Vieille de 27 ans, la série Fire Emblem n’a connu que très tardivement son essor en Occident. Alors qu'Awakening et Fates sont d’indéniables succès récents, Nintendo et Intelligent Systems ne se privent pas de nous servir des remakes afin de nous faire découvrir des épisodes plus anciens. C’est justement le cas de Fire Emblem Echoes : Shadows of Valentia, qui revisite l’opus le plus singulier de la série.
L’autre Fire Emblem
Vous ne connaissez peut-être pas Fire Emblem Gaiden. Sorti en 1992 seulement sur Famicom, le deuxième épisode de la série Fire Emblem avait décidé de nous faire une Zelda en détruisant les codes du premier opus. Le titre lorgnait du côté du RPG classique en permettant aux joueurs d’explorer des zones comme des villages et des donjons, bien loin de ce qu’est Fire Emblem Gaiden aujourd’hui. Une variante qui n’avait malheureusement pas plu à tout le monde puisque la série fit un joli demi-tour pour se concentrer sur uniquement sur l’aspect Tactical-RPG. La bonne nouvelle avec Shadows of Valentia, c’est qu’Intelligent Systems n’a pas tenté d’effacer le passé. Plutôt que de refaire le titre avec la structure actuelle des Fire Emblem, ce remake retente le coup et nous offre ainsi une expérience singulière pour ceux qui ont découvert la série récemment. Mais avant d’aborder les détails et les différences, commençons donc par l’histoire.
L’histoire
Alm et Celica sont deux enfants qui ont grandi ensemble et que rien ne peut séparer. Sous la coupelle de Mycen, grand-père de Alm et ancien général du Royaume de Zofia, ils ont une vie humble dans le petit village de Ram. Malheureusement, les sbires du Général Desaix débarquent soudainement pour casser cette jolie idylle, révélant ainsi que Celica est en fait une princesse du royaume que Mycen avait pris sous sa garde toute petite pour la protéger des ambitions folles de Desaix. Devant ce nouveau danger, Mycen décide d’envoyer Celica dans un endroit secret et Alm continue de grandir sans son âme-sœur. Des années plus tard, alors que Alm, adolescent, a été formé au combat par Mycen, il s’engage contre la volonté de ce dernier dans la Délivrance (lire la résistance) pour tenter de sauver le royaume, à l’agonie. C’est accompagné de ses camarades villageois, Gray, Kliff, Tobin et Faye (perso inédit) qu’il rejoint le valeureux soldat Lukas vers une longue quête initiatique.
Une vision différente...
Dès les premiers instants, Shadows of Valentia nous rappelle pourquoi il est si différent des opus récemment sortis. Il vous est possible de visiter le village zone par zone, à la manière d’un jeu d’aventure point’n’click. Sur chaque écran, vous pouvez observer les alentours avec une loupe pour trouver des objets. Bien évidemment, vous pouvez aussi parler avec les habitants, ce qui peut se révéler important puisque c’est ainsi que vous rejoignent certains combattants. Dans la pratique, c’est plutôt simple, mais cela ajoute sans doute un peu de profondeur à la formule.
En ce qui concerne la structure du jeu, il ne faut pas voir les chapitres comme des combats uniques, mais comme des campagnes. Sur une carte, on peut se déplacer et aller à la rencontre d’ennemis pour des escarmouches qui prennent la forme classique des Fire Emblem (tactical-RPG au tour par tour). A chacune de vos actions, les jours défilent, ce qui peut avoir une importance dans certains cas que vous découvrirez vous-même. Si le premier chapitre est plutôt direct, par la suite cela se complique avec des ennemis qui se déplacent sur la carte, vous obligeant à définir des priorités. L’avantage du système, c’est qu’il donne une véritable impression d’avancée tout en faisant progresser le scénario de façon plus scindée que dans les derniers opus. Bonne chose.
