Disons le tout de go , Far Cry Primal n'est pas un add-on ou une extension de Far Cry 4 il s'agit bien là d'un nouvel épisode de la franchise au monde ouvert à la première personne d'Ubisoft. Si cela pouvait vous sembler nébuleux jusqu'ici, vous voilà peut être rassurés. Far Cry Primal vous fait cette fois-ci voyager à travers le temps. Rendez-vous avec l'homme préhistorique, celui des plaines, cueilleur à l'occasion et grand chasseur de bêtes devant l'éternel. Vous rêviez de jouer Rahan dans un jeu vidéo ? Avec ce nouvel épisode Ubisoft semble avoir trouvé le tempo parfait pour jouer aux osselets et fendre les crânes au silex.
C'est sans complexe que Far Cry s'improvise comme un Assassin's Creed au ton martial de circonstance. C'est un fait, avec son autre open world, Ubisoft joue sa gamme monomaniaque des époques à découvrir sous les auspices discursives d'une narration où se mêlent secrets de templiers et rites ancestraux des sociétés haschischins, Assassin's Creed Syndicate et son Londres tout juste sorti de la vapeur nous le rappellent. Et si Far Cry prouvait lui aussi qu'il a son mot à dire, son histoire à raconter, sous le joug d'un temps altéré d'épisodes en épisodes ? C'est une question que l'on peut se poser après notre petite heure de jeu passée sur la version PlayStation 4 du soft venu de Montréal. Pour l'occasion ce Far Cry s'est trouvé un terreau matriciel tout choisi : on remonte à la sortie de l'Âge de Glace, là où les premiers hommes ont fait leur apparition, afin de marcher dans les premiers pas de la civilisation.
Peur Primale
Cela change-t-il quelque chose ? Indubitablement oui, puisque ce ne sont plus les pétoires, les explosifs et autres joyeusetés métalliques bardées de plombs que les héros du jeu pourront arborer fièrement à la ceinture dans des holsters usés par le sel marin d'îles paradisiaques en proie à la démence. Non. Primal a cette force brute et minérale qu'il déploie dès les premières séquences de gameplay qui s'animent à l'écran. Rassurez-vous Far Cry ne change pas pour autant la recette de son gameplay au point de se réinventer lui même. Il se transmute en usant du matériau historique pour transformer ses héros de films de série B en meneurs d'une Guerre du Feu en milieu sauvage. Et c'est d'abord le cadre, comme une unité de lieu centrale et primordiale que le soft laisse exploser à l'écran.
Entre le roc et la plaine, les rivières et les vallées enneigées, les pics rocailleux et les forêts luxuriantes, Far Cry Primal déploie son monde avec cette horizontalité qui invite à la découverte. Plus qu'un autre Far Cry, il tronque son modèle du tout connecté par les routes et les chemins pour laisser vivre le joueur dans un monde sans piste ni lois. Les joueurs de Far Cry 3 le savent, rencontrer une petite troupe de varans au détour d'un rocher pouvait virer au cauchemar, si les lézards décidaient de vous faire une fête du feu de Dieu, à vous en priver de peau le visage. Il faut imaginer Primal dans ce contexte, ultra-punitif, ou même un Ratel peut vous trouer la jambe d'un coup de dent.
Le monde d'Oros est infesté des animaux les plus dangereux de l'époque, des plus petits aux plus gigantesques des mammifères à défenses. Ce monde à l'état de nature est aussi habité par les hommes, et tout ce petit peuple cohabite et survit au gré d'un cycle jour/nuit des plus habituels dans les open worlds modernes. Pourtant, dans Primal le danger rôde toujours, il est tapis, veillant à vous prendre par surprise directement à la gorge. Vous incarnez Takkar dont la tribu a été décimée. Seul rescapé de votre village, vous voilà parti dans la steppe sortant tout juste d'un hiver ayant duré trop longtemps. Les joueurs retrouveront très rapidement les mécaniques de gameplay de Far Cry : une carte, une roue d'armement, des menus divers et variés permettant customisation des compétences de votre baroudeur vêtu de peaux de loups.
