Kingdom Come : Deliverance sort aujourd’hui de son alpha pour entrer en bêta fermée. Kickstarté avec panache à plus d’un million de livres et soutenu par la suite avec quelques 2,7 millions de dollars, le RPG des Tchèques de Warhorse Studios dévoile une nouvelle étape de l’avancée de son projet : celui de nous proposer un jeu de rôle médiéval doté de la plus grande fidélité historique possible. À tous les amateurs de magie et autres créatures infernales à occire, soyez prévenus, vous trouverez certes des Donjons dans Kingdom Come, mais certainement pas de Dragons ! La tâche est très ambitieuse pour cette équipe composée d’anciens développeurs de Mafia, ArmA, Operation Flashpoint ou encore Crysis 3, puisque Warhorse souhaite faire vivre sous nos yeux un sandbox moyenâgeux cohérent, doté d’un système de combat technique et d’interactions sociales réalistes. Un rêve pour les férus de reconstitution médiévale dont nous vous proposons nos impressions depuis son tout dernier build en date.
La Bohème, la Bohème, ça voulait dire du réalisme !
Si l’on devait définir l’ambition première de Kingdom Come Deliverance (ou KCD), elle se résumerait avec le terme “immersion”. Vous comptez y trouver un RPG à la Elder Scrolls avec des combats à la Chivalery Medieval Warfare ? Vous faites fausse route ! Le titre vise le réalisme de tous les instants. Son but n’est pas de nous placer dans la peau de l’archétype classique du héros des jeux de rôle, mais dans celle d’un jeune homme assez banal plongé en plein coeur de la Bohème du 15 ème siècle (en 1403 pour être exact). Petit rappel, la Bohème était une région historique d'Europe centrale, dont la République Tchèque faisait partie à l’époque. C’est dans ce contexte historique riche et complexe en intrigues politiques que KCD déroule son contexte. Le joueur est plongé dans la peau d’Henry, fils de forgeron dont la famille a été massacrée par un assaut de bandits mené par Sigismund, le demi-frère de l’Empereur du Saint-Empire Romain. On va la faire simple, Sigismund est un salaud qui n’a pas hésité à enlever son frère pour mettre la main sur toutes les richesses du pays. Kingdom Come repose en ce sens sur l’histoire de la vengeance d’Henry, notre personnage certes imposé, mais dont l’évolution reste totalement libre au fil de nos actions, de nos hauts faits tout comme de nos méfaits. Ne vous attendez pas à affronter des armées en solitaire ou à devenir le monarque absolu de la zone, Kingdom Come serait plutôt une sorte de “Vis ma vie” de quidam banal au Moyen Âge.
Les développeurs entendant bien proposer une expérience digne d’un véritable retour vers le passé, de nombreuses recherches historiques ont été nécessaires pour retranscrire au mieux la cadre de l’époque. Bâtiments, châteaux, intérieurs, ambiance, ils est aujourd’hui encore possible de visiter les différents lieux du jeu (ou du moins leurs vestiges) si vous vous rendez en République Tchèque. Kingdom Come est donc comme une machine à remonter le temps, un jeu à mi-chemin entre l’expérience offerte par un Mount and Blade et un livre d’Histoire, en solo uniquement, pour notre plus grande peine car aucune fonctionnalité multi ou coop n’est prévue à ce jour au cahier des charges du projet.
À La pêche aux infos
En vrai sandbox, votre route n’est pas toute tracée dans Kingdom Come. Toujours dans un souci de réalisme, il faut aller à la pêche aux informations ! Le fil rouge de cette bêta consiste à enquêter et à retrouver Reeky, un bandit ayant participé au massacre et au pillage récent d’une ferme non loin de la petite bourgade rurale dans laquelle nous officions en tant que nouvelle recrue. Henry se transforme ainsi en véritable enquêteur grâce à ses dialogues avec les PNJ. Il est nécessaire d’aborder les phases de discussion avec un certain tact si l’on veut avoir la chance de récolter de précieuses informations. Qui est réellement Reeky ? Quelles sont ses habitudes ? Ou réside-t’il en temps normal ? Ce genre de renseignements se déduisent le plus souvent en partant de quelques petits détails balancés ça et là au milieu d’une conversation en apparence banale. Par rapport à l’alpha, cette bêta corrige en partie les problèmes de placement douteux de la caméra lors des phases de dialogues, même si le tout est loin d’être encore finalisé.
