Alors que Supermassive Games nous avait proposé en 2015 un sympathique slasher interactif du nom de Until Dawn, les développeurs anglais s’étaient un peu cassé les dents avec les décevants Hidden Agenda et The Impatient. Après un passage par le FPS VR, Bravo Team, lui aussi très moyen, les devs reviennent à leur premier amour, le jeu horrifique narratif. Une bonne résolution serait-on tenté de se dire d’autant que pour la première fois dans le jeu vidéo, leur nouvelle production prend la forme d’une anthologie.
Que ce soit en littérature, en comics, au cinéma ou sous forme de série TV, les anthologies sont nombreuses. Les Histoires extraordinaires d’Alan Poe, The Twilight Zone, Les Contes de la Crypte, American Horror Story, Body Bags, les exemples ne manquent pas. Néanmoins, fait étrange, jamais dans le jeu vidéo, ce concept, consistant à raconter plusieurs histoires distinctes et indépendantes sous couvert d’une même thématique, ici l’horreur, n’avait été utilisé jusqu’à alors. On accueillera donc avec beaucoup de bienveillance The Dark Pictures Anthology qui devrait se composer de plusieurs épisodes proposant diverses histoires faisant intervenir des personnages différents. Se basant sur la légende urbaine du Ourang Medan, The Man of Medan navigue en eaux troubles mais surtout en terrain connu pour qui a déjà touché à un titre du studio britannique.
5 personnages, un bateau fantôme, plein de possibilités de morts
Au delà de son statut d’anthologie, concept à propos duquel nous trouvons d’ailleurs en bonus un court mais complet reportage, Man of Medan reste avant toute chose un jeu de Supermassive Games, ceci impliquant une fois encore diverses forces et faiblesses. En premier lieu, on citera sans doute le plus important synonyme de qualité d’écriture. Sur ce point, disons que Man of Medan connaît ses classiques et renvoie à pas mal de films du genre à commencer par Le Vaisseau de l’Angoisse, Un Cri dans l’Océan ou le segment d’X-Files, Le Vaisseau Fantôme. Sauf que rapidement, on se rend compte que le jeu est prisonnier de son format court (4h environ), ne prend pas le temps de suffisamment creuser ses personnages et qu’il abuse un peu trop des jump scares une fois arrivé sur le bateau fantôme. Ce problème de rythme est ainsi présent tout au long de l'aventure. En effet, si le titre est constitué de trois actes, les deux premiers (l’exposition puis l’attaque des pirates) traînent bien trop en longueur. Pire, le deuxième acte s’empêtre dans des séquences maladroites, plusieurs redites, des réactions de personnages peu crédibles et un scénario n’arrivant jamais correctement à lier la première et la dernière partie.
Problématique d’autant qu’on trouve encore les soucis des autres prods Supermassive Games à commencer par une technique vacillante (principalement sur PS4 Pro) nous valant d’innombrables freezes, ceci n’aidant pas à rentrer dans l’histoire d’autant que le syndrome «uncanny valley» est omniprésent avec certains visages (particulièrement celui de Flix) au rendu dérangeant. Toutefois, si vous réussissez à rentrer dans l’histoire, vous aurez le plaisir d’incarner cinq personnages au tempérament marqué comme il est de coutume dans ce type de production. Conrad (incarné par Shawn Ashmore - X-Men Days of Future Past, Quantum Break -), gai trublion et frère de Julia, copine d’Alex, lui-même frère du timide Brad, vont ainsi embarquer sur le bateau de Fliss, capitaine du Duke of Milan. Désireux de pratiquer la plongée dans les mers bleu azure de la Polynésie, tout ce beau monde va rapidement passer d’une petite virée d’étudiants à un cauchemar bien réel suite à l’attaque de pirates. Si la suite, une fois débarqué sur le Ourang Medan, leur semblera bien plus irréel, le danger n’en sera que plus vrai. Amas de cadavres, apparitions impromptues, hallucinations, fantômes, le destin de nos survivants ne tiendra alors qu’à vous.