Ce qui frappera par contre d'emblée c'est cette page dédiée à des animaux que vous pourrez presque invoquer d'un sifflement. Cette caractéristique bien particulière dans le jeu est un talent, un talent qui s'acquiert dans certaines tribus dont celle des Wenja. Ces hommes primitifs avaient en effet un don pour apprivoiser les plus carnassiers des animaux et en faire leurs familiers. Grâce à cet art, le monde de Far Cry Primal s'organise d'une manière différente. Tigres à dents de sabre, loups, panthères, mammouths, peuvent être ainsi approchés dans leur biotope et être domptés afin d'accompagner Takkar dans son aventure. Les Wenja ont en effet appris à l'homme primitif qu'il suffisait d’appâter cette faune dangereuse pour ensuite les contraindre par la force de l'esprit à vous suivre. Bien sûr cela ne se fait pas sans risque, il faudra de la patience et un peu de minutie pour accueillir un nouveau familier dans ses menus. Un peu de discrétion aussi.
Animal factory
Ce qui prédomine dans Far Cry Primal c'est ce sentiment d'insécurité constant. Le moindre bruit peut alerter ou faire fuir les nombreuses espèces qui peuplent l'environnement vous entourant. Chasser ou être chassé est le paradigme qui définit l'aventure de Far Cry Primal. Comme un muscle qui se tend et se détend. On passe souvent de la quiétude contemplative du paysage à une charge de rhinocéros n'appréciant pas forcément que vous marchiez sur son herbe frâiche. Un coup de corne plus loin vous dégustez menu et êtes obligés de vous soigner si vous ne décidez pas d'attaquer le bulldozer à l'épaisse armure de chair sur laquelle trônent quelques flèches lâchées par d'autres aborigènes.
Ainsi approcher une bête de manière brusque alors qu'elle se repaissait tranquillement du morceau de viande fraîche que vous aviez posé au pied d'un arbre à son attention, c'est à coup sûr perdre sa trace dès qu'elle vous aura détecté. En prenant soin de ne pas l'alerter et après quelques gestes apaisants pour lui montrer votre volonté d'entrer en contact avec elle, la confiance se scelle et votre fidèle nouvel ami rejoindra les rangs de votre armée de poilus. D'une simple pression du pavé numérique de la manette vous pouvez faire appel à ces alliés puissants, chacun ayant des caractéristiques bien précises. Maxime Beland, développeur chez Ubisoft Toronto et chargé du développement de ce talent que lui préfère dans sa consonance anglo-saxonne « beastmaster » (le terme français pourrait être maître des bêtes), annonce avec enthousiasme la couleur.
On avait en tête plusieurs idées puis est arrivé sur le tapis cette idée de beastmaster, j'ai dit c'est ça, c'est ça que je vais faire pour ce jeu. On échange beaucoup entre Ubisoft Montreal et Ubisoft Toronto, il n'y a qu'une heure de voyage entre les deux villes. Mais après ce meeting je n'avais envie que d'une chose : rentrer à Toronto pour travailler sur ce concept. Et je ne voulais pas que les joueurs puissent dompter un seul animal, ou deux ou trois, je voulais qu'ils puissent aller le plus loin possible. C'est pour ça que nous sommes allés jusqu'à 14 animaux.
A travers cette idée, Ubisoft tente de donner de la consistance à un univers habité dans lequel les joueurs tenteront de survivre, seuls. La nature environnante est un terrain de jeu pour les chasseurs, eux-mêmes chassés par des tribus hostiles, qui ne font pas les fiers lorsqu'ils sont attaqués par des meutes de loups. C'est d'ailleurs un des traits les plus intéressants du jeu, l'univers de Primal vit autour de vous, par cycles et cercles de connivences et de répulsions, et c'est le joueur qui peut générer des interférences dans ces circuits chaotiques. Accompagné d'un ours, d'une panthère ou d'un loup forcément ça devient un poil plus amusant.
