Un gameplay bourrin, des hordes d'ennemis à décimer, du butin à foison et un univers fantasy gothique riche : il n'en faut pas plus pour attirer l'attention des amateurs de hack'n slash en quête d'un défouloir entre potes. Développé par les Français d'Eko Software sous le couvert de BigBen, Warhammer : Chaosbane suscite autant d'attentes que de craintes, tant la licence a pu être malmenée ces dernières années. Après une vingtaine d'heures passées à nettoyer le Vieux Monde des forces du Chaos, le constat est mitigé. Sans être un simple énième clone de Diablo III, Chaosbane manque pour l'instant d'arguments pour convaincre tous les publics.
Warhammer: Chaosbane : Un Vieux Monde au sombre passé
Chaos sur le Vieux Monde
Qu'il est bon de se retrouver entre amis sur un canapé (ou en ligne) autour d'un RPG d'action pur jus. Dans cette optique, Warhammer : Chaosbane devrait sans peine vous faire passer un bon moment. Passé une cinématique introduisant le personnage choisi (un Nain tueur, une Elfe des bois archère, un mage Haut-Elfe ou un soldat de l'Empire) et le contexte scénaristique, le titre d'Eko Software nous plonge directement dans l'action. Les créatures du Chaos rôdent dans tout le Vieux Monde, l'empereur Magnus est frappé par une malédiction, et une sorcière menace de prendre le contrôle de l'Empire, profitant de sa faiblesse.
Vite expédié tant les dialogues sont concis et les interactions inexistantes (aucune cinématique, si ce n'est au début et à la fin), le scénario est avant tout un prétexte pour aller massacrer des sbires de Nurgle, de Khorne et d'autres divinités obscures. Les hack'n slash ne sont pas réputés pour leurs prouesses narratives, et Chaosbane ne fait pas exception avec son histoire cousue de fil blanc. L'univers Warhammer Fantasy reste fidèlement adapté. Même si la bande-son se montre souvent trop discrète, les fans apprécieront l'ambiance chaotique et sanglante qui se dégage d'environnements esthétiquement convaincants. Le moteur graphique, bien que vieillissant, s'en sort honorablement, malgré quelques soucis de collisions et un pathfinding parfois hasardeux.
Ménage à quatre
Là où Chaosbane a les arguments pour séduire, c'est avant tout dans ses sensations de jeu. Si les débuts sont plutôt mollassons, le gameplay gagne vite en dynamisme et en fluidité. Que ce soit au clavier / souris ou au pad, la prise en main est intuitive et l'action reste lisible malgré le flot d'effets visuels à l'écran et la masse d'ennemis qui se rue en permanence sur notre avatar. Les habitués du genre comme les néophytes ne seront pas déboussolés. Le système de compétences est hérité de Diablo III : celles-ci se débloquent automatiquement au fil des niveaux, et il faut judicieusement associer six actifs et trois passifs (sur un total de 14 actifs et une vingtaine de passifs par personnage). Chaque compétence placée dans la barre d'action puise dans une réserve de points limitée, ce qui oblige à faire des choix sur l'orientation de son personnage.
Les attaques de base génèrent rapidement de l'énergie / du mana, à utiliser pour des compétences avancées. Ajoutez à cela une compétence d'archétype (roulade pour l'archère, hache-grappin pour le nain, coup de bouclier pour le soldat et la possibilité de contrôler la direction de ses sorts pour le mage) ainsi que des compétences "divines" à débloquer via un "arbre des dieux" (nous y reviendrons), et on tient un système suffisamment complet pour tenir en haleine le temps de la montée en niveau.
L'ensemble prend toute sa dimension à plusieurs lorsque l'on cherche la meilleure synergie possible avec ses compagnons. Les combats peuvent vite se corser sachant que cinq niveaux de difficulté, à ajuster quand on le souhaite, sont proposés d'emblée pour se faire une expérience sur mesure. On fait toutefois vite le tour des différents builds possibles. Chaque compétence est déclinée en trois variantes, mais les différences sont minimes en termes d'impact (ajout de dégâts de saignement / feu / poison, contrôle de foule...), si bien que les manières d'approcher chaque personnage sont limitées. On est loin d'un système de personnalisation touffu à la Grim Dawn, Titan Quest ou Diablo II. L'arbre des dieux apporte un minimum de profondeur en permettant de booster ses statistiques (vie, dégâts...) moyennant des points de faveur et quelques fragments, une ressource qui tombe généreusement des cadavres de monstres.
Un plaisir de courte durée
Le plaisir de jeu retombe malheureusement assez vite. Après quelques heures, le manque de profondeur du level design et des situations de jeu est criant. Divisée en quatre actes, l'aventure adopte un schéma strictement linéaire : après quelques dialogues, on quitte la minuscule ville servant de hub pour se téléporter directement dans le donjon lié à la mission active, on tue tout ce qui s'y trouve, on rentre au bercail et on répète l'opération une dizaine de fois avant de passer à la région suivante. Sans exploration libre d'un monde dont on ne découvre qu'une infime partie ni même de quêtes annexes, la phase de leveling réserve peu de surprises.
