Sniper : Ghost Warrior ou la monographie du maniaque de l'infiltration. Peu aidé par ses itérations précédentes, le troisième épisode de la série reprend le concept du jeu pour l'exposer dans un monde plus ouvert. Entre ambivalences programmées, messages de la communauté reçus par les développeurs et anticipation des normes à venir du marché du jeu vidéo, Sniper : Ghost Warrior 3 joue la vision grand angle. La lunette est braquée sur l'horizon.
Trouver le juste milieu, l'équilibre, c'était un des buts recherchés par City Interactive, nous confiant lors de la présentation du jeu que la plus grande majorité du public de la licence est américaine. Une donnée qui semble anodine mais qui a son importance, surtout lorsque le soft vous met dans la peau d'un soldat américain des forces spéciales, perdu derrière les lignes ennemies. Première donnée, premier contact, et place à l'aménagement de vastes zones comme terrains de jeu. Sniper : Ghost Warrior 3 joue clairement la piste de l'open world, jouant du zigzag en forêt géorgienne comme d'une alternative ludique des couloirs épisodiques du second volet de la licence.
Fenêtre de tir : Monde ouvert
Dans ce monde régenté par un temps dynamique usant de la météo comme d'un artifice cosmétique, le jeu de City Interactive définit pour le joueur un décor plus organique qu'à l'accoutumée. Ce dernier est balayé par le vent ou la pluie, quadrillé par les conifères centenaires, les lits de rivières aux chenaux tapissés de pierres et bien sûr des troupes en armes par grappes aussi alertes qu'Usain Bolt sur la ligne de départ d'un 100 mètres aux Jeux Olympiques. Une mise en forme classique opérée avec transparence dans ce monde minéral.
Le territoire géorgien est en proie à la guerre civile. Des séparatistes russes ont annexé une partie du pays, dont des mines d'uranium jouant un rôle géopolitique primordial dans la région. Le but du joueur, pour le segment de jeu présenté : éliminer le général local résidant dans une zone protégée par des snipers à l'IA véloce. Pour y parvenir, le joueur pourra compter sur différents accessoires et capacités. Le Scout Mode par exemple est un des mécanismes qui polarisent le gameplay de Sniper : Ghost Warrior 3.
Activable à volonté, ce don particulier de notre sniper lui permet de révéler des traces de pas au sol et ainsi de traquer ses futures proies. De balayer les zones dans le réticule de son fusil pour marquer les cibles et ainsi les afficher sur sa mini-map. D'afficher via l'Extreme Navigation les éléments de décor lui permettant de réaliser des actions contextuelles comme de la varappe à flan de cascades ou d'escalader des pics rocheux en faisant apparaître en surbrillance les éléments interactifs du paysage.
Autre surcouche s'ajoutant à cette capacité de reconnaissance : un drone téléguidé. Ce petit appareil maniable est cependant visible et donc repérable par les soldats hostiles, à charge des joueurs de le manœuvrer dans la plus grande discrétion. L'objet volant peut aussi servir à hacker les postes ennemis que les utilisateurs pourront rencontrer sur leur chemin. Là encore le Scout Mode est activable durant son pilotage, localiser le poste de contrôle des serveurs permettra en une manipulation de couper le network d'une zone pouvant regrouper jusqu'à 3 ou 4 postes avancés.
Plus moyen pour les belligérants de sonner l'alarme, d'alerter les hélicoptères en patrouille ou de lancer des recherches dans les sous-bois à son activation. Sniper : Ghost Warrior 3 joue à ce niveau le paradigme de l'infiltration avec justesse. D'autant que pour cet opus, City Interactive veut laisser une liberté d'approche totale aux joueurs.
