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Après deux ans de disette due à l'impossibilité de localiser The Great Ace Attorney, justice est faite pour les fans occidentaux de la série qui vont pouvoir revenir à la barre avec ce sixième épisode. Et ils n'ont pas attendu tout ce temps pour rien...
Test import réalisé à partir d'une version japonaise. Sortie européenne prévue cet automne, uniquement en dématérialisé
Oubliez les pérégrinations historiques du lointain ancêtre Ryûnosuke : Phoenix Wright, le héros indétrônable de la série, revient habillé de son légendaire costume bleu pour une aventure exotique, puisqu'elle se passe en grande partie à l'étranger. Venu dans le royaume de Kurain pour revoir son amie Maya Fey (connaissance de longue date puisqu'elle fut son assistante durant les trois premiers jeux), l'avocat trentenaire aura rapidement à faire à une justice pas comme les autres.
À sa grande surprise, la profession d'avocat n'existe pas dans le royaume de Kurain. Le système judiciaire est considéré comme infaillible et la défense de l'accusé comme parfaitement inutile. Phoenix est donc le seul à faire face à l'accusation dans ce curieux pays qui juge... par la divination ! La (très) jeune princesse Leifa est en effet capable d'invoquer la mémoire d'un défunt et de reconstituer ses derniers instants dans les moindres détails. Ce qui nous permet d'entrée de faire la transition avec la grosse nouveauté de gameplay de Ace Attorney 6.
A l'entame de chaque procès, Leifa fera apparaître sur la surface d'un bassin ce que la victime a vu juste avant de mourir, et vous avez sûrement déjà deviné que ce sera fortement au désavantage de la personne que vous défendez ! Ceci dit, les morts ne mentent pas : ce que vous y verrez est la stricte vérité et vous ne pourrez pas faire plonger Leifa pour "mensonge". Cependant, celle-ci va émettre une interprétation et c'est là où il faut la contredire en relevant les petits détails qu'elle n'a pas vus. Les cinq sens du défunt sont représentés à l'écran et il faudra bien observer ce qu'il a vu, entendu, ressenti, etc. Une fois l'interprétation initiale dûment contestée, Leifa se retire et le procès reprend de manière classique, c'est-à-dire avec des témoignages à examiner et des pièces à conviction à sortir au moment opportun.
Comme dans Phoenix Wright : Ace Attorney : Dual Destinies, Pheonix n'est pas seul et Apollo comme Athena auront leur petite heure de gloire, dans des procès standards ayant lieu dans l'habituel tribunal régional. Si le duo Apollo/Trucy est en terrain connu puisqu'il s'agira d'une affaire on ne peut plus complète tournant autour d'un spectacle de la jeune magicienne, on sent que Capcom a eu un peu de mal à caser Athena, son procès étant dépourvu de toute partie enquête ! En contrepartie, Simon Blackquill fera un retour remarqué : le procureur de Phoenix Wright : Ace Attorney : Dual Destinies aura un rôle plus important que les brèves apparitions de ses confrères dans le précédent opus.
Les deux collègues de Phoenix seront confrontés à un procureur de renommée internationale, Nayuta Samahdi. Bonze de son état, il aura un assez grand rôle dans l'histoire car lié au passé d'Apollo, dont les origines seront largement éclaircies dans ce nouveau jeu. Cependant, le personnage est presque trop décalé (même pour la série) et ses mimiques répétitives, son manque de charisme et de personnalité ne l'aident pas à succéder efficacement à Blackquill ou même Barok Von Zieks.
Avocate spécialisée dans la psychologie, Athena revient avec sa fameuse mood matrix, interface permettant d'analyser les émotions du témoin. Largement réutilisé dans ce sixième épisode, ce système de jeu vous demandera là encore de trouver les contradictions entre les émotions, l'intensité des émotions et le contexte du crime. En plus de cela, il faudra également relever et interpréter les éléments illogiques présents dans le subconscient de la personne interrogée pour avancer. Les autres mécanismes de gameplay sont là également, mais beaucoup plus discrets. Apollo utilisera une nouvelle fois son anneau de vérité pour repérer les tics nerveux de ses interlocuteurs. Phoenix devra lui briser les psy-locks, ces blocages psychologiques en présentant différents indices. On a donc une variété de gameplay plus conséquente que dans The Great Ace Attorney.