Le principal point noir, c'est cette impression de refaire inlassablement le même donjon composé de longs couloirs fermés et étroits tout au long d'un acte. Aussi bien côté environnements que bestiaire, le nombre d'options est bien trop limité, avec seulement deux ou trois types de décors par chapitre et des unités "élite" trop peu nombreuses pour varier les affrontements. Ce n'est pourtant pas le potentiel de l'univers Warhammer qui manque. Seuls les boss nous sortent de la routine en proposant des combats intéressants, mais il n'y en a qu'un seul par acte. Surtout, il suffit de huit à dix heures pour boucler l'histoire principale, et d'à peine une ou deux heures en plus pour passer niveau maximum (50). C'est peu, d'autant que le endgame et le loot ne sont pas encore suffisamment rôdés pour prolonger comme il se doit l'expérience.
Béni soit le loot
Nerf de la guerre de tout hack'n slash, le système de butin se présente sous une forme simplifiée dans Chaosbane. Ni craft, ni marchands ou une quelconque forme d'économie ne sont de la partie : on se contente de ramasser les pièces d'équipements qui tombent à la pelle et d'équiper les plus puissantes à disposition, clairement indiquées dans l'inventaire et toujours adaptées au niveau actuel de notre avatar. Les pièces qui ne servent plus à rien peuvent être données à un PnJ afin de faire monter sa réputation et débloquer quelques récompenses. Visuellement, les tenues se ressemblent toutes (justifié par le besoin de garder une cohérence dans le lore des personnages) et les statistiques sont si peu variées qu'il n'y a pas de réel choix à faire. Du moins, pas avant d'approcher de la fin du jeu et d'obtenir les premières pièces "héroïques", de couleur rouge. Mais même à ce stade avancé, seulement trois sets différents sont proposés. Ceux qui veulent optimiser à fond leur personnage peuvent bénir chaque pièce afin de booster ses stats, en utilisant les fragments mentionnés précédemment.
Ce n'est toutefois pas nécessaire, au même titre que compléter l'arbre des dieux, pour relever tous les défis que Chaosbane propose. Une fois l'aventure terminée, on peut se tourner vers cinq paliers de difficulté supplémentaires (Chaos 1 à 5) et trois modes de jeu : Expédition, Chasse à la relique et Boss Rush. Le premier n'a que peu d'intérêt : on choisit l'une des quatre régions, un donjon est généré procéduralement, et on massacre encore et toujours les mêmes ennemis dans des environnements vus et revus. Le second est bien plus attrayant puisqu'il ajoute jusqu'à trois malus, mais augmente fortement les chances de récupérer des objets héroïques. Le troisième est l'illustration d'un loot rate bien trop généreux : il suffit d'enchaîner les combats de boss pendant une ou deux heures pour compléter un set héroïque. À partir de là, le mode Chaos 5 devient presque une partie de rigolade. Reste alors la possibilité de commencer un second personnage pour découvrir un nouveau gameplay, mais on regrette finalement de ne pas avoir de défi supplémentaire pour mettre à l'épreuve son avatar niveau 50.
Défaite par chaos ?
Il ne faut pas pour autant condamner Chaosbane. Les bases sont posées, le jeu reste agréable en coop, et les perspectives de suivi affichées par Eko Software laissent penser que certaines de ses lacunes devraient disparaître au fil des semaines. Côté contenu surtout, avec des ajouts gratuits (mode mort permanente, hausse du niveau maximum, classements en ligne, nouveaux niveaux de difficulté et sets d'objets)... et d'autres malheureusement regroupés dans un Season Pass à 19,99€ (un arbre des dieux alternatif pour chaque personnage, un tout nouvel acte mettant en scène les Rois des Tombes).
Des "petits" ajustements sont également espérés, notamment sur les descriptifs des compétences parfois incomplets ou mal traduits et du côté du jeu en multijoueur. Si le local fonctionne à merveille (drop-in / drop-out en écran partagé jusqu'à quatre), le jeu en ligne est sujet à quelques soucis techniques. Il est par exemple impossible de rechercher une partie en spécifiant le type de contenu que l'on souhaite parcourir, si bien que le matchmaking vous trouvera des coéquipiers de niveaux complètement aléatoires. On sent également que le jeu a d'abord été pensé pour les consoles. Sur PC, l'interface perd en praticité, la caméra n'est pas ajustable et les options graphiques sont simplement inexistantes. Des détails qui donnent l'impression d'un jeu sorti trop tôt, et qui rappellent que nous sommes en présence d'une production à petit budget à l'ambition mesurée.
Points forts
- Gameplay efficace, nerveux et bourrin à souhait
- Quatre personnages plaisants à jouer et complémentaires
- Idéal pour du local à quatre joueurs en écran partagé
- Interface et jouabilité taillées pour les consoles / manettes
Points faibles
- Cruel manque de variété côté bestiaire et décors
- Contenu endgame trop vite expédié
- Loot peu attractif
- Histoire anecdotique et bouclée en huit à dix heures
En proposant une formule simple et globalement maîtrisée du genre, Warhammer : Chaosbane s'affiche comme un hack'n slash accessible, mais qui manque cruellement de variété. Pour une expérience de jeu sans prise de tête, dans l'optique d'aller massacrer des hordes d'ennemis entre potes le temps de quelques soirées, il remplit plutôt bien son rôle. Les acharnés du loot, ceux qui ont des dizaines d'heures à investir pour optimiser leur avatar, resteront clairement sur leur faim tant le contenu endgame est limité. En l'état, impossible de décrire Chaosbane comme un indispensable. Reste une expérience suffisamment agréable pour les plus indulgents en mal de jeux coopératifs et les moins regardants d'un point de vue tarif (49,99€ sur PC, 59,99€ sur consoles). Espérons qu'Eko Software réussisse à capitaliser sur des fondations solides qui ne demandent qu'à se renforcer.