Trois années après Call of Duty : Advanced Warfare, le studio Sledgehammer redonne une impulsion de fraîcheur à la franchise CoD en nous offrant un retour aux sources mérité et très demandé. Call of Duty : WWII est donc cette nouvelle incarnation pour la série, une sorte de moonwalk en avant qui tentera de magnifier la période qui a fait naitre la saga : la seconde guerre mondiale. Exit la verticalité, exit les intrigues futuristes et place, à nouveau, aux conflits historiques pour, on l’espère, un nouveau cycle, vertueux...
C'est donc lors d'un voyage express à Londres que la presse vidéoludique a pu assister à la présentation du « nouveau Call of Duty ». Dès notre entrée dans la pièce où se tiendra l’événement, on remarque assez vite les différents visuels fuités il y a de cela quelques semaines, lesquels viennent donc confirmer le cadre et le titre du jeu : Call of Duty WWII. Le D-Day sera donc de la partie, et c'est tout l'éventail de scènes-clés des premiers CoD et des anciens Medal of Honor qui nous viennent à l'esprit.
Comment Sledgehammer a-t-il réussi à les remettre au goût du jour pour justifier ce retour aux sources ? C'est ce que nous allions découvrir quelques minutes plus tard à travers un trailer, une présentation classique par slides, nous exposant les « bullet points » du titre, mais aussi grâce à 2 séquences de gameplay que vous ne verrez pas tout de suite sur les internets : une en forêt et une sur les plages du débarquement allié. Une table ronde a également eu lieu pour nous permettre de poser nos questions aux deux cofondateurs du studio, Michael Condrey et Glen Schofield. En quittant Londres quelques heures plus tard, nous étions rassurés quant à la direction qu'allait prendre la franchise, et voilà pourquoi…
Sur les sentiers de l’honneur
Call of Duty WWII délaisse ici l'un des principaux traits caractéristiques de la franchise, à savoir le « One Man Army », un concept qui fit notamment le succès de la saga en plaçant le joueur au centre d'une intrigue, lui donnant toute sorte de capacités, d'opportunités, et d'équipements pour qu'il puisse venir à bout, seul ou presque, de ses adversaires. Une composante essentielle du jeu vidéo d’action, assez classique, mais qui dans la série a toujours été exacerbé au possible. Le tableau que nous dépeignent les deux membres emblématiques de Sledgehammer pour leur titre durant la présentation est aux antipodes de cette vision. Le soldat de la seconde guerre que l'on incarne dans CoD WWII est pour eux « un type lambda », pas ou peu entrainé pour ce qu'il va vivre, qui s'intègre peu à peu à une escouade, laquelle deviendra très vite sa famille de substitution.
Les différentes histoires de guerre et archives que les développeurs ont pu analyser durant la pré-production du titre les ont incité à aller vers cette idée de "complémentarité nécessaire" entre les différents membres de l'équipe. Ce n'est d’ailleurs pas un mal car l'empathie qu'éprouve le joueur envers son personnage et ses alliés vient ici de leurs forces, mais aussi de leurs faiblesses, un point qu'avaient tendance à gommer les différents épisodes de la franchise.
Notre héros ne se considère donc pas comme tel et, c'est selon les développeurs, la clé du réalisme et de l’immersion tant recherchée pour cet épisode, traité par ses créateurs comme un hommage qui se doit d’être « humble, authentique, et brutal », afin de retranscrire l'intensité des combats et la barbarie humaine qui sévit durant ce conflit, le plus meurtrier de tous les temps. On y incarne donc Red Daniels, un jeune soldat américain dont l'aventure commence au débarquement sur les plages françaises. "Red", c'est aussi et surtout le surnom du père de Glen Schofield, donné par le grand-père de ce dernier, vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Il fut donné au personnage principal de l’aventure car le père de Glen décéda pendant le développement du titre. Cet hommage, donné par l’équipe de Sledgehammer traduit bien l'état d'esprit du studio, impliqué à rendre cet épisode aussi fidèle et respectueux que possible, quitte à chambouler un peu trop les (récents) codes de la saga.
Dès le visionnage du trailer, on se doute que ce CoD prendra aux tripes le joueur par sa mise en scène froide et glaçante de violence. Entre les coups de couteau sans concession et les crânes défoncés à coup de casque, on peut s'attendre ici à un Call of Duty plus cru que jamais, bien décidé à retranscrire l'horreur de la guerre et le dévouement sans faille des hommes et femmes sur le champ de bataille. Côté référence, on citera sans hésitation le film « Il faut Sauver le Soldat Ryan », qui reviendra de nombreuses fois dans la présentation du titre, ou encore « Band of Brothers », qui occupa une bonne partie du débriefing que nous avons eu avec nos confrères francophones, une fois la présentation terminée.