Capcom avait affiché sa volonté de faire Ace Attorney 6 plus difficile afin qu'il ne soit pas confondu avec un simple visual novel. Mission accomplie ? Oui et non. Le titre est très inconsistant dans les indices qu'il donne : parfois le joueur n'aura pas un mot pour l'aider, parfois le jeu fera plus ou moins directement allusion à la solution au moment de présenter la pièce nécessaire. Ce nouvel épisode arrive avec des intrigues complexes aux nombreuses ramifications : on va d'énigme en énigme et de mystère en mystère. La réflexion tient un bon rythme et l'esprit du joueur n'a pas le temps de s'ennuyer. Quelques puzzles bien sentis sont au programme, dont un qui sera monstrueusement dur à localiser, puisqu'étant basé sur l'alphabet japonais hiragana.
Dès que le joueur commet deux erreurs, une petite commande "consulter" lui permet d'interroger le partenaire du moment, qui là encore donnera plus ou moins directement la solution. Ace Attorney 6 aurait gagné à être un peu plus ordonné à ce niveau, car le recours à cette option peut être ressenti comme un échec par le joueur, ce qui n'est pas le cas des indices habituels. Capcom reconduit en outre le "cheminement logique" qui consiste à aiguiller le joueur vers la bonne conclusion. Tout ceci était loin d'être indispensable puisque le système a pour effet de considérablement mâcher le travail du joueur et réfléchir à sa place. Enfin, en cas de perte d'un procès, on ne reprend plus au début du chapitre en cours, mais exactement là où on s'est arrêté ! Cette fois c'est sûr, le game over est là pour faire joli : il n'y a plus vraiment de défi ou de pression.
La série ne faillit pas à sa réputation en matière de narration : Ace Attorney 6 regroupe une fois de plus des personnages aussi loufoques qu'extrêmement attachants : le comique schizophrène aux quatre personnalités, le résistant amnésique, l'hélicoptère radiocommandé (!!!) et bien d'autres qu'on taira pour que la surprise soit totale. Et ce, bien sûr, dans des chapitres bourrés de surprises et de rebondissements. L'intensité scénaristique suit une progression constante si bien qu'on ne lâche pas la 3DS pendant les quelques 50 heures de jeu. C'est un jeu encore une fois blindé à la fois de suspense, d'émotions et d'humour qui éblouira le joueur à coup sûr voire lui arrachera quelques larmes. Impossible de ne pas être bluffé par les coupables qui se dévoilent ou les témoins qui sortent de nulle part, surtout que ces moments offrent les meilleures musiques : Confess the Truth est toujours aussi marquant, rejoint cette année par un épique Menyo's Theme. A côté de cela, il se paye le luxe d'explorer des thèmes très particuliers comme le rakugo, un art traditionnel comique purement japonais, le rendant très original dans son contenu. Très intéressant également, le dernier chapitre s'ouvre sur un procès civil et non pénal : une confrontation vraiment pas comme les autres.
Histoire de finir en beauté, le généreux éditeur japonais a prévu du contenu gratuit suivant directement la sortie du jeu au Japon. Cela prend la forme d'un chapitre supplémentaire complet et de deux mini-procès très parodiques. Ces derniers assument totalement le ridicule de situation autour duquel ils sont formés et ne provoqueront guère plus qu'une franche rigolade... ce qui n'est déjà pas si mal. L'attention se portera naturellement sur le chapitre toki o koeru gyakuten qui de fait rajoute 20% de contenu pour pas un rond. D'une qualité d'écriture qui n'a rien à envier au reste du jeu, celui-ci rassemble Phoenix, Maya, Larry et l'incontournable Miles Edgeworth pour un procès "comme au bon vieux temps". Les fans de longue date ronronneront de plaisir.
Trailer de Ace of Attorney : Spirit of Justice
Les années se suivent et se ressemblent dans l'excellence pour le plus célèbre juriste du monde vidéoludique. Innovant, exotique, fascinant par sa narration qui trouve à chaque fois le ton juste, Ace Attorney 6 est un délice pour les amateurs de casse-tête et des belles histoires. On aurait sans doute voulu qu'il soit aussi pointilleux quant aux équilibres de gameplay, mais cela ne viendra guère contredire la réussite de ce sixième épisode.