terrain, ils tapent assez fort, peuvent vous soigner, améliorer vos aptitudes martiales, canaliser l’attention d’un ennemi pour vous permettre mieux préparer certaines techniques et n’hésitent pas à sacrifier une partie de leur propre santé pour vous réanimer en cas de mise à terre. Chaque allié dispose de son propre style de combat à adapter au mieux avec le votre pour une efficacité accrue. Des attaques spéciales et plus puissantes que les autres, appelées Dons Combinés, complètent le tableau de cette coopération de tous les instants ; elles consomment un nombre important d’Ichor (la ressource nécessaire à toutes les compétences) et ne peuvent être déclenchées qu’en coopération. De manière générale, les partenaires contrôlés par l’IA réagissent certes simplement, mais correctement, ils ne foncent pas sur le premier ennemi au risque de nous mettre en mauvaise posture et démontrent toute leur utilité lors des combats de boss. On regrette tout de même l’absence de personnalisation de leurs capacités ou équipements ; la seule manière de modifier le style de jeu d’un partenaire est de changer de PNJ une fois de retour à la base.

Sur des fondations de combat classiques pour le genre à base d’attaques légères et lourdes, d’esquives et de parade, Code Vein vient greffer sa thématique vampirique afin d’y apporter quelques variations. La première est liée à l’ichor, ressource nécessaire au déclenchement de toutes les capacités spéciales du joueur. Huit capacités appelées dons peuvent être équipées en même temps et chacune consomme un nombre spécifique d’ichor. Si cette jauge s’épuise rapidement en combat, elle se recharge aussi via différents moyens comme l’attaque, la parade ou l’absorption. Une attaque spéciale chargée, une autre déclenchée de manière automatique dans le dos des adversaires ou encore une parade spéciales permettent de siphonner l’essence vitale des ennemis pour remettre à flot, voire même augmenter la capacité maximale de notre jauge d’ichor. On prend alors volontairement des risques pour déclencher ces attaques avec pour récompense l’assurance d’accumuler une ressource à utiliser ensuite pour déchaîner tout le potentiel de notre Revenant.

La prise de sang

Le système de classes de Code Vein est flexible. En lieu et place d’archétypes fixes liés aux statistiques de votre personnage, le titre permet faire progresser indépendamment différents archétypes nommés Codes Sanguins. Ces codes modifient les dons d’un Revenant (ses talents), changent ses statistiques et leur permettent d’équiper certaines armes ou équipements. Si le titre fournit trois options de départ au joueur : le combattant, le chasseur et le mage, orienté vers le corps-à-corps, la magie et les attaques à distances, il s’étoffe par la suite de nouveaux archétypes hybrides associés à des compétences inédites. Certains codes sanguins permettent ainsi de porter des armures lourdes, d’autres boostent nos points de vie, notre régénération d’endurance, etc. Si le joueur peut changer de classe à volonté hors des combats, il va peu à peu débloquer la maîtrise définitive des différentes capacités des codes sanguins pour les associer librement par la suite à d’autres classes. Code Vein offre donc une grande variété d’hybridation de builds, autorisant les mélanges les plus exotiques de techniques pour se fabriquer un style de jeu sur-mesure. Un Revenant équipé du code sanguin Enragé, porté sur l’équipement lourd, la force et l’endurance, peut tout à fait choisir d’équiper des dons destinés aux mages s’il souhaite explorer cette approche des combats.

Outre cette personnalisation avancée des classes, soumise à la navigation dans des menus un peu tristouilles en flat design, Code Vein propose un arsenal d’armes réparties en cinq catégories. Le joueur possède le choix entre des épées à une main, des espadons, des haches, marteaux ou encore des baïonnettes pour un mélange d’attaques en mêlée et à distance. Chaque arme dispose d’un schéma spécifique d’attaque, d’une vitesse d’une consommation d’endurance spécifiques et certaines ne sont maniables qu’avec certains codes sanguins. Il en va de même pour les armures du jeu, limitée à des vestes appelées Voiles de Sang dont les statistiques seront à choisir selon leur affinité avec votre build du moment. Comme dans les Souls, la gestion du poids est prise en compte réduisant votre capacité à esquiver en cas de surcharge de l’équipement. Comme l’exige la tradition du genre une fois de plus, une monnaie d’échange nommée la Nuée à accumuler au combat permet de monter en niveau en se reposant au pied des pousses de sang des niveaux, de débloquer de nouveaux dons, d’améliorer son équipement ou encore d’acheter différents consommables auprès des vendeurs de notre base. Cette ressource est perdue en cas de mort et seul un retour en un seul morceau vers le lieu de votre trépas permet de la récupérer, du classique en somme.