Warhorse souhaite avant tout privilégier la qualité à la quantité ; voilà pourquoi notre journal ne débordera pas sous un nombre insensé de quêtes. Il s’agit au contraire d’impliquer au maximum le joueur dans des missions ayant un réel impact sur le monde. Chaque quête de Kingdom Come offre de nombreuses méthodes de résolution, de la plus sanglante à la plus pacifique. Il n’y a pas de classe fixe dans le jeu, tout comme il n’y a aucune limite aux possibilités offertes pour arriver à vos fins. Avant d’être un valeureux guerrier, Henry doit avant tout manier l’art délicat de la récolte d’indices en ces temps médiévaux troublés par le conflit. La recherche de Reeky dans cette nouvelle phase de bêta correspond à cette philosophie du RPG prônée par le studio Tchèque. Au fil des interactions avec les PNJ, plusieurs options s’offrent à nous : les amadouer, les charmer, les convaincre, les aider, les menacer voire même les tuer. Le système de dialogue du jeu se base sur de multiples facteurs à l’impact direct sur nos actions. À quoi bon menacer un chevalier en armure si vous n’êtes habillé que de simples vêtements en tissu ? Revenez par contre avec une solide protection et une arme au poing et votre interlocuteur sera tout de suite plus enclin à cracher le morceau. Si elle nécessite encore du développement, la profondeur des mécaniques de jeu est donc palpable dans Kingdom Come.
Gaming Live de la bêta de Kingdom Come Deliverance
Les PNJ vivent tous selon leur propre cycle quotidien. Inutile donc d’aller chercher un forgeron de nuit dans son atelier puisque ce dernier sera probablement en train de dormir chez lui. Nos actions auront des conséquences directes sur le quotidien de la population ainsi que sur les évènements se produisant autour de nous. Débarrassez-vous d’une troupe de bandits de grand chemin et de nouveaux marchands arriveront peut être en ville, empoisonnez la nourriture d’un noble et admirez les conséquences de votre action sur ses sujets. On ignore pour le moment jusqu’où pourront aller ce genre de répercutions sociales puisque la zone à explorer reste encore limitée. On sait en revanche que nos choix lors des phases de conversation affectent directement nos relations avec les autres. Un manque de tact ou une trop grande insistance envers un PNJ et votre niveau de réputation en prend du plomb dans l’aile. Tout comme dans la vraie vie, il faut peser le pour et le contre avant de commencer à devenir trop curieux au risque de fâcher vos interlocuteurs. Il est possible de juger du niveau d’agacement d’un protagoniste par l’observation de ses expressions faciales ou par le ton qu’il emploie. Notez aussi que chaque village dispose d’une barre de réputation à notre égard dont la valeur est directement influencée par nos actes. Pillez, saccagez, tuez, et vous serez alors recherché en tant que bandit par la garde locale et constaterez l’impact direct de vos méfaits sur la routine des habitants et l’économie locale.
Si Kingdom Come ne propose pas de traditionnel système de classes, il nous oriente toutefois vers trois archétypes moraux : le chevalier vertueux, confiant en ses capacités et doté de bonnes aptitudes de persuasion par la force brute ; la voie du voleur, rusé, habile, n’hésitant pas à dérober des renseignements et à faire chanter ses interlocuteurs. Et enfin celle du Barde, charmeur, drôle, à l’aise face à la noblesse, mais toujours aussi fourbe pour obtenir ce qu’il souhaite.
Le poids des armures, le choc des épées
L’heure n’est plus à la vie paisible sur les terres rurales de Bohème, bandits et seigneurs corrompus règnent sur la zone. À côté de votre capacité à tisser de bonnes relations avec les PNJ, il faudra aussi savoir faire parler le fer. Attrapez une épée pour améliorer votre aptitude à la manier en combat, entraînez-vous avec un arc pour gagner en précision, le jeu prône une grande liberté pour son système de combat médiéval réaliste à la première personne. Il est probablement l’une des raisons principale d’intérêt des joueurs envers le projet Kingdom Come. Beaucoup espèrent y trouver un mélange de systèmes connus comme ceux de Chivalery ou de Mount and Blade. Si c’est en partie le cas, la surcouche de fidélité historique temporisent pour le moment le rythme du bal des épées qui s’entrechoquent. Les techniques de maniement des armes sont toutes basées sur la réalité militaire du 15 ème siècle. Non, vous ne virevolterez pas dans tous les sens dans des affrontements en mode ninja ! Si ce n’est pas réalisable dans la vraie vie, alors ce ne sera pas non plus possible dans Kingdom Come !
Dans ce souci absolu d’authenticité, les développeurs ont travaillé en étroite collaboration avec des experts en arts martiaux médiévaux. La palette de mouvements offerte au joueur est donc assez importante et surtout étroitement liée au type d’arme utilisé. Epées courtes, épées longues, marteau, bouclier, arc, arbalète, chaque catégorie d’arme possède ses avantages et inconvénients face à certains types d’armures ou d’adversaires. Il vaudra mieux privilégier un lourd marteau pour affronter un chevalier en armure ou une épée longue contre un groupe de bandits peu protégés. Le joueur est libre de se spécialiser dans différents styles de combats selon l’usage qu’il fait de chaque arme récupérée, offerte ou fabriquée par ses soins au cours d’un mini-jeu de craft. Gardez aussi l’esprit que Kingdom Come permet de ramasser tout l’équipement d’un adversaire tombé au sol, de ses différentes couches d’armures en passant par ses armes.
