Sans doute le jeu de rôle le plus attendu de 2015, The Witcher 3 s'est enfin laissé jouer lors d'une longue session organisée dans les locaux de CD Projekt. L'occasion de vérifier que les espoirs placés en lui ne sont pas vains, bien au contraire.
Chez CD Projekt Red, l'ambiance est studieuse. Plus de 260 personnes s'activent actuellement pour terminer le troisième volet de la saga The Witcher, baptisé Wild Hunt. De loin le plus gros projet du studio, avec un développement simultané sur les trois machines new-gen et, pour la première fois, un monde ouvert. Dans cet épisode, Geralt vient en effet marcher sur les plates-bandes des RPG bac à sable, la série Elder Scrolls en tête. Un choix qui n'est pas sans inquiéter certains fans du loup blanc qui craignent qu'une liberté accrue se fasse au détriment de la narration. Au moment de voir la presse essayer pour la première fois leur bébé, on sent bien une petite pointe d'appréhension chez certains développeurs... Mais globalement le studio semble serein, confiant dans sa capacité à créer de grands jeux de rôle. Finalement, l'angoisse est plutôt du côté du journaliste-fan : Wild Hunt va-t-il être à la hauteur ? Aurais-je un PC ou une console pour jouer ? Ai-je bien éteint la gazinière en quittant la France ? Gloups.
Beau comme un loup blanc
Répondons d'emblée à la seconde question : The Witcher 3 était jouable sur les trois supports. J'ai pu essayer les versions PS4 et PC, au pad dans les deux cas – je ne suis donc pas en mesure de juger la jouabilité clavier / souris. Seule différence : de plus beaux effets au niveau des chevelures et fourrures sur PC, à condition de posséder une carte Nvidia récente, la chose étant gérée par le hardware. La version Xbox One devrait aussi être identique, si ce n'est qu'elle ne tournera pas en full HD. Voilà qui devrait ravir les don Quichotte pourfendant les moulins de la guerre des consoles. Mais peu importe la technique ; quelle que soit la machine, Wild Hunt est superbe dès les premières secondes. Qu'il s'agisse des visages hyper expressifs, de la végétation ultra fouillée ou des éclairages sublimes, le jeu en jette à tous les points de vue. Il offre en outre une grande profondeur de champ, ce qui permet de s'adonner à quelques séances contemplatives dès lors que le regard peut embrasser une vaste contrée. The Witcher 3 gagne donc son premier pari, celui de nous immerger totalement dans son monde grâce à sa beauté.
Un Witcher de famille
Cette démo permettait d'arpenter deux régions. Celle du prologue tout d'abord, qui débute par une séquence où Geralt se la coule douce à Kaer Morhen, dans les bras de Yennefer. Mais le sorceleur est appelé par un autre devoir, celui d'entraîner la jeune Ciri. Voilà qui permet de se familiariser avec le système de combat du titre. Les habitués de The Witcher ne seront pas dépaysés : on retrouve la même base de coups rapides / forts, de parades, d'esquives et de contre-attaques, ainsi que les cinq signes de magie (feu, télékinésie, etc.). Les coups peuvent provoquer paralysie, saignement, empoisonnement et autres joyeusetés selon les propriétés de la lame. Une jauge d'adrénaline se remplit en enchaînant les coups, et permet de faire plus de dégâts. Elle a aussi un impact sur les skills. Un petit tour dans la feuille de perso permet de voir que c'est assez classique de ce côté, avec 70 compétences comptant chacune 3 niveaux et réparties entre combat, alchimie, signes et une catégorie générale. Enfin, une arbalète se charge d'apporter un peu de variété. Les munitions de base, illimitées, ne font pas plus mal qu'une piqûre de mouche, mais les carreaux spéciaux peuvent la rendre mortelle.
