Je dois faire mon mea-culpa ; avant cet E3, je n’avais jamais entendu parler de la série de comic books Battle Chasers. En revanche, le nom de son créateur m’était déjà bien plus familier : Joe Madureira, le dessinateur à l’origine de la direction artistique de la saga Darksiders. Lorsque l’homme décide en 2006 de troquer sa casquette de dessinateur contre celle d’artiste au service du jeu vidéo, il laisse - au grand dam de ses lecteurs - sa très populaire série de Fantasy Battle Chasers sur le carreau. Mais alors que le volume 10, prévu à l’origine pour novembre 2010, se fait toujours désirer, Madureira annonce la création d’un petit studio indépendant nommé Airship Syndicate. Ce dernier est composé pour l’essentiel d’anciens employés de chez Vigil Games, le studio derrière la franchise Darksiders. Leur nouveau projet ? Battle Chasers : Nightwar, une adaptation en jeu vidéo de l’univers du comics sous forme de déclaration d’amour aux J-RPG kickstarté avec panache. Retour sur l’une des bonnes surprises de cet E3 2016 !
Bande-annonce de Battle Chasers : Nightwar
J-RPG I love you !
Ce n’est vraiment pas anodin si dès le début de notre entretien avec l’équipe de développement, des grands noms du J-RPG sont évoqués en tant qu’inspirations principales des mécaniques de jeu de Battle Chasers : Nightwar : Final Fantasy, Chrono Trigger, Suikoden, autant de références dont l’influence est définitivement palpable au sortir de notre première prise en main du titre de la team Madureira.
Tout s’articule ici autour d’une immense carte du monde à explorer en vue du dessus, à la façon des classiques du genre. On y dénichera des villes, des points d’intérêts, pas mal de donjons, des boss et bien évidemment, une bonne pelletée de combats. Seule la ville désolée de Harm’s Way permet de profiter d’une relative tranquillité. C’est ici que le joueur s’occupera de la composition de son équipe de trois héros, à choisir parmi le casting des cinq personnages emblématiques du comics.
Le scénario propose de suivre les aventures de Gully et de sa bande d’aventuriers. La troupe est animée par un seul et unique but : partir à la recherche du père de l’héroïne, un guerrier de légende disparu au-delà de la ligne Grise, un impénétrable mur de brume s’étendant à travers le monde pour protéger un mystérieux continent perdu. Pour l’aider dans son entreprise périlleuse, Gully possède une paire de gantelets légués par son père juste avant sa disparition. Ces derniers lui confèrent d’incroyables pouvoirs, mais attisent dans le même temps les convoitises de certains individus. Gully est (entre autres) accompagnée de Garrison, paladin déchu en quête de rédemption, de la mercenaire Monika ou encore de l’ancien Golem de guerre Calibretto, une imposante machine aussi dangereuse en combat qu’utile à son équipe du fait de ses capacités de soins.
C'est à qui le tour ?
Battle Chasers permet de contrôler son héros de manière directe dans le monde, de le faire esquiver certains adversaires modélisés à l’écran ou certains pièges mortels dans les donjons. Il mixe en ce sens deux approches de gameplay, l’une classique à base de combats au tour par tour en 2D, l’autre plus moderne avec des environnements en 3D vue de trois quarts, qui ne se contentent pas d’être de simples zones statiques. Volontairement old-school à la Final Fantasy, les rencontres du jeu évitent d’ailleurs souvent le principe d’aléatoire avec des ennemis modélisés à l’écran qu’il est donc possible d'esquiver. On apprécie ce sentiment d’évoluer au sein d’un véritable donjon de hack’n slash avec ses pièges, ses zones secrètes à dénicher et ses ennemis à combattre un peu partout.
Les combats se déclenchent lorsque le joueur entre en contact avec un ennemi. Le titre bascule alors en mode affrontement old-school au tour par tour, mais n’en oublie pas de proposer son lot d’améliorations de la formule. Elles prennent la forme de trois mécaniques d’importance : un double système de mana et de surcharge de puissance (que je vous explique dans quelques lignes à peine), une barre d’initiative active modifiant en temps réel l’ordre de passage des unités en fonction de leurs actions et un système de barre de super attaques à la Street Fighter, permettant d’emmagasiner de la puissance pour déclencher des techniques dévastatrices.
Les personnages disposent de huit techniques accessibles en bas de l’écran, à sélectionner parmi une vingtaine de possibilités débloquées au fil des niveaux. Toutes les capacités spéciales utilisent du mana, mais certaines rapportent en échange une nouvelle ressource : le red mana. Dans un Final Fantasy, les mécaniques de gameplay poussent trop souvent le joueur à enchaîner les attaques peu coûteuses en ressources lors des affrontements contre les monstres communs pour ensuite vider sa barre de pouvoir une fois arrivé face au boss. Battle Chasers souhaite éviter cette situation trop redondante par l’ajout de ce système de surcharge des attaques.
Dans les faits, la plupart des techniques consommatrices de mana rapportent une nouvelle ressource en échange, à utiliser pour lancer de nouvelles capacités plus puissantes. Et puisque le red mana disparaît à la fin de chaque combat, on assiste donc à des combats véritablement dynamiques, à la profondeur tactique renouvelée. Le système d’initiative ajoute encore un peu de substance à l’ensemble avec des effets aléatoires appliqués aux héros et aux adversaires en fonction des techniques qu’ils s’apprêtent à utiliser ou de l’environnement dans lequel ils évoluent.
Darkchasers
Le style graphique du titre, mené d’une main assurée par Joe Madureira, confère à l’ensemble un charme tout particulier, grâce à un gros boulot sur le niveau de détail des modèles de personnages et de leurs animations. Si l’interface reste encore en phase d’amélioration, les différentes attaques et leurs effets visuels participent à la réussite visuelle du titre. Il n’y a qu’à observer l’animation déclenchée lors des super attaques pour se laisser emporter par la mise en scène des combats. D’autant que les cinématiques en jeu adoptent ici un rendu 2D particulièrement nerveux, pris en charge par Madureira et le studio d’animation Powerhouse, à qui l’on doit plusieurs travaux reconnus sur des jeux comme League of Legends, Deus Ex ou The Banner Saga.
Un mot pour finir sur la difficulté globale du jeu, qui vient quelque peu pimenter les choses. Battle Chasers ne souhaite pas plonger le joueur au beau milieu du pays des bisounours. Ici, les pièges et les secrets des donjons sont gérés de façon aléatoire et la mort entraîne la perte de tout l’équipement non porté par vos personnages ! Fort heureusement, chaque donjon bénéficie d’un seul et unique feu de repos où le joueur pourra entreposer une petite poignée d’objets qu’il souhaite mettre en sécurité. La peur de l’échec est donc constante lors de l’exploration de ces instances, dont le niveau de difficulté peut être ajusté afin d’augmenter la rareté du butin.
Battle Chasers : Nightwar est une agréable surprise ! Sous ses airs de vibrant hommage aux grands classiques du J-RPG, le jeu des anciens de Vigil Games propose une belle palette de variations de la formule traditionnelle. On est particulièrement séduit par ses combats au tour par tour, aux mécaniques rafraichies par de petits ajouts simples, mais inspirés. Porté par le coup de crayon inimitable de Joe Madureira (Darksiders), le titre semble avoir de solides arguments pour convaincre lors de sa future sortie, prévue pour cet hiver sur PC, PS4 et Xbox One.