Nous avons profité d'un séjour à Londres organisé par Sony pour assister à un événement focalisé sur No Man's Sky, le titre d'Hello Games. Attendu de longue date et encensé par les joueurs depuis sa première apparition lors des VGX 2013, le jeu s'est montré assez nébuleux au fil des mois et des présentations. Grossièrement catégorisé dans les first person shooter en « univers-ouvert », No Man's Sky propose au joueur d'explorer un nombre incalculable de planètes générées procéduralement. Le but final d'une telle épopée interplanétaire sans chargements ? Atteindre le centre de l'univers pour y découvrir… un mystère encore tenu secret. Face à une telle énigme, nombreux sont ceux qui n'identifient pas encore clairement les enjeux et possibilités du titre (et on les comprend) puisque même au sein de la presse, les avis divergent sur cet OVNI tantôt jugé révolutionnaire, tantôt jugé vide de sens et de but. Nous avons enfin pu mettre les mains sur la version PS4 du titre, assister à une présentation complète et à jour du jeu, et vous livrons donc nos impressions à chaud à travers cet aperçu.
Reportage : Notre avis sur No Man's Sky et 5 questions à Sean Murray
Sean Murray, virtuose des maths vidéoludiques
Commençons donc par la présentation qui se suffit à elle même pour expliquer le jeu tel qu'Hello Games le présente. Nous sommes donc dans un hôtel londonien, au 29ème étage, dans un grand espace avec, face à nous, une scène qui sera bientôt occupée par Sean Murray, cofondateur d'Hello Games, qui (avec son air faussement mal à l'aise comme à son habitude) commence par les bases du titre. Il saisi un pad PS4, pourtant relié à un PC un peu caché et étiqueté discrètement « Uber PC Gamer », de quoi imaginer la configuration requise, et commence son speech, mettant évidemment l'accent sur le côté procédural du titre. On démarre donc sur une planète vide, grossièrement sphérique et explorable. Après quelques secondes de marche, nous permettant de voir le jeu tourner à 60 FPS (là aussi, c'est important pour la suite), Sean nous explique que sur ce modèle de planète générée de manière procédurale, nous allons ajouter des collines. Tel un grand manitou de la création vidéoludique, il se téléporte sur une seconde planète visible à l'horizon, grâce à une pirouette de debug mod, puisqu'il est évidemment impossible dans le titre final de se téléporter ainsi.
La nouvelle planète est la même que la précédente, mais dispose de monts générés par un algorithme de terraformation. On note alors quelques lags dans l'apparition de textures, un phénomène déjà maintes fois remarqué lorsque le joueur entre dans l'atmosphère d'une nouvelle planète : une manœuvre-clé, sans chargement, qui caractérise No Man's Sky. Sean nous présente les nouveaux ajouts qu'il va apporter à la planète, notamment la présence d'eau, de végétation et de formes de vie… Et nous téléporte sur une troisième planète… Et là, c'est la claque. Le monde précédemment si vide, s'anime de toute part. Les poissons nagent librement, certains sont d'ailleurs d'espèces différentes et fuient le joueur tandis que d'autres sont moins craintifs. La sortie de l'eau provoque chez l'audience cet « effet waouh » si caractéristique du tout premier trailer diffusé lors des VGX 2013.
La faune semble se comporter de manière tout à fait cohérente et fourmille de variété… Sean nous rappelle au passage que tout cela, du sol aux végétaux en passant par les différentes espèces, est généré aléatoirement, en piochant dans l'incroyable base de données du titre. Chaque cri d'espèce que nous entendons sur cette planète, sera différent de celui d'une autre espèce, visible sur une autre planète, fondamentalement différente elle aussi. Voilà la formule de No Man's Sky : établir une immense base de donnée pour tout, et écrire un seed commun qui génèrera des milliards de planètes explorables, formées et peuplée de manière procédurale, mais de la même manière pour chaque joueur. La création d'un univers cohérent, en somme. Ce genre d'espadon que nous vimes sur les rives de notre planète test sera peut être bleu à nez court sur cet astre, mais arborera potentiellement une robe rose et un nez long sur une autre, pour vous résumer le concept. Voilà donc le postulat de base qui, à la Gamescom 2014, nous avait laissé de marbre, tant l’intérêt du jeu ne semblait pas à la hauteur de son fantastique procédé technique.