Quick Fear Event
Bien que le gameplay soit secondaire dans ce type de jeu, les développeurs ont cependant essayé de rajouter quelques petites choses afin de rendre leur titre plus divertissant. Il faut en effet comprendre que la plupart du temps, il conviendra simplement de faire avancer nos étudiants, de récupérer divers collectibles afin d’en savoir un peu plus sur les personnages ou événements et tenter d’arriver au bout de l’aventure en faisant en sorte que tout le monde survive. Comme vous l’imaginez, à l’instar d’Until Dawn notamment, vous aurez très souvent des choix de dialogues à faire, chaque réponse impactant sur vos relations avec vos camarades. Cependant, après avoir bouclé plusieurs fois l’histoire, on a l’impression que ce système de relation n’a pas vraiment d’incidence sur le déroulement du scénario. On sera donc plus soucieux des QTE à ne pas rater pour éviter une mort douloureuse ou de nos réussites à un mini jeu consistant à appuyer en rythme en suivant les indications d’un encéphalogramme afin de réguler sa respiration pour ne pas dévoiler sa présence.
Malgré l'ambiance pesante, plusieurs fous-rires devraient être de la partie surtout si vous avez l’occasion d’y jouer avec quatre amis en local ou en duo en online. Une bonne idée héritée ici aussi d’Until Dawn et apportant à A Man of Medan une bonne rejouabilité d’autant que plusieurs fins sont possibles. Malheureusement, après deux runs, l’envie d’y revenir sera très limitée d’autant que la cinquantaine de collectibles à dénicher se trouve facilement, tout comme les Tableaux. Sur ce point d’ailleurs, on trouvera également étrange que ces dark pictures nous montrent un avenir possible mais qu’ils ne représentent pas nécessairement le choix le plus adapté pour sauver nos personnages. On doutera alors de leur utilité.
En revanche, on saluera la présence du Conservateur, sorte de Rod Serling intemporel consignant nos faits et gestes et pouvant, si on le souhaite, nous donner quelques indices sur les événements futurs à certains moments de l’aventure. Des bonnes idées, A Man of Medan n’en manque donc pas mais tout en cherchant à faire évoluer une formule relativement statique de par son statut de «film interactif», il en a oublié le plus important : sa narration. Peu qualitative et finalement peu surprenante pour qui connaît les références, elle n’est que le reflet d’un jeu qui s’est égaré dans des mécaniques redondantes, des effets de style perdant peu à peu de leur force ou un niveau technique inégal. Reste un titre sympathique à parcourir avec des ami(e)s et quelques sursauts à l’arrivée. Ce n’est déjà pas si mal.
Points forts
- Le concept d’anthologie est une bonne idée
- Le jeu jusqu’à cinq est convivial
- Plusieurs fins
- Parfois très joli
- Quelques angles de caméra étudiés
- Certains jump scares efficaces
Points faibles
- Une qualité d’écriture très moyenne
- Certaines réactions de personnages (lors des dialogues) sont étranges
- Très très nombreux freezes/saccades à déplorer sur PS4 Pro principalement
- Loadings agaçants surtout lors du troisième acte
- La maniabilité est lourde
- Un syndrome uncanny valley très présent
- D'énormes problèmes de rythme
Sans être totalement déplaisant, ce premier épisode de The Dark Pictures Anthology n’en reste pas moins très décevant. Alors que le jeu à cinq se montre sympathique et qu’on s’amusera à essayer de voir l’ensemble des fins possibles, Man of Medan est vite rattrapé par une qualité d’écriture très moyenne et un niveau technique abominable synonyme de saccades et autres freezes constants. On déplorera également un surplus de jump scares et un rythme déséquilibré synonyme de nombreuses longueurs. Bref, un coup d’essai avec du potentiel mais qui ne convainc pas à l'arrivée en espérant que les problèmes soulevés soient résolus pour les prochains opus.