La bêta introduit entre autres nouveautés les haches, idéales pour rompre les boucliers ou briser les protections de maille. On retrouve toujours un système basé sur une roue centrale indiquant l’orientation de nos coups. Il est en ce sens important de toujours observer les réactions de l’adversaire afin de l’attaquer aux endroits où il ne se protège pas. Entre feintes, parades et ripostes, le système de combat offre une grande variété d'enchaînements. Chaque coup porté est basé sur un moteur physique d’impacts en temps réel. Nos armes peuvent donc se heurter à des plaques métalliques et créer un effet de recul ou bien briser certaines parties de l’armure de l’adversaire comme sa visière, ses spalières etc. On regrette pourtant un certain flottement dans le système de combat de ces premières versions du jeu, les différentes attaques ne sont pas toujours intuitives à réaliser et on s'aperçoit rapidement que les affrontement offrent bien plus de répondant à la manette plutôt qu’à la souris. La faute sans doute à une mauvaise appréciation des distances, une vitesse trop faible du curseur et à une absence de verrouillage lorsque plusieurs adversaires nous font face. Les amateurs de joutes médiévales hyper réalistes apprécieront ce type d’affrontements, tandis que les néophytes mourront sans doute de nombreuses fois avant d’en assimiler les arcanes.
Siège et batailles de masse
Absents de l’alpha, les batailles et sièges de forteresse débarquent dans la bêta. Que les choses soient claire, il n’y aura pas une abondance de grands combats dans Kingdom Come car ces batailles nécessitent beaucoup de préparation et de recrutement d’alliés. N’oublions pas aussi qu’il existe tout un tas d’autres options de résolution de conflit avant d’en arriver à cette situation. Nous avons néanmoins pris les armes avec une vingtaine d’hommes de chaque côté afin de tester pour la première fois cette fonctionnalité. On se rend vite compte qu’Henry n’est pas un puissant général ou un fier héros capable de foncer tête baissée dans les rangs ennemis. Nous sommes au contraire un homme tout ce qu’il y a de plus normal plongé au coeur des dangers d’un affrontement de masse. Qui est l’ennemi, qui sont les alliés ? L’attention doit être constante afin d’éviter d’attaquer son propre camp dans la fureur du combat. On note d’ailleurs que rien n’est scripté ici, la bataille se déroulera quoi que l’on fasse au moment prévu par notre seigneur.
Des paysages somptueux
Mis en scène par un moteur CryEngine poussé assez loin dans ses possibilités de rendu graphique, Kingdom Come offre des environnements convaincants à la grande liberté d’exploration. Si la bêta est toujours cloisonnée dans une zone fermée par des barrières provisoires, le studio nous promet un carte d’environ 9 km² dotée d’une imposante citée, de différents villages, châteaux, de multiples forêts, souterrains et catacombes à visiter. En comparaison, la map de Skyrim mesure 39 km², et celle de The Witcher 3 plus de 130 km². Certains pourront donc reprocher l’étroitesse du monde de Kingdom Come. Ce serait oublier les ambitions de Warhorse de privilégier la qualité à la quantité car cet environnement réduit leur permet de travailler plus en détails le réalisme historique des lieux.
Doté d’effets de lumière réussis, d’une végétation très fournie, de textures détaillées, le titre offre un rendu graphique se voulant à la pointe de l’industrie actuelle. Mais cela se répercute inévitablement sur ses performances d’affichage, même avec une puissante machine (GTX 980 Ti, 16Gb de ram, processeur à huit coeur) le jeu a bien du mal à maintenir les 60 fps. La phase d’optimisation sera donc cruciale si Warhorse veut diffuser son jeu au plus grand nombre sur PC. On espère aussi que les développeurs régleront les soucis de clipping et d’affichage tardif de la pleine résolution de certaines textures avant la sortie du jeu prévue pour l’été 2016 sur PC et un peu plus tard cette année sur PS4 et Xbox One. Notez que Kingdom Come sortira sous la forme de trois actes à parution espacée et que le sous-titre Deliverance marque donc son premier chapitre.
Réaliste, profond, agréable à l’oeil, Kingdom Come Deliverance complète petit à petit son très ambitieux cahier des charges moyenâgeux. Certes il reste encore du chemin à parcourir à Warhorse Studios avant de pouvoir nous fournir un produit répondant à toutes ses promesses, mais cette nouvelle bêta va dans le bon sens. Si nous apprécions le souci du détail constant mis en oeuvre dans ce RPG sandbox, on espère que le studio Tchèque arrivera à faire fonctionner entre eux les multiples mécanismes prévus pour la sortie du jeu. Un titre à suivre de très près pour tout amateur d’Histoire, de Moyen Âge et de RPG pointu. Notez que l’accès à la bêta du jeu est disponible pour les personnes participant au financement de ce dernier sur son site officiel.