Nous voulions donner une personnalité spéciale à chaque espèce, chaque animal aura son truc à lui. Par exemple j'adore le tigre à dent de sabre, quand vous lui donnez l'ordre d'attaquer il part d'un seul coup et revient avec sa proie dans la gueule pour la déposer à vos pieds comme s'il voulait jouer. Pour l'ours, son comportement est aléatoire lorsqu'il est attaqué, avec sa corpulence il peut entrer en frénésie et détruire tout ce qui se trouve autour de lui. Une panthère, c'est autre chose, c'est plus subtil. Imaginez vous furetant dans les hautes herbes, vous essayez de passer discrètement dans un village, puis vous voulez attaquer d'un seul coup un garde, la panthère vous suivra pas à pas sans se faire remarquer puis dès que vous lui donnerez le signal elle sautera à la gorge de sa proie. Et puis si votre bête fait bien le travail vous pouvez la remercier en la caressant, c'est un truc marrant, vous n'êtes pas obligés de le faire, mais quand j'observe les joueurs jouer je remarque que beaucoup le font (il rit). D'ailleurs quand on a prototypé la première fois cette animation en interne, et qu'on l'a montrée, tout le monde, je dis bien tout le monde a adoré le principe. Maxime Beland
En plus de sa roue d'armement, ce sera donc aux joueurs de faire intervenir ses familiers dans les situations qui lui semblent les plus appropriées. Car des armes vous en avez dans Far Cry Primal. Bien sûr un arc tout ce qu'il y a de légitime dont vous pourrez même enflammer les flèches. Mais aussi beaucoup d'armes de corps à corps le jeu étant brutal à souhait avec quelques finish des plus gores en pressant R3. Les compétences de Takkar évolueront au fil de l'aventure selon les dispositifs entendus de Far Cry, à savoir une distribution libre de points laissée au choix du joueur. Et surtout le crafting semble pouvoir faire évoluer, en plus de votre armement, le monde qui vous entoure, peut être même sa « technologie ».
L'heure de jeu passée sur Primal est passée trop vite pour qu'on ne puisse saisir la teneur de cette possible évolution cohérente des zones pacifiées, mais si le jeu emprunte cette direction, il pourrait devenir un peu plus original encore. Et que serait un guerrier sans son animal totem ? En soufflant dans ses mains Takkar fait apparaître dans le ciel un hibou que l'on manœuvre dans les cieux, donnant via sa « vision d'aigle » si chère aux assassins, des informations sur le monde qui entoure notre héros. Repérer des déplacements d'animaux à chasser pour en récupérer la peau et la viande, définir si une embuscade peut nous être tendue, lorgner à l'horizon et apercevoir une créature fantastique à apprivoiser, tout cela est rendu possible grâce à ce point de vue oscillant, que l'on pilote aux joysticks. Histoire de prendre du recul et un peu de hauteur.
9 minutes de chasse et d'action
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Far Cry Primal a assez de potentiel pour réussir son pari de donner une autre vision de la série Far Cry aux joueurs. Brutal, surprenant et assez punitif, il révèle ce que bon nombre d'amateurs du jeu savaient déjà : la nature dans Far Cry est souvent plus impitoyable que les mitrailleuses des guérilleros que l'on peut rencontrer à bord de jeeps à des points de contrôle sur les autres épisodes du jeu. Munis de vos flèches et de vos silex, et de 14 autres armes animales, l'aventure pourra s'écrire avec un grand A si Primal a un scénario plein de punch, des tâches moins répétitives que dans les autres opus de la franchise et de nouveaux dispositifs à proposer à ses aficionados. Ce voyage dans le temps a en tous les cas attisé notre curiosité.