Chamboulons les codes de CoD
Red n'est d'ailleurs pas le seul personnage jouable de cette campagne car, à la manière de l'excellent travail effectué sur les War Stories de Battlefield 1 côté DICE, le joueur aura la possibilité d'explorer les intrigues de plusieurs membres des forces alliées. Du soldat de la Royal Air Force britannique jusqu'à la résistante Française opérant durant la libération de Paris : la roadmap de la campagne solo nous offrira différents rythmes, différentes ambiances, et différents points de vue, sans toutefois aller jusqu'à nous proposer un soldat de l'Axe comme élément narratif jouable. Mais nous reviendrons sur ce point un peu plus tard, à travers notre interview des développeurs.
Les fondamentaux de ce CoD WWII nous sont donc exposés à travers cette première vidéo, mettant notamment en lumière une énorme amélioration du moteur graphique d'Advanced Warfare qui fait à nouveau un travail bluffant sur les expressions du visage humain, sur les brouillards, sur la diffusion de la lumière et sur les environnements et équipements, taquinant le FrostBite de DICE, lequel ne boxe toutefois pas dans la même catégorie au niveau de l'échelle des maps et des éléments à prendre en compte. Ici, les explosions fusent, la musique orchestrale fait son petit effet et répond parfaitement au discours solennel de Winston Churchill qui sert d'introduction au trailer. S'en suivent différentes scènes de destruction, d'explosion, de tir, d'affrontement armé au corps à corps, de soldats faisant le signe de croix avant d'aller vers une mort certaine, rappelant ainsi le début du film de Spielberg. On retrouve aussi, pour alterner avec cette ambiance apocalyptique un peu de camaraderie à travers la relation qu’entretient Daniels avec les membres de son escouade. Le tableau est donc dressé et nos intervenants laissent alors place aux explications pour nous exposer plus en profondeur les points-clés de la campagne. = « You’re a long way from Texas... » =
Comme nous vous le disions, le solo a été pensé comme un parcours initiatique pour l'escouade de Red Daniels, qui ne sera toutefois pas seul acteur de la campagne. De la Normandie et son débarquement, nous explorerons les campagnes françaises, la libération de Paris, la récupération de la Belgique, et finirons sur la prise du Rhin. Cela laisse pas mal de place pour les éventuels DLC et autres épisodes du cycle développés par Treyarch et Infinity Ward. La diversité des zones traversées sera aussi vaste que le casting à l'œuvre, puisqu'on nous présente sur une des slides illustrées différents personnages-clés de la campagne : des hommes et femmes soldats, toutes ethnies confondues, mais aussi une enfant, serrant fermement son nounours contre elle.
Plus tard dans la journée, les deux compères du studio nous apprennent au détour d'une question sur le manichéisme des précédentes campagnes, que cet épisode tentera de restaurer l’authenticité des premiers CoD, avec en première ligne la cruauté du conflit, mais aussi l'humanité cachée au fond de chacun des soldats, qu'ils soient ennemis ou alliés. Le titre nous demandera par exemple d'aider une famille civile allemande à survivre, ou nous mettra face à un soldat ennemi qui viendra nous sauver la vie à un moment décisif. Cette idée fait sans doute écho aux nombreuses traces historiques concernant des amitiés, éphémères, tissées entre soldats de fronts ennemis durant les grands conflits du XXème siècle. Voir ce genre d'audace créatrice dans un jeu vidéo grand public, qui plus est dans un Call of Duty, dont le scénario a souvent été relativement secondaire, fait chaud au cœur et prouve encore une fois que Sledgehammer ne prend pas sa tâche à la légère et incarne « l'audace rafraîchissant » du trio de développeurs à l'œuvre sur la franchise bien que chacun ait son domaine de prédilection.
Ce que vous ne verrez pas tout de suite…
Nous enchainons par la suite sur deux séquences de gameplay de plusieurs minutes : du Work in Progress tournant sans doute sur PC. La première, « Hürtgen », qui se déroule dans la forêt éponyme, nous permet d'apercevoir une vaste zone de végétation luxuriante, gravement marquée par le conflit. Glen Schofield nous raconte d'ailleurs que deux mois avant leurs repérages sur place, un cadavre de soldat avait été retrouvé et identifié grâce à ses dogtags, preuve que les affrontements y furent nombreux et dévastateurs et qu’on en retrouve des vestiges même 70 ans après.