Une progression sans éclat

Ces explications faites, il est grand temps de s’intéresser à l’expérience de jeu manette en main et aux sensations transmises par les combats de ce Code Vein. C’est malheureusement ici que le bât blesse avec un sérieux manque de punch de la plupart des armes sur des ennemis qui donnent plus l’impression d’être traversés que réellement impactés par nos coups. La faute aux animations très rigides d’un bestiaire pourtant assez varié en modèles d’un environnement à l’autre. Difficile pour Bandaï Namco de faire le poids en comparaison de la fluidité globale d’un Bloodborne ou plus récemment d’un Sekiro Shadows Die Twice. Que Code Vein soit plutôt lourdaud dans son maniement n’est pas un problème en soit, mais on sent que cette inertie n’est pas du fait d’un choix volontaire de game design, mais plutôt d’un retard technique évident. Parfois buggés dans leurs déplacements et très prévisibles dans leur comportement, les ennemis se laissent facilement contourner par un joueur qui n’hésitera pas à déclencher ses plus puissants backstab afin de leur infliger de lourds dégâts sans grands risques tout en remplissant à l’œil sa réserve d’ichor.

Ce manque de patate se ressent tout particulièrement sur les boss majeurs du jeu, dont aucun n’a réussi à dégager le moindre souffle épique. Dommage, car le titre parvient à plusieurs moments à proposer un challenge plus que correct, bien adapté à son concept de classes aux capacités interchangeables. Notons qu’une fois encore, comme une malédiction liée au genre de l’action-RPG exigeant, la caméra n’apprécie guère les espaces exigus ou la présence d’ennemis massifs à l’écran. Cela tombe plutôt mal puisque Code Vein nous abreuve constamment des deux choses, au point de faire sauter les angles de vue et d’obstruer notre lecture de l’action à de trop nombreux moments au cours de l’aventure. La production des Japonais n’est pas non plus exempt de bugs et autres soucis de collision, certes jamais bloquant, mais assurément briseurs de notre pleine immersion dans les combats.

Ces écueils de feeling en combat se heurtent dans un second temps à la proposition très étriquée des environnements du jeu. Comme un message clair adressé au joueur, tout débute dans les couloirs froids et grisâtres d’une grotte à la direction artistique peu inspirée et à la construction banale. Cette zone donne malheureusement le ton de la suite d’une aventure confinée dans des espaces trop souvent étriqués et sans saveur. On ne s’attendait certes pas à voir gambader des petits lapins dans des parterres de coquelicots, mais les environnements de Code Vein manquent d’identité et enchaînent les représentations ternes d’un cadre post-apo pourtant propice à bien plus de folie.

Mais plus que dans leurs visuels désuets à la technique clairement en retard pour un titre de cette génération, c’est dans sa construction très basique que pêche l’architecture du jeu. Hormis une tentative bien trop étirée de niveau labyrinthique jouant sur les différences de niveau et la découverte progressive de différents raccourcis, Code Vein ne surprend jamais, faute d'une construction basique et bien trop sage. Outre les niveaux obligatoires de sa campagne et autres souvenirs de Revenants à explorer, le titre copie/colle l’idée des donjons calices de Bloodborne et propose une série de zones annexes à farmer dans le but de faire le plein de nuée et de matériaux d’amélioration d’équipement. Comptez une vingtaine d’heures pour venir à bout du dernier boss de l’aventure.

Daté sur son volet technique, le jeu se repose en grande partie sur son style anime très prononcé pour faire de l’œil à son potentiel public. Une direction artistique qui passe ou qui casse selon votre inclinaison à apprécier des personnages très lisses, aux poitrines débordantes et au style vestimentaire gothique emo, parsemé de détails plus travaillés que le moindre décor du jeu. Si votre serviteur n’a pas vraiment été séduit par le manque général d’audace de la direction artistique très clichée de l’ensemble, il en reconnaît volontiers certains efforts comme ses jolis effets de particules sur les techniques du joueur ou ses petites activités annexes disponibles au sein du quartier général des Revenants. Entre deux niveaux peu inspirés, le joueur a tout loisir d’aller se détendre dans une source chaude, modifier son apparence physique ou s’accouder au comptoir d’un bar dans l’idée d’admirer son personnage sous toutes les coutures.