Un nouveau biome dévoilé, des éléments de survie, et des PNJ !
Pour répondre à cette incertitude latente, et ajouter un peu plus à No Man's Sky qu'une formule de génération procédurale d'univers dans lequel le joueur peut naviguer en vaisseau et explorer chaque monde sans chargement, Hello Games a pensé à ce qui marche actuellement dans le jeu vidéo : la survie, et le craft. Ainsi, Sean Murray continue son exposé et nous emmène sur Balari V, une planète extrêmement froide. Un nouvel élément du HUD mentionne d'ailleurs -162.5 degrés… Sean nous explique que sur ce type de biome, glacial et jamais présenté auparavant, le joueur va devoir se trouver des cavernes et zones plus chaudes afin de « recharger » sa combinaison qui, entre autres, gère sa résistance au froid. Le développeur utilise donc le scan (qui met en avant les éléments de ressources) et détecte rapidement un observatoire, un des bâtiments du jeu qui sont placés là par le procédural. Sur le chemin, on croise un monolithe, que Sean va « activer ». Ce dernier nous parle dans un langage extraterrestre auquel nous ne comprenons que quelques mots, mis en jaune. Il est alors possible de faire un choix de dialogue, et le personnage de Sean se retrouve endormi et soigné… Murray nous explique que ces monolithes sont attribués à différentes races extra-terrestre et qu'il va falloir les activer pour parfaire notre science du langage et donc comprendre ce que disent les PNJ. Car oui, grosse révélation, No Man's Sky dispose de personnages non-joueur.
Le cofondateur d'Hello Games continue son exploration et rentre dans l'observatoire pour y rencontrer un marchand d'une race particulière. Il converse avec lui, de la même manière qu'avec le monolithe, et parvient à acheter un module pour son arme, très utile pour la suite de la présentation. Le développeur nous explique alors que de bonnes relations avec les différentes races permettent notamment d'acquérir des avantages commerciaux. Sean ressort alors et entreprend un peu de minage, en tirant tout simplement sur des cristaux, desquels se libèrent du loot de carbone par exemple, utile pour crafter vos munitions. On remarque dans l'audience, au passage, quelques glitches graphiques, et notamment des textures qui se mélangent mal les unes avec les autres, mais cela demeure rare face à la prouesse technique réalisée. Soudain, notre jauge de résistance au froid glacial de Balari V arrive à zéro et le personnage commence à subir des dégâts. Face à la nuit qui arrive (générée par la rotation de l'astre et par son rapport avec son soleil, et qui n'est donc pas scripté), Sean redoute une baisse de la température encore plus forte et se cherche donc un endroit pour passer la nuit. Il trouve une grotte, qui calme l'indice de température. L'homme en profite pour upgrader son arme dans les menus du jeu via le module récemment acheté, et hérite ainsi d'un tir secondaire beaucoup plus perforant, lequel va très vite l'aider à se frayer un chemin dans la grotte en creusant une issue afin de remonter à la surface. Sean nous explique que de cette manière, il est tout à fait possible de se creuser des abris pour passer la nuit.
Le scan des créatures environnantes, tantôt passives, tantôt hostiles, permet de montrer une petite feature déjà mentionnée : le fait de pouvoir renommer une espèce si l'on est le premier à la découvrir sur le jeu. Vu le nombre de mondes explorables, il y a fort à parier que vous soyez souvent confronté à ce cas de figure. Il en va de même pour les planètes qui sont renommables si cela n'a pas déjà été fait avant. L'équipe d'Hello Games précise au passage qu'un filtre anti-insultes ne vous permettra pas de réaliser toutes vos fantaisies d'explorateur grossier. Par ailleurs, jouer les explorateurs s'avère lucratif si vous souhaitez en faire un but à part entière. En effet, vous pouvez uploader les données relatives aux nouvelles espèces ou planètes découvertes directement dans le jeu et ainsi recevoir des crédits pour vos trouvailles. Evidemment, le jeu vous propose aussi deux autres « voies », celle du chasseur et celle du marchand. Sean évoque par la suite le fait que beaucoup de planètes soient occupées, par différentes espèces d'aliens avec qui de bonnes relations permettront des meilleurs prix, de l'accès au lore de ladite faction, et le déblocage de plans pour des améliorations plus performantes.
