La soif de conquêtes de la franchise Total War est sans limite. Pas une année ne passe sans que les armées de Sega ne s'intéressent à un nouveau contexte fictionnelle ou réelle. Après avoir marché sur l'univers de Warhammer Fantasy Battle à deux reprises et envahi les îles britanniques du IXe siècle, Creative Assembly jette son dévolu sur la Chine des Trois Royaumes, période charnière de l'histoire de l'Empire du Milieu, dans Total War : Three Kingdoms.
Total War Three Kingdoms : Nos impressions en 3 minutes
Lors d’un événement organisé par Sega et Koch Media à Londres, Total War : Three Kingdoms s’est laissé approcher le temps d’une présentation de 30 minute et une longue session de gameplay de 2 heures.
La naissance d’un empire
Pour ce nouvel épisode, la franchise du studio Creative Assembly s’expatrie dans la Chine pré-impériale et débute à la fin du IIe siècle de notre ère (après Jésus Christ). Comme son nom l’indique, Total War : Three Kingdoms s’inspire ouvertement de l’œuvre de Luo Guanzhong "Romance of the Three Kingdoms" ainsi que des Chroniques des Trois Royaumes écrites par Chen Sou’s au IIIe siècle. L’Histoire a rendez-vous avec la fiction dans ce jeu de stratégie où la précision historique côtoie de très près l’uchronie. Les historiens de tout bord pourront réécrire selon leur bon vouloir les événements fondateurs de l’Empire du Milieu afin d’unifier le pays sous une bannière commune. La mise en scène, point noir des précédents épisodes, pèche une fois encore par manque d’ambition. Seules quelques cinématiques éparses et plusieurs encarts 2D servent la narration, là où la grandeur des faits contés aurait mérité une réalisation plus intrépide et osée.
Les fans qui se sentaient à l’étroit sur A Total War Saga : Thrones of Britannia se verront pousser des ailes face à l’immensité d’une carte couvrant l’intégralité de la Chine. Des dizaines de provinces composent un terrain de jeu propice au voyage. Cycle jour/nuit, changements climatiques par saison et biomes variés viennent briser la monotonie et dépaysent les stratèges. Le moteur de jeu, souvent considéré comme vétuste, profite de plusieurs améliorations notables sans pour autant révolutionner le visuel. Si le rendu de la carte est à souligner, les graphismes lors des batailles en temps réel peinent à rendre justice à l’ampleur de l’action qui se déroule à l’écran.
La saga a toujours misé sur le nombre pour se démarquer et elle le prouve une fois encore. Three Kingdoms affiche des milliers d’unités à l’écran et parvient par instant à accentuer cette violence en misant sur le réalisme des matériaux et les effets visuels. La véritable prouesse de ce Total War réside dans la clarté et l’accessibilité d’une interface autrefois austère et complexe. Cette dernière se libère (enfin) de ses chaînes et ose innover. Les inconditionnels de la série et les néophytes naviguent désormais facilement dans cette succession de menus à la direction artistique inspirée des arts graphiques chinois pour un rendu du plus bel effet. Trouver la fonctionnalité recherchée n’est plus un chemin de croix… bien au contraire.
Le pouvoir des mots
L’aventure débute avec un choix cornélien, celui du seigneur de guerre à incarner parmi les 11 proposés pour un nombre équivalent de campagne à parcourir. Et cette décision n’est pas anodine. Total War : Three Kingdoms place ses personnages au cœur de ses mécaniques de gameplay. Les figures iconiques des Trois Royaumes affectent la progression à tous les niveaux. Par ses prédispositions, ses territoires, ses alliances, ses skills… un Warlord oriente le style de jeu. Et les relations entre les différents prota/antagonistes impactent ouvertement l’expérience dans son ensemble. Le Guanxi, concept chinois qui représente les liens sociaux et leur influence sur les structures de pouvoir, souffle un vent de fraîcheur sur le versant diplomatique de la franchise.