American Sniper
Définir ou prioriser ses actions ponctuelles est contextualisé via un système de sous-quêtes augmentant la portée générale du jeu, lui octroyant cette latéralité que les anciens épisodes avaient oublié dans leurs musettes. Se balader sur la carte agrée cette notion de va-et-vient incessant, libérée de toutes contingences liées aux scripts assassins. Le milieu arpenté est perclus de pièges comme des mines, de spots idéaux à des sommets escarpés pour réussir son long shot d'une balle dans la tête. Le crafting est en outre à l'ordre du jour pour doper les accessoires des fusils à disposition : snipers, pompes ou encore mitrailleuses.
Des safe houses disséminées dans les endroits reclus du décor constituent des points de ralliement pour les fast travels. Dans son arborescence de nouvelles possibilités, Sniper : Ghost Warrior 3 reprend les gimmicks de jeux comme Far Cry 4 ou Metal Gear Solid V : The Phantom Pain en idéalisant cette vision de l'open world sans pour autant partager la même ambition au niveau de la richesse du monde (au niveau des mécaniques de jeu et de la variété des dispositifs ludiques) de ces superproductions.
Nouveau moteur, nouveau démarrage ?
Sniper : Ghost Warrior 3 joue plutôt la narration intradiégétique de circonstance, obligeant les joueurs à s'employer à rester discrets, la lame entre les dents pour des assassinats au corps-à-corps ou à tenter des shoots grisants à 300 mètres des cibles. Aux joueurs de fixer leur paramétrage de visée afin de faire exploser les têtes. Portée, vitesse du vent, magnitude, balistique, chaleur, sont autant d'indices à prendre en compte pour réaliser le one shot. Les développeurs de City Interactive promettent une gestion de l'IA plus poussée qu'à l'accoutumée, des zones urbaines avec un aéroport servant d'aire de jeu dépaysante, contrastant avec le biotope forestier, et des patterns complexes pour sophistiquer les approches que les joueurs imprimeront dans leurs intentions de jeu.
Sniper : Ghost Warrior 3 tourne sur le moteur propriétaire de Crytek, le CryEngine 3. La version (une alpha) que nous avons pu observer était jouée devant nos yeux sur Xbox One et proposait des visuels pour le moins clairs et bien définis. Bien plus solide, techniquement parlant, que les anciens jeux de la licence, Sniper : Ghost Warrior 3 souffrait toutefois de quelques chutes de framerate bien loin d'être significatives pour entacher le plaisir que les joueurs pourront prendre sur le jeu mais contrastaient cependant le ressenti global en termes d'immersion. L'ambition de City Interactive est de définir une expérience de jeu homogène sur toutes les plates-formes, les versions consoles seront donc lockées, sur PlayStation 4 et Xbox One, à 30 fps. Pour ce qui est de la résolution, motus et bouche cousue à cet instant précis du développement. Sniper : Ghost Warrior 3 est prévu pour le milieu de l'année 2016.
Il est toujours malaisé de donner un avis sur un jeu que l'on ne peut tester pad ou souris en mains. « La connaissance s'acquiert par l'expérience, tout le reste n'est que de l'information » disait Einstein, et pour le coup Sniper : Ghost Warrior 3 reste une équation aux inconnues multiples. Dans la justification de son gameplay, le jeu de City Interactive manipule des éléments qui, pris à part, agissent comme des leviers laudatifs du matériau de l'open world, sans garantir que les alternatives ludiques se multiplieront dans la durée globale du soft. Sniper : Ghosts Warrior 3 ouvre les perspectives mais ne définit pas de narration puissante pour transcender son jeu. Il se limite parfois, selon nos impressions, à une phase séquentielle où le joueur devra chronologiquement : utiliser son Scout Mode, désarmer des mines et infiltrer une zone ou exfiltrer une personnalité retenue prisonnière par l'ennemi. Pourtant, sur le plan formel, le troisième épisode de la série rassure. Surtout si la mise en perspective s'établit vis-à-vis des premier et second épisodes de la franchise. En attente d'une véritable prise en main, restons pragmatiques, Sniper : Ghost Warrior 3 a l'honnêteté de jouer la carte du soft de niche en potentialisant son offre par des nouveautés qui pourraient lui donner un peu plus de peps..