Annoncé à la surprise générale en septembre, Assassin's Creed Chronicles : China ne déchaîne pas les foules : une annonce discrète sous forme de spin-off, des images rares, jeu offert pour les acquéreurs du season pass d'Assassin's Creed Unity... Un peu moins de deux heures de jeu nous auront pourtant suffi pour découvrir un titre charmant dont l'arrivée aussi tardive relève finalement presque de la surprise.

Shao Jun, jeune assassine chinoise du début du 16ème siècle n'est pas inconnue des aficionados de la série Assassin's Creed : Elle a déjà fait une première apparition dans le court-métrage animé Embers, qui raconte les vieilles années d'un Ezio profitant tranquillement de sa retraite dans la campagne toscane. De prime abord dédaigneux vis-à-vis de la jeune femme qui l'aborde pour profiter de ses savoirs, celui-ci va petit à petit reprendre son rôle de mentor et guider Shao Jun vers le rôle qui lui incombe.

Plus de trois ans après la révélation de ce personnage féminin au potentiel intéressant, Ubisoft a donc décidé d'offrir un rôle de premier choix à l'intrigante Shao Jun en la plaçant seule héroïne d'une aventure qui ne reprend que l'ossature des Assassin's Creed en proposant une forme alternative : exit l'open world et la caméra libre, bonjour l'infiltration en vue de côté. En apparence bien différente à cause de sa forme inédite, l'aventure n'est finalement pas si perturbante pour un habitué des escapades virevoltantes des manieurs de lames secrètes. Les assassinats discrets sont de la partie, fidèles aux techniques classiques de la série : depuis une corniche, une cachette, en surplombant votre ennemi ou tout simplement en le prenant par surprise. L'utilisation de leurres, la dissimulation de corps, les jauges de détection des gardes, le HUD uniquement amputé du radar ou encore la synchronisation suivie d'un saut de la foi font également partie du casting, et à raison : Se priver de ce qui fait l'essence d'un Assassin's Creed dans un spin-off qui en a fortement l'odeur reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

Parmi les éléments propres à cet opus figurent tout de même l'arrivée d'un cône de détection permettant de savoir si nous sommes dans le champ de vision d'un garde, la grimpette au plafond façon ninja, l'alternance entre les différents niveaux de profondeur du décor pour progresser dans le niveau, mais également des pièges sonores nous obligeant à rester vigilants pour ne pas attirer l'attention : rien de nouveau là non plus puisque ces mécaniques figurent pami les classiques des jeux d'infiltration en 2.5 D. Ne nous fourvoyons pas, Shao Jun sait tout de même se battre et peut tout à fait occire à la chaîne ses ennemis via un système de combat proche des fondamentaux de Unity : Contre basé sur le timing, ajout d'une pirouette (évoquant celles d'Ezio dans Revelations, le hasard fait bien les choses) permettant de passer de l'autre côté d'un ennemi et d'une technique pour l'achever au sol après l'avoir suffisamment affaibli. Reste à savoir si la progression dans la difficulté des combats suivra là aussi celle d'Unity, en apparence ardue mais finalement bien trop aisée quand votre personnage est correctement équipé. Sur les 4 niveaux explorés, le challenge était en tout cas suffisamment au rendez-vous pour nous inciter à tirer profit de la large palette de techniques discrètes de Shao Jun, plutôt que de se jeter dans la gueule du loup et d'y finir en lambeaux en voulant jouer les samouraïs virtuels. La faute en incombe sûrement à la vie très faible du personnage, qui ne survit pas à plus de trois coups à ce stade de l'aventure.

Plutôt courtes (10 à 20 minutes, à la louche), les missions sont divisées en différentes étapes faisant office de checkpoints et permettant de connaître notre niveau sur la courte séquence passée, dont la bonne idée est de récompenser les meilleurs joueurs quel que soit leur style de jeu. Un bretteur évitant les coups et plaçant les contres au moment opportun pourra décrocher l'or dans son domaine de combattant, là où un pur amateur de discrétion ne s'étant jamais fait repérer ramènera une belle médaille dorée que l'agent 47 lui-même convoiterait. Inutile de vous dire que vous avez tout intérêt à obtenir les meilleures récompenses possible puisqu'elles vous permettent d'obtenir de nouvelles compétences, des armes inédites et des techniques de combat toute fraîches.

Mais si Ubisoft vous annonce fièrement "Choisis ton chemin", le level design tout entier vous susurre doucement à l'oreille "Infiltre-moi, tout de suite, maintenant". Comment décemment ignorer ces pierres qui ne demandent qu'à écraser les gardes en dessous, pour peu qu'un malheureux couteau vienne trancher la lame qui les retient au plafond ? Se priver d'exploiter la profondeur des niveaux et leurs différentes couches pour fuir le regard des gardes qui choisissent, malotrus qu'ils sont, de regarder également par dessus les rebords et les fenêtres pour vous ôter de cette zone que vous estimiez à tort être un refuge imprenable ? Leurrer les gardes avec des pétards, cacher les corps et passer de cachette en cachette est assurément bien plus amusant que de choisir la voie du combat dans Assassin's Creed Chronicles : China.

Il serait d'autant plus dommage de se passer de cette technique de progression que certaines séquences ressemblent davantage à des courses contre la montre et permettent de changer le rythme de l'aventure : c'est le cas de celle que j'ai pu essayer, dans laquelle Shao Jun fuyait les flammes qui rongeaient un port local, moyen idéal pour Climax, les développeurs de cet opus de rappeler que la série continue d'injecter une dose de fiction dans la réalité historique. Le jeu prend alors la forme d'un runner qui continue toutefois de jongler sur les différentes strates du décor et l'adresse du joueur, ajoutant même un mécanisme de tacle-assassinat (Copyright Van Bommel) pour se débarrasser des gardes sans s'arrêter. Badass, mais un poil artificiel.

Que dire de plus sur cet Assassin's Creed d'un nouveau genre ? Que malgré sa structure en apparence moins ouverte, il propose comme ses grands frères des objectifs secondaires et des objets cachés à récupérer, que Climax a parfaitement cerné le cahier des charges d'Ubi en couplant des mécanismes déjà-vus de la série à d'autres approuvés des jeux d'infiltration en 2.5 D, mais aussi, et c'est plus surprenant que le titre est étonnamment discret au niveau artistique. Pas mauvais, simplement discret du fait d'un style comics techniquement minimaliste justifié par les deux opus qui suivront, India et Russia qui reprennent les trames de deux personnages issus des bandes dessinées Assassin's Creed. Attendez-vous donc à voir les charmantes aquarelles côtoyer des amas de gris brouillon déjà nettement moins sexy.