Seul ou presque, dans une forêt dense et meurtrière
On suit donc, à travers la séquence, l'avancée discrète de l'escouade de Red Daniels qui, après une petite discussion avec son équipe, s'enfonce dans la forêt. L'occasion pour nous d'admirer le texturing très fin des équipements et la densité photo-réaliste des brouillards qui, en chatouillant la cime des arbres, génère des effets de lumière de très bonne facture. L'escouade explore donc assez librement cette zone suivant un chemin que l’on suppose prédéfini, avant de tomber sur un groupe de soldats ennemis, au repos, qu'ils prennent en embuscade. Red saisit son sniper, sur lequel il a apposé un pendentif, et tire à tout va.
L'occasion pour nous d'écouter le sound design, très convaincant, et de constater que le personnage principal respire de manière assez prononcée, ce qui améliore l'immersion du joueur et constituera durant certains moments votre seul repère auditif, perdu dans un amas de tirs étouffés et d’acouphènes. Les échanges de coups de feu fusent et Daniels en profite pour se faufiler et contourner les ennemis, mettant alors en avant l’aspect « plus ouvert » des cartes, zones naturelles obligent. Certains alliés tentent d'exécuter à bout portant leurs ennemis tombés à terre tandis que d'autres s'affairent à tirer de loin, autant de comportements qui rendent la scène plus crédible qu’une simple rencontre scriptée. Petit bémol venant briser l’immersion : la vitesse des projectiles, un peu lente, et leur brillance font un petit peu « artifice » face au réalisme de la scène et au soin apporté aux différents éléments. C’est sans doute une nécessité de gameplay pour éviter que le joueur se demande trop d’où viennent les tirs, mais l’on s’y fait progressivement. Espérons toutefois que l’intensité visuelle soit réglable sur les projectiles.
Quelques dizaines de secondes plus tard, l'escouade de Red pourchasse les allemands dans les bois jusqu'à ce qu'une fusée éclairante signale leur position et amorce une phase de fuite pour nos hommes. S'en suit alors un déluge de bombardements, scripté mais remarquablement réalisé, qui nous permet d'admirer le travail sur les destructions d'arbres. Ces derniers sont tantôt pulvérisés, tantôt arrachés, et se balancent avec le souffle de chaque explosion tandis que le joueur tente de progresser vers une zone à l'écart. La séquence s'arrête là, et si l'aspect technique nous convainc clairement, le game changer en matière de gameplay se fait encore un peu trop discret. Car si Advanced Warfare avait introduit la verticalité dans la saga, reprenant les acquis de game design validés par la sortie de Titanfall, ce CoD WWII s'avère plus subtil lorsqu'il s'agit d'insuffler une nouvelle dynamique de gameplay à la série...
Place au débarquement...
C'est d'ailleurs sur la seconde vidéo de gameplay, celle du débarquement allié que les principaux changements de game design peuvent être observés. Plus que sur le spectaculaire pur et dur, c'est véritablement sur « ce que vit le soldat » que l'équipe a voulu travailler. Ainsi, le débarquement est vécu comme une séance houleuse de bateau entrecoupée de bombardements, avant même que l'on puisse apercevoir la côte. Les visages sont tendus, les ordres sont donnés avec fermeté. Les soldats sont ballotés de gauche à droite tandis que les avions entreprennent leurs raids pour couler les navires dans une mise en scène ressemblant grandement à celle de la séquence d’ouverture du Soldat Ryan. Le conducteur au volant de notre embarcation semble de plus en plus inquiet alors que notre supérieur annonce les 200 yards qui nous séparent désormais de la plage.
A peine arrivé, un des bateaux nous percute et nous voilà à l’eau dans une mer de sang et de noyés. Les bombardements se faisant de plus en plus intenses, on remarque à nouveau l’importance du souffle de notre héros, seul élément audible par moments, surtout lorsque les obus nous assourdissent. L’eau, encore un peu trop « plastique » par endroits nous sortant légèrement de l’immersion procurée par la séquence. Comme dans le film susmentionné, notre héros « phase » sur l’horreur de la scène, observant une tête amochée pendant de longues secondes tandis que les balles fusent. On ramasse une pelle, on court pour se mettre à couvert successivement à différents endroits. D’ailleurs, nous sommes un peu surpris de voir que notre héros ne semble pas atteint par les balles qui fauchent pourtant nos compagnons à quelques dizaines de centimètres. La prise de position est progressive, jusqu’à atteindre une butte à priori sûre. Les cut-scenes semblent tourner à un framerate plus faible que le très stable 60FPS présent durant les séquences de gameplay. Sans doute une pirouette technologique pour accentuer les effets de grain et le rendu des visages lors des séquences narratives. Les bangalores sont rapatriés sur notre position et utilisés pour percer les barbelés ennemis et former une trouée. Sur un fondu de montage, nous passons à la suite de la séquence, directement dans les bunkers allemands, armés d’un MP40.
