Lors du dernier E3, Ubisoft a surpris son monde en présentant en fin de conférence le petit Steep, un jeu d'un genre qu'on pensait disparu, ou presque. En effet, et pouvait-il en être autrement, le premier titre développé intégralement par Ubisoft Annecy n'était autre qu'un jeu de glisse, mêlant ski, snowboard, et même parapente et wingsuit. Un choix surprenant pour clôturer l'événement, mais qui faisait sens dans un contexte bien particulier. À quelques semaines de sa sortie, nous avons pu glisser une dernière fois le long des nombreuses pentes qu'il a a proposé aux joueurs.
Voilà maintenant quelques années que feu EA Sports Bigs n'a pas fait parlé de lui. Avec la série SSX au repos, voilà maintenant un bon moment que les amateurs de poudreuse n'ont pas eu de jeux de glisse d'envergure à se mettre sous la dent. Il faut dire que le dernier SSX en date n'avait pas bien marché, commercialement parlant, et c'est probablement cet échec qui a plongé tout un genre dans l'ombre. Alors en toute logique, lorsque Ubisoft, premier éditeur français et troisième au monde, dévoile en fin de conférence d'E3 Steep, on s'interroge. D'autant que le jeu est développé par un petit studio qui jusqu'à présent était surtout connu pour son travail de soutien sur différents AAA d'Ubi, et les modes multijoueur de la série Assassin's Creed. Mais l'histoire est belle : Ubisoft, qui est alors engagé dans un bras de fer avec Vincent Bolloré et le groupe Vivendi, mise sur la dimension créative de ses équipes. Le studio d'Annecy caressait depuis plusieurs années l'espoir de développer un jeu de ce genre. L'équipe est composée de skieurs et de riders en tout genre. Il pouvait difficilement en être autrement au, vu de la situation géographique ! Et c'est grâce à différents outils, développés pour Ghost Recon Wildlands, que l'équipe trouve enfin les moyens de ses ambitions, et voit son projet validé par sa hiérarchie. Un jeu qui détonne dans le portfolio du studio... Mais dans lequel on retrouve, mine de rien, plusieurs caractéristiques très « ubisoftiennes ».
Un monde ouvert ennivrant
Ubisoft a la passion du monde ouvert, c'est un fait. Avec Assassin's Creed, puis Far Cry, Watch Dogs, The Crew, The Division... l'éditeur-développeur aime plonger le joueur dans un monde dans lequel il peut s'exprimer, et jouer à sa manière. Mais selon une suite de codes que l'on retrouve, d'un jeu à l'autre. Mais peut-être moins dans Steep. Le bébé d'Ubisoft Annecy est composé de plusieurs vastes montagnes, qui sont dans le monde réel parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètre, mais sont ici collées les unes aux autres pour former un vaste terrain de jeu. Mont Blanc, Tyrol, Matterhorn... Les développeurs aiment la montagne et cela se ressent après quelques minutes de glisse.Chacune des montagnes propose une apparence différente, et impose une approche différente. Pentes douces, falaises abruptes, roches apparentes, forêts, glaciers... Il y en a pour tous les goûts, mais surtout, ce que l'on remarque, c'est que les développeurs ont fait de ces différents géants de véritables personnages. De temps à autres, les montagnes parlent aux joueurs, et dévoilent leurs personnalités. Steep se fait alors volontiers mystique, notamment grâce à une bande-originale qui évite la plupart du temps les compos rock attendues pour quelque chose de beaucoup plus naturel, de plus pur. Si une play-list de morceaux bien connu du grand public peut être entendu lors d'épreuves type défi, l'équipe a eu la bonne idée d'utiliser les concepts de la musique dynamique pour la plupart des phases de jeu libre. Au gré de la descente du joueur et de ses cabrioles, des couches successives d'instruments s'ajoutent à la partition, transformant l'exercice en promenade apaisante et relaxante. On aurait presque l'impression de jouer à Journey, par moments ! Une inspiration dont les développeurs ne se cachent pas vraiment, en fait.
À la manière d'un Stoked en son temps, Steep est une invitation à la promenade et à la découverte. Les développeurs ont pour cela créer un vaste terrain de jeu qu'il sera impossible de traverser simplement à ski. Et s'il existe de nombreux points d'intérêt, d'épreuves et de défis en tout genre, il faudra d'apprendre prendre le temps d'explorer les versants de chaque montagne pour les découvrir et surtout progresser sur celles-ci, notamment en débloquant des zones de largage, qui permettront ensuite au joueur de voyager plus rapidement... Mais aussi de débloquer de nouveaux points d'intérêt, comme les tours d'observation d'Assassin's Creed que l'on retrouve dans la plupart des dernières productions Ubisoft.
Une véritable profondeur de jeu
Si vous étiez fans de la série SSX et espériez, avec Steep, pouvoir dévaler les pistes et enchaîner les 1080° nosegrab, vous allez vite déchanter. Sans être une simulation pure et dure, le jeu d'Ubisoft Annecy vise un certain réalisme. La contrepartie, c'est que le système de tricks est particulièrement riche et utilise de nombreux boutons du contrôleurs. Sur PlayStation 4, pousser le joystick gauche permet de prendre de la vitesse, tandis que maintenir puis relâcher R2 permet de sauter. Cette même touche permet, une fois en l'air, d'effectuer un grab main droite, tandis que L2 active le grab main gauche. R3 va permettre d'effectuer tous les types de rotation possible mais aussi de gérer la vitesse de rotation. Le jeu peut se montrer pointilleux sur les timings, notamment sur les sauts et les rotations. Peut-être trop, parfois, au point d'en être frustrant. Toutefois, avec un peu d'exercice, cela devrait vite changer.