Des sentiments d’amitié, de rivalité et de loyauté se tissent entre tous les personnages, qu’ils soient alliés ou ennemis. Et ces liens ont des répercussions directes sur votre gouvernance ainsi que sur le champ de bataille. Des personnages en confiance ou des membres de la même famille combinent leurs forces tandis que les rivaux retournent leur veste et changent de faction traçant ainsi leur propre destinée. Et la diplomatie se renouvelle par touches sans chambouler la formule en réintégrant les espions, en renforçant les échanges commerciaux et en se focalisant sur un système de coalitions. Implacable sera la fortune du solitaire sur le chemin de la gloire. Vaincre ne peut se faire sans alliés et vassaux fidèles que ce soit par le sang, l’or ou la peur.
Total War : Three Kingdoms repense également ses provinces. Ces "Commanderies" sont plus que jamais essentielles à la production de ressources et à l’approvisionnement de vos armées qui une fois en territoires ennemis puisent dans leurs fournitures militaires pour subsister. Mais cela ne dure qu’un temps. Un siège trop long ou une campagne qui n’en finit pas réduit à néant vos réserves et affaiblit vos troupes. Les alliés ont alors leur rôle à jouer pour subvenir aux besoins de ces armées conquérantes. Un traité de paix ou un simple échange commercial peut transformer une défaite en victoire décisive. Et les réformes ont leur rôle à jouer. Ces aptitudes passives confèrent aux provinces et à leurs administrateurs des avantages dans des secteurs aussi variés que l’agriculture, les relations diplomatiques... afin d’exploiter aux mieux les territoires.
L’échec de la diplomatie
Total War : Three Kingdoms porte bien son nom. Au-delà de la "romance" d’où il puise l’inspiration, ce Wargame entend bien déterrer la hache de guerre avec panache au cours de batailles à grande échelle dont Creative Assembly a le secret. Ces affrontements impliquant des milliers d’unités n’ont rien perdu de leur saveur et de leur technicité. Et pour ce nouvel épisode, le studio britannique marie habilement mécaniques historiques et idées novatrices sans jamais brusquer les habitués. Recrutement, rythme, mise en place et stratégie, la série récite ses gammes, à plusieurs exceptions notables près.
L’efficacité des armées dépend en partie des leaders placés à leur tête. Gain d’expérience, équipements et compétences, l’aspect RPG de ces personnages pimente les débats. En effet, la synergie entre les unités déployées et les spécificités des capitaines/généraux peuvent faire la différence sur le champ de bataille. Et le recrutement s’effectue toujours en ville dans les provinces conquises, à la différence près que ces contingents de soldats ne sont pas 100% opérationnels lors de leur enrôlement, mais montent en puissance à mesure qu’ils survivent. Cette feature qui a fait ses preuves sur le spin off Thrones of Britannia s’installe donc durablement dans la franchise.
Le duel, voici la véritable nouveauté et surtout la plus visible. Avant toute chose, sachez que Total War : Three Kingdoms propose deux modes de jeu : Classique et Romance. Dans ce dernier, les figures iconiques des Trois Royaumes mutent en Maître de Guerre capable de terrasser des cohortes entières. Et pour ajouter à l’épique, ces "Héros" se lancent dans des duels en 1v1 au beau milieu de la mêlée dans le but d’écourter la bataille en éliminant tous les leaders adverses. Mais attention, la retraite, la défaite et l’interruption de ces joutes entraînent un malus de moral sur les troupes et une fin de bataille prématurée pour le leader mort ou déshonoré.
Total War : Three Kingdoms joue les équilibristes et parvient à jongler entre tradition et innovation avec un certain talent. Le jeu de stratégie de Creative Assembly profite de la Chine fantasmée des Trois Royaumes pour rafraîchir une expérience toujours aussi solide faite de diplomatie et de batailles épiques. Les duels, le contexte historique, le système relationnel complexe et l’interface en font un épisode plein de promesses… malgré un moteur de jeu vieillissant et un manque d’ambition dans la narration.