Dans cette séquence, c’est le tir qui est à l’honneur avec des endroits exigus et plutôt détaillés graphiquement, faisant la part belle aux divers éléments endommageables qui servent à enrichir le décor en apparence vide. Après quelques frags et l’usage de « lean » qui permet de se pencher à gauche et à droite pour surprendre un ennemi depuis une couverture, la démo nous met face au sound design en territoire fermé, aux échos réussis et aux cris et respirations étouffées. On nous passe un M1 Garand, au son de rechargement si caractéristique et la séquence nous présente une autre phase de tir, en visée à la hanche ou en iron sight. Daniels renvoie à un certain moment une grenade ennemie et court se mettre à couvert en se jetant au sol, ce qui laisse présager globalement une mobilité assez optimale, en dépit de l’absence de la verticalité qu’offraient les trois précédents opus.
Au détour d’un couloir, une séquence a particulièrement attiré notre attention : une QTE présentant un nouveau système assez similaire au système de Telltale, dans lequel le joueur doit cibler et appuyer tout en gardant le curseur dans une zone. Plus difficile, plus immersif, plus stressant, mais aussi plus discret ce qui permettra d’immerger un peu plus les soldats virtuels que nous sommes. La violence de ces séquences QTE est d’ailleurs assez marquante, à l’image du reste du jeu. Brutal, sobre, violent, bien mis en scène, c’est ce qui résume assez ces quelques minutes de gameplay que nous avons pu voir en plus du trailer.
Call of Duty : WWII - Le trailer d'annonce
Ce qu'on sait du multi…
Voilà donc pour la présentation du solo du titre, une longue session de découverte qui fut agrémentée de plusieurs slides de présentations sur lesquels nous avons pu glaner quelques informations. Sachez premièrement que le titre se composera d’un solo, d’un multi et d’un mode coop, et que le multijoueur sera révélé à l’E3, salon californien ouvert au public sur lequel joueurs et journalistes pourront fragger en multi. Quant à la Coop, les développeurs se réservent le droit de le présenter un peu plus tard. L’accent sera dans ce multi volontairement axé sur les « Divisions », comprenez par là l’interdépendance entre les joueurs. Car oui, si cela n’apparaissait pas si évident dans le solo, les soldats de WW2 devront compter sur leurs alliés pour le ravitaillement en munitions et pour divers assistances : on pense notamment aux explosifs, aux tirs de précision, mais aussi aux soins, point sur lequel les développeurs ont été assez évasifs lorsque nous évoquions le maintien du classique « soin à couvert ».
La création de personnage passera donc par la customisation de classe et les développeurs nous ont cité à l’oral l’infanterie, les pilotes de tank, les scouts, les parachutistes derrière les lignes ennemies… Le but est ici d’être à la fois complémentaire, mais surtout de proposer autre chose que le trop répandu match à mort classique, sans prise de position. Le mode qui nous fut teasé, nommé « War », propose en effet à quelques détails près ce qu’offre le mode Frontline de Battlefield 1 avec sa capture successive d’objectifs : les forces en vigueur devront par exemple sur le débarquement s’emparer de la plage, des bunkers, puis des arrières-postes et ainsi de suite. Il s’agira donc d’une évolution majeure pour le multi de la saga. Côté ajout, Sledgehammer fera d’ailleurs progresser l’aspect social du titre et instaurera un lobby virtuel pour « amener les personnages des joueurs dans un espace social » dans lequel on se connecte, on s’amuse, on récupère des récompenses. Bref, rendre plus vivante l’expérience, en dehors des habituels matchs.
Avec ses 300 employés dévoués depuis 2 ans et demi au développement du titre, Sledgehammer semble tenir entre les mains un très bon épisode de la saga Call of Duty. Call of Duty : WWII s’annonce comme un nouveau souffle de fraîcheur et d’authenticité pour une saga qui en avait bien besoin. Le retour à la Seconde Guerre Mondiale, le focus tout particulier effectué sur la coopération entre les membres d’escouade en solo comme en multi et une approche plus stratégique de ce dernier semble toute indiquée pour accompagner la progression de la franchise sur des terres plus matures et plus adultes, exposant une violence crue, qui se veut aussi réaliste que respectueuse des faits historiques. Bref, si vous ne l’aviez pas compris en lisant notre preview : on a hâte d’en voir plus, mais ce qui nous a été présenté sent déjà très bon.