Ces commandes sont bien sûrs applicables au ski et au snowboard uniquement. Côté parapente et wingsuit, les commandes sont plus simples, plus intuitives, mais le jeu n'en oublie pas pour autant quelques règles élémentaires de physique. En parapente, il faudra prendre en compte des notions parfois complexes et savoir comment trouver des courants ascendants. Même chose côté wingsuit, où chaque virage pris trop larges pour faire perdre quelques mètres précieux. Mais les sensations sont présentes et si par nature le parapente est plus pratique qu'amusant (il permet d'atteindre certains points de la carte sans passer par la voie terrestre), le wingsuit a du potentiel et les quelques défis que nous avons découvert donnent lieu à de bonnes montées d'adrénaline.
Côté ski et snowboard, ces épreuves sont finalement assez classiques et il sera souvent question d'arriver le plus vite possible à un point précis de la carte, ou d'accomplir le plus de tricks possible, avec un maximum de skill. La difficulté venant de fait du parcours en question, puisque si la physique du jeu se montre parfois généreuse, certaines réceptions auront tendance à user votre avatar, qu'il faudra ménager. Une petite jauge rouge et un effet de flou viennent régulièrement rappeler que l'on n'est pas dans SSX et que choisir intelligemment ses lignes a une importance cruciale dans la réussite de tel ou tel défi. Cette exigence a quelque chose de plaisant et tranche radicalement à ce que l'on a pu voir ces dernières années, dans les productions grand public du même genre.
Les défis sont nombreux et puisque le jeu est hyper-connecté, vous aurez régulièrement la possibilité d'inviter vos amis à suivre vos lignes, à battre vos temps, ou simplement à participer avec vous à la même épreuve. En cela, le jeu fait preuve de souplesse, même si l'interface globale et la carte du monde demandent un petit temps d'adaptation.
Un manque d'objectifs ?
Reste que dans l'état actuel des choses, Steep a choisi de miser sur la liberté, l'exploration, la découverte et le partage. Peut-être au détriment d'une véritable direction, d'un but à donner aux joueurs, d'un élément qui les conduira à jouer toujours plus. Le but ultime, c'est d'avoir la meilleure réputation possible, ce qui est représenté à l'écran et dans les différents menus du jeu par une petite jauge et une série de chiffre. S'il existe une réputation globale, le joueur est laissé libre de la remplir comme bon lui semble grâce à plusieurs sous-réputations, qui correspondent aux différentes façons de jouer à Steep. Que ce soit en explorant le monde, en effectuant des tricks, en battant des records de vitesse... cela correspond à différents profils et libre au joueur de s'exprimer comme bon lui semble. Pas sûr que cela, ou les différents leaderboards, parviennent à accrocher à leurs manettes une bonne partie des joueurs. Les amoureux de la montagne, eux, y trouveront peut-être leur compte, a fortiori parce que le jeu a été développé par d'autres riders et cela se sent, jusque dans la boutique de customisation. Le jeu permet une certaine customisation de l'avatar (bonnets, manteau, pantalon, skis, snowboard, voile, wingsuit, etc) et l'on retrouve bon nombre de marques connues des amoureux de bonne puf : Salomon, Rossignol, et d'autres grands noms sont bien entendus de la partie, mais l'on trouve également des marques plus confidentielles, comme Skipass et ses autocollants « In Tartiflette We Trust », que les Isérois et Savoyards connaissent bien.
Techniquement perfectible
Autre point qu'il serait difficile de mentionner, l'aspect technique. Ubisoft Annecy n'est pas Ubisoft Montreal et clairement, Steep n'a pas bénéficié d'une équipe de développement aussi vaste que le dernier Assassin's Creed. Et cela se ressent en jeu. Si le monde ouvert offre quelques panoramas assez impressionnants, c'est plus grâce à sa patte artistique qu'à sa réalisation technique. Sur PlayStation 4, les textures sont parfois plutôt pauvres et l'on a constaté un clipping très prononcé, ce qui parfois peut se montrer extrêmement dangereux. Imaginez vous dévaler la pente à plus de 120 km/h et voir apparaître, à 5 m devant vous, une rangée d'arbres... Plusieurs bugs étaient également à dénoter, et l'on regrette que grinder certains éléments du décor ne soit pas permis, probablement à cause du moteur physique du jeu, qui autrement fonctionne plutôt bien.
Steep dévale les pistes
Steep a été réalisé par des gens qui aiment, connaissent et respectent la montagne. Et cela se sent. À la limite du mysticisme et du paganisme par instants, le jeu d'Ubisoft Annecy mise sur la liberté et l'exploration comme l'avait fait Stoked avant lui, en 2009. Mais comme pour le titre de Bongfish, on a du mal à savoir s'il saura accrocher les joueurs sur le moyen terme. Malgré la présence de nombreuses épreuves, des fonctions sociales poussées, de bonnes sensations et un aspect technique indéniable, Steep n'a pas vraiment de ligne directrice et manque peut-être d'objectifs plus aguicheurs qu'une simple jauge de réputation à faire grimper. De fait, le jeu risque de diviser car l'on ne doute pas que certains joueurs adhéreront à cette philosophie. Réponse définitive le 2 décembre prochain.