Lors d'une présentation de son jeu à Paris, nous avons rencontré le créateur de No More Heroes, Suda 51, déjà bien connu pour avoir développé le très original Killer 7. Il nous parle de ses influences, de ses méthodes de travail et de ses autres projets.
Il y a actuellement un nombre croissant de casual gamers au Japon et nous vendons beaucoup de titres familiaux dans l'archipel. Le marché pour ce genre de titre est très florissant. En sortant du développement de No More Heroes, je pensais trouver sur le marché beaucoup de jeux semblables au nôtre. Mais, force est de constater qu'il n'y a pas d'autres jeux d'action comme celui-ci. Je pense en toute modestie que notre jeu est unique. A mon avis, ce type de jeu remportera un grand succès auprès des joueurs occasionnels et saura profiter de l'essor de ce marché.
No More Heroes est vraiment à mon image. Un cocktail composé pour 51 % de style et pour 49 % d'humour. Le personnage de Travis a un sens de l'humour assez développé. Il est tantôt vulgaire, tantôt complètement idiot et souvent complètement à côté de la plaque. Quant au côté stylé dont je vous parlais, il illustre le fait que je suis un gentleman qui aime être habillé avec classe et qui apprécie les beaux objets. Je m'intéresse beaucoup aux objets qui ont un design original. J'aime les vêtements de marque française et les meubles italiens par exemple. J'en ai d'ailleurs quelques-uns chez moi au Japon.
Le personnage féminin du jeu s'appelle Sylvia Kristel mais ce n'était pas un clin d'oeil volontaire au classique du cinéma érotique Emmanuelle. Il s'agit d'une pure coïncidence, je m'en suis aperçu après coup en travaillant sur mon scénario.
Pour No More Heroes, comme pour tous les jeux sur lesquels je travaille, j'utilise une méthode différente des autres développeurs. Dans notre studio de Grasshopper, nous avons plusieurs sections bien définies. Chaque section est ensuite divisée en départements. Dans la section jeu il y a le département planning, celui de la programmation, le graphisme et enfin le son. A titre d'exemple, sachez que Takada-San est en charge du son. Je l'informe simplement soit des mots-clés soit du concept du jeu et je réagis ensuite en tenant compte de ses idées, sa sensibilité etc... Il en va de même pour le graphisme. En revanche, pour la programmation, c'est une autre paire de manches, puisque dans ce domaine nous partons souvent de zéro. Comme nous créons de nouveaux concepts de gameplay, il faut faire de nombreux essais avant d'arriver à un résultat satisfaisant.
Comme vous avez pu le constater, il y a beaucoup d'éléments dans No More Heroes qui s'inspirent directement de l'univers du rétrogaming. Lors de ma première rencontre avec le jeu vidéo, des titres comme Space invaders, Pong et Breakout m'ont vraiment ému. C'était un véritable choc pour moi. Encore aujourd'hui, cette sensation est toujours intacte. C'est toujours l'image que j'ai du jeu vidéo. Je voudrais arriver à provoquer le même genre de sentiment chez les joueurs d'aujourd'hui, avec mes productions. J'essaie de rassembler tous ces petits ingrédients qui donnent un goût unique aux bons jeux vidéo.
Le jeu vidéo qui m'a le plus marqué et influencé est Another World d'Eric Chahi. La découverte de ce jeu m'a fait un véritable électrochoc à l'époque. Tout dans ce jeu m'a fasciné. Le style graphique autant que le gameplay. Quant au game design, c'est à la fois simple et terriblement profond. Cerise sur le gâteau, le scénario est très intéressant et l'emploi de la technique du flash-back permet d'éviter de longues phases de dialogues fastidieuses. Pour moi ce jeu s'inscrit à mi-chemin entre l'art et le cinéma. Je n'avais pas joué depuis quelque temps quand je suis tombé sur ce titre à l'époque, et ce fut une révélation. Another World est ma Bible ! J'ai beau ne pas connaître Eric Chahi, il est un vrai maître pour moi. Je suis honoré d'être à Paris pour découvrir le pays d'où il vient.
Je n'ai pas de planning défini pour le moment, mais je désire donner une suite. Il se trouve que Wada-san, le producteur du jeu est du même avis que moi. Nous discutons actuellement de la faisabilité de ce projet qui me tient vraiment à coeur. Pour Killer 7 c'est différent. La franchise appartient à Capcom. Je ne suis donc pas en mesure de vous dire si Capcom désire exploiter ou non cette licence.