Concernant ces fameux plans d'objets de haut niveau, sachez qu'il est possible de les obtenir par la force, en tentant d'attaquer des usines de production. Il vous suffit tout simplement de faire sauter la porte en tirant dessus à l'arme lourde de préférence. Dès votre première attaque, un indice de recherche façon GTA commence à grimper et la police de l'espace, incarnée par la race robotique des sentinelles vient s'en prendre à vous comme nous avions déjà pu le voir l'an dernier dans le cadre d'une attaque de la faune ou de minage trop intensif. Une fois la porte forcée, Sean a pu récupérer le blueprint et s'enfuir. Il n'est pas tout à fait clair de déterminer la manière dont l'indice peut baisser, mais l'affrontement contre les sentinelles semble pour l'instant perdu d'avance. D'ailleurs, le développeur du titre se fait très vite rattraper par les drones et meurt après une bataille qui manquait un peu de pèche à la manière des affrontements que nous avions déjà pu voir lors de sessions de gameplay. « C'est dommage d'avoir ce rendu très arcade et ce feeling à la Fallout 4 au niveau des combats » commentent certains confrères après la présentation.
Murray réapparaît à la maison du PNJ après sa défaite, habitat dans lequel le fondateur d'Hello Games avait précédemment sauvegardé sa partie. L'homme fait alors le point sur « tout ce que nous avons fait » en quelques minutes et précise qu'il ne s'agissait là que de quelques centaines de mètres carrés, pour nous faire bien comprendre que la planète dispose d'une surface plusieurs milliers de fois plus vaste, et qu'il existe dans No Man's Sky plusieurs milliards de planètes… A cette remarque, nous devons évidemment nous rappeler que la planète explorée est prévue pour la démo et qu'elle met en avant la totalité des choses qu'il fallait aujourd'hui montrer à la presse à quelques mois de la sortie prévue du jeu… Néanmoins, ce que nous avons vu jusque là est diablement tentant et, évidemment, nous n'avons pas encore quitté l'astre…
Trailer Paris Games Week de No Man's Sky
Pour ce faire, Sean a besoin de son vaisseau, livré à la zone d’atterrissage derrière la maison du PNJ, plusieurs zones de ce genre parsèment les planètes. Afin de l'appeler et de le démarrer, il va avoir besoin de se crafter un EMP. L'occasion pour nous de voir en profondeur les menus du titre, notamment le petit sac à dos et l'outil de craft. On est ici très proche de ce que l'on retrouve dans n'importe quel sandbox/craft, à savoir une structure d'organisation impliquant sac à dos, outils, formules, ingrédients. Pour fabriquer l'objet, Sean a besoin de Sillicone et de Plutonium. Il lance donc un scan de la zone afin de mettre en surbrillance les différentes formations qu'il est possible de miner pour récupérer les ingrédients. On s'y rend donc grâce à notre jetpack. Une fois crafté, Murray appelle le vaisseau qui, en quelques secondes, se pose sur la station. On apprécie au passage de voir un intérieur différent du modèle classique montré maintes et maintes fois auparavant. Il s'agit là d'un vaisseau scientifique, ce qui nous permet de deviner que certains vaisseaux seront plus ou moins amples en matière de stockage de matériel, ou plus ou moins performants en combat ou en exploration.
Nous passons donc l'atmosphère de la planète pour arriver sans transition dans l'espace rouge-violet de No Man's Sky. Sean nous présente quelques features de gameplay utiles, comme le minage d’astéroïde, essentiel à la préparation de sauts à la vitesse de la lumière (rappelez-vous que la finalité du jeu est d'atteindre le centre de l'univers). Autre moyen d'obtenir ces ressources : attaquer les vaisseaux de convoi, lesquels disposent de réservoirs qu'il est relativement facile d'exploser. Cette attaque génère d'ailleurs une arrivée des sentinelles qui vont chasser Sean et lui donner pas mal de fil à retordre. On a donc le droit à quelques combats spatiaux dont le constat est le même que pour les combats terrestres : ça à l'air extrêmement arcade et simpliste, mais c'est réactif et plaisant. Encore une fois, Sean laisse les sentinelles le descendre et se retrouve au cœur d'une station spatiale légèrement inspirée du Teth d'Oblivion. Dépeuplée et arborant un intérieur au style architectural proche de celui de l'Etoile Noire de Star Wars, cette station dispose d'une zone d'échange et de commerce, d'une zone de sauvegarde, et d'un petit hublot duquel Sean s'amuse à nous dire « regardez, on était là il y a quelques minutes » montrant le petit lopin de terre sur Balari V.