Chasse au griffon
Car les dangers ne manquent pas ! Dès la suite du prologue, Geralt et Vesemir, partis sur les traces de Yennefer, sont confrontés à l'élimination d'un griffon pour le compte des Nilfgaardiens, alors maîtres de la Témérie. Une mission qui comporte plusieurs sous-quêtes : trouver de quoi appâter le monstre, dégoter son nid... Les alentours de White Orchard ne manquent d'ailleurs pas d'autres tâches secondaires, qu'il est bon d'accomplir avant d'affronter la bête. L'occasion de vérifier que les quêtes sont toujours aussi bien écrites, avec diverses solutions pas forcément bonnes ou mauvaises. C'est le cas de l'histoire de ce forgeron nain persécuté par la population – The Witcher 3 baigne toujours dans l'atmosphère sombre de ses prédécesseurs. L'aider à trouver l'incendiaire de son échoppe permet de faire appel à ses services, mais les conséquences de ce choix laissent un goût amer dans la bouche... Bref, Wild Hunt n'a rien de manichéen. Une petite discussion avec Jakub Szamalek, un des écrivains, m'a d'ailleurs permis de constater tout le soin apporté à l'intrigue, aux intrigues même, puisqu'il a confirmé que le jeu propose un total de 36 embranchements, pour 3 épilogues complètement différents.
The King's Gambit
Cette richesse était perceptible dans la seconde partie de la démo avec une quête intitulée The King's Gambit. Le loup blanc est alors à Skellige, les îles du Nord, où les jarls des différents clans sont accueillis par Crach pour élire un nouveau roi. Mais le banquet est brutalement attaqué par trois ours ! Le joueur doit alors choisir entre enquêter sur cette mystérieuse apparition en compagnie de Cerys, la fille de Crach, ou accompagner son fils Hjalmar dans sa soif de vengeance. La première option permet à Geralt de faire usage de ses sens de sorceleur, qui font apparaître les indices en surbrillance. La séquence n'en est pour autant pas dépourvue d'action, puisqu'elle se termine par une poursuite à cheval épique. L'autre segment débouche sur une conclusion différente, avec le couronnement d'un autre roi. Enfin, ne pas faire cette quête aboutit à un troisième dénouement, l'inaction ayant, elle aussi, ses conséquences... Bref, nous voilà rassurés sur l'aspect narratif : The Witcher 3 propose une structure ouverte, certes, mais le jeu n'a pas perdu son identité pour autant. Le tout était servi par de nombreux dialogues plutôt bien doublés dans la version anglaise. Pour finir sur les quêtes, notez qu'il sera toujours possible de créer ses propres aventures grâce à l'outil fourni par CD Projekt.
Dernière ligne droite
Reste quelques zones d'ombre que cette démo n'a pas permis de dissiper. Le scénario, tout d'abord, demeure auréolé de mystère. Quelles sont les motivations de la Chasse Sauvage, ces cavaliers spectraux annonciateurs de malheurs ? Et quelle est la place de Geralt dans leurs plans ? Il faudra attendre la version finale pour répondre à ces questions. Côté gameplay, je n'ai pas pu tester l'artisanat en profondeur faute de matériaux et de temps. Quant au Gwent, le jeu de cartes de la taverne, il plantait. Le jeu souffrait d'ailleurs de quelques bugs, de collision et de caméra notamment, mais CD Projekt a encore quatre mois pour peaufiner tout ça, le soft ayant récemment été repoussé à fin mai. Tant mieux : The Witcher 3 semble déjà très bon, mais nous avons envie qu'il soit parfait ! Après quoi, promis, le studio va pouvoir travailler sur Cyberpunk...
Ce n'est pas vraiment une surprise, mais cet essai de The Witcher 3 confirme que le nouveau bébé de CD Projekt sera un sérieux prétendant au titre de jeu de rôle de l'année. Bénéficiant d'un système de jeu robuste, d'une plastique aguicheuse et d'un aspect narratif abouti en dépit de son ouverture, Wild Hunt nous a immédiatement séduits.