Mais outre les escarmouches sur lesquelles je reviendrai par la suite, Fire Emblem propose aussi des donjons en vue à la troisième personne. Alors qu’on y contrôle le personnage principal, on fouille des zones plus ou moins labyrinthiques à la recherche de coffres, avec la possibilité d’affronter ou d’esquiver les ennemis qui y rôdent. Si on en touche un, on passe alors en mode combat tactique habituel, avec un avantage si on a surpris notre adversaire avec notre épée. Bien que ses zones sont une aubaine pour engranger de l’expérience, il faut toutefois faire attention : les personnages ont tendance à se fatiguer et seules des offrandes de nourritures aux statues de la déesse Mila peut les remettre d’aplomb, sans quoi leurs statistiques commencent à baisser. Notons d’ailleurs que ce sont via ces mêmes statues que vous pouvez changer la classe de vos personnages, avec les choix habituels de la série comme Archer (hommes uniquement), Chevalier Pégase (femmes uniquement), Mage, Mercenaire, etc.
… mais ça reste du Fire Emblem
Que les fans se rassurent, malgré ses particularités, Shadows of Valentia n’en reste pas moins un Fire Emblem. Lors des combats, on retrouve le gameplay qui a fait le force de la série avec du tour par tour ou chaque erreur peut être fatale et définitive pour vos personnages, du moins en mode Classique. Le placement des troupes a une importance primordiale, surtout que certaines cases de la map offrent des bonus d’esquive particulièrement conséquents. Une dimension tactique très prononcée qui fait tout le bonheur des affrontements. On tend des pièges, on fait des diversions, on calcule les risques et on parvient à nos fins avec brio. Foncer dans le tas n’est jamais une bonne idée et c’est en utilisant parfaitement les unités défensives comme boucliers humains qu’on s’en sort. Attention toutefois si vous ne connaissez pas le jeu original, il existe de nombreuses différences avec les opus récents. La plus évidente, c’est l’absence totale du système d’avantage des armes façon pierre-papier-ciseaux, ce dernier étant initialement apparue dans le quatrième opus Genealogy of the Holy War. Il semble donc beaucoup plus simple de gérer les combats même s’il faut toujours faire attention aux défenses physiques ou magiques, à la vitesse des personnages pour les doubles coups ou encore aux archers, surpuissants dans cet opus avec une portée allant jusqu’à cinq cases et la possibilité de toucher les ennemis au corps à corps. Shadows of Valentia arrive aussi avec son système d’apprentissage de compétences via équipement, plutôt intéressant, d’autant qu’il permet de personnaliser un peu ses personnages tout en affinant un peu l’aspect tactique.
Si on devait voir Shadows of Valentia d’un point de vue purement technique, il serait difficile d’être dithyrambique. Comme souvent dans la série, cet aspect est totalement laissé de côté et les textures lors des animations de combat (que la plupart des joueurs retirent de toutes façons) sont particulièrement fades et laides. Toutefois, là où c’est très anecdotique dans la plupart des épisodes, c’est légèrement plus visible dans Shadows of Valentia qui propose des phases d’explorations dans des donjons ultra génériques. Pas de quoi en jeter sa Nintendo 3DS par la fenêtre, mais on aurait pu espérer un peu plus de travail sur ce point même si on apprécie les scènes cinématiques du studio Khara et le travail de l’artiste Hidari au chara design. D’un autre côté, le voice-acting semble déjà bien plus abouti avec des dialogues doublés de qualité malgré les quelques caricatures inhérentes au genre.
Fire Emblem Echoes : Shadows of Valentia est le remake de l’épisode le plus singulier de la série. Avec ses phases d’exploration et ses villages à visiter, il veut offrir une expérience différente, idéal pour ceux qui aiment Fire Emblem mais veulent autre chose qu’une enfilée d’escarmouches avec de la narration au milieu. Bien qu’on aurait aimé une technique un peu plus poussée, notamment dans les donjons, le concept semble fonctionner et les cartes pour chaque chapitre apportent une structure particulière, fort bienvenue. Si le gameplay en combat peut paraître moins poussé que dans les derniers opus à cause de l’absence du système d’armes, il demande pourtant une bonne dose de réflexion pour éviter les accidents malheureux. Sans doute plus accessible aux néophytes que les autres épisodes de la série de part ses aspects plus proches des JRPG classiques, il a aussi de quoi attirer les fans qui n’ont pas peur du changement.