Maintenant que nous sommes dans l'espace, Sean en profite pour nous rappeler le but ultime de notre voyage, atteindre le centre de l'univers et, sur pression d'un bouton, nous fait entrer dans la carte de l'univers, un amas insensé de points lumineux que nous traversons jusqu'au centre qui garde encore à l'heure actuelle tout son mystère... Une séquence qui, si Elite : Dangerous n'avait pas été là, aurait sans doute généré un nouvel effet waouh auprès de l'audience. Une fois la présentation terminée, c'est sous les applaudissements que Sean Murrray nous invite à prendre place pour essayer le jeu sur PS4, et là, c'est un peu la douche froide...
Quelques minutes d'essai sur PS4 et pas mal de déception...
Nous avons donc pris place sur le build toujours en cours de développement de No Man's Sky, lequel tournait sur la console de Sony et non sur un PC survitaminé. Dès les premières secondes de jeu, plusieurs baffes viennent nous esquinter le visage. Les textures sont fades, les couleurs sont ternes, bien plus que sur le build PC montré précédemment, alors que nous sommes exactement sur la même planète, Balari V. On distingue un popping des éléments à distance limitée très présent, ce qui dans un titre basé sur l'observation et sur le craft risque d'handicaper quelque peu les joueurs. Plus gênant encore, le framerate est ici sur du 30 plus ou moins stable. Ce n'est pas une surprise pour un titre console, puisque les AAA y sont souvent cappés à 30 images secondes, toutefois le choc du passage PC-PS4 prend fait encore plus mal si l'on prend en considération les nombreux ralentissements que nous avons expérimenté. Gardons bien à l'esprit que le jeu dispose encore de 3 mois de développement si aucun report n'est annoncé, et que l'optimisation est souvent plus marquée en fin de développement qu'en début. Toutefois, il parait difficile pour la PlayStation 4 d'assurer sur un jeu d'une telle ampleur une qualité graphique élevée et une stabilité de rendement d'images.
Le feeling à la manette était bon mais les combats manquaient quelque peu de retour, de plaisir de jeu, comme nous avions déjà pu le voir sur PC. Un phénomène légèrement accentué sur un build tournant à 30 images secondes... Nous sommes d'ailleurs sortis des limites de ce qui était prévu par la démo en nous attaquant par exemple aux animaux. Leur réaction a été longue à se déclencher et un genre de tricératops géant a fini par nous attaquer en retour. Quelques balles de plus et son corps gisait au sol, l'occasion pour nous de remarquer qu'aucune XP ne nous avait été rétribuée et qu'aucun élément de craft n'était à notre disposition. Cela nous inquiète légèrement quant aux interactions avec ce monde fabuleux qui, en démo, rend terriblement bien, mais qui dès que l'on tente de sortir des limites, montre tout simplement que non, Hello Games n'a malheureusement pas pensé à tout ou ne veut pas que le joueur teste tout à l'heure actuelle. Après quelques discussions avec les membres de l'équipe de développement, on apprend, rassurés, que des renforts arriveront surement histoire de peaufiner le jeu de manière intensive, un luxe que cette petite équipe de moins de 20 personne mérite amplement face à un tel titre.
On ne sait trop quoi penser de ce que l'on a pu voir à l'heure actuelle de No Man's Sky. Présenté par son créateur, le jeu parait dantesque et dispose de features suffisamment rassurantes quant à la durée de vie et aux activités à faire dans le jeu. Son immensité, sa liberté de déplacement, son ambiance et sa méthode de création forcent le respect. Une fois manette en main, en revanche, on arrive rapidement à sortir des sentiers battus et à trouver quelques failles dans la formule, en plus d'être légèrement déçu et inquiet par rapport au portage PS4 du titre, toujours instable à trois mois de la sortie du jeu. Pas tout à fait catégorique sur la façon dont fonctionne l'aspect multijoueur, totalement mystérieux sur la finalité du titre (atteindre le centre de l'univers), Hello Games nous a une fois de plus mis l'eau à la bouche avec son jeu qui a le potentiel pour être un bac à sable incontournable, pour peu que vous ayez du temps devant vous et que vous soyez capable de bâtir votre propre histoire dans un monde aussi immense qu'incertain.