Lorsque LucasArts sortait Grim Fandango en 1998, les joueurs ne savaient pas encore qu'il s'agirait du dernier jeu d'aventure de la compagnie, celui qui viendrait mettre un terme à une décennie considérée par beaucoup comme l'âge d'or du jeu d'aventure. Comme un final en apothéose, Grim Fandango nous offrait une virée complètement folle au pays des morts dans une ambiance mexico-jazzy-film noir. Aussi détonnant et rafraîchissant qu'une Margarita frappée, Grim Fandango était né de l'imagination débordante de Tim Schafer, un nom également associé à Monkey Island 2, Day of the Tentacle ou encore Full Throttle. Bien des années plus tard, le conteur revisite son jeu culte à travers une remastérisation longuement attendue.
Certains jeux obtiennent leur remastérisation moins d'un an après leur sortie initiale. Pour d'autres, comme Grim Fandango, il aura fallu patienter plus de quinze ans. Et dans le milieu du jeu vidéo, quinze ans représentent une éternité. Si plusieurs générations sont passées, le souvenir de Grim Fandango demeure comme celui d'un grand titre, ambitieux, intelligent, drôle, superbement écrit et richement mis en musique. Bref, Grim Fandango est l'un des enfants prodiges du jeu d'aventure n'ayant finalement qu'un gros problème : celui de ne plus être jouable aujourd'hui, faute de technologie adaptée. La remastérisation est donc salutaire pour à la fois retrouver, mais également présenter à ceux qui ne le connaissent pas encore, ce bon vieux Manny Cavalera, agent de voyages au pays des morts.
La mort lui va si bien
L'aventure de Grim Fandango est en effet celle d'un agent de voyages chargé de vendre aux nouveaux arrivants, donc aux fraîchement décédés, un moyen de locomotion qui leur permettra d'atteindre le Neuvième Monde le plus confortablement et le plus vite possible. Mais Manny n'hérite que des clients les plus démunis, même pas capables de s'offrir une voiture pour le voyage. A l'inverse, son collègue Domino reçoit étrangement tous les bons clients à qui il peut vendre une place dans le Neuf Express, un train de luxe capable d'atteindre le Neuvième Monde en quatre jours seulement au lieu des quatre ans nécessaires à ceux qui partent à pied ! Une magouille est clairement en place dans le bureau du pauvre Manny, et il faudra la mettre à jour dans un incroyable voyage s'étalant sur quatre années riches en rebondissements et en rencontres inoubliables. Avec son chauffeur démon Glottis, Manny nous conduit ainsi dans un scénario déjanté où énigmes tordues permettent de faire avancer l'intrigue et où culture aztèque enlace le swag d'un film noir dans un tango langoureux.
Mais inutile d'en dévoiler plus sur le scénario pour le moment, nous connaissons le jeu et savons donc qu'il n'y a aucun souci à se faire à ce niveau-là. En fait, cette première prise en main de Grim Fandango Remastered visait surtout à déterminer si cette nouvelle version mérite réellement le troisième mot de son titre. Quel travail a pu effectuer Double Fine Studios pour mettre au goût du jour le fameux jeu ? Le plus évident reste bien sûr la refonte graphique. S'il ne faut pas s'attendre à une transformation à la Cendrillon, le jeu profite d'un lissage visuel bienvenu, notamment sur les personnages qui se trouvent donc affinés et affichent plus de détails grâce à des textures en haute résolution. A l'inverse, les décors n'ont pas été retouchés plus que cela. Puisque tout avait été fait en 3D dès le départ en 1998, l'équipe a dû choisir entre tout reprendre à zéro, c'est-à-dire tout remodéliser et donc doubler, voire tripler le temps et le budget de développement, ou simplement réutiliser les arrière-plans d'origine en montant d'un cran la résolution. C'est cette seconde option qui a été choisie. Si sur Vita, le résultat reste tout à fait acceptable, et même plutôt joli, ce n'est plus forcément le cas sur PlayStation 4 où les décors se montrent plus flous et tranchent clairement avec la finesse des personnages. On imagine qu'il en sera de même sur les versions PC et Mac que nous n'avons malheureusement pas pu voir.
Le fait d'avoir conservé les décors d'origine trouve une répercussion sur l'affichage général puisque le jeu ne tourne pas en 16:9 mais en 4:3 avec deux larges bandes noires verticales qui viennent se glisser de part et d'autre de l'écran. Il est toutefois possible d'habiller ces bandes par un petit motif aztèque ou d'étirer l'image pour remplir l'écran, ce qui n'est pas très joli et rend Manny encore plus rondouillard qu'il ne l'est déjà. Nous ne crierons pas au scandale, le format 4:3 n'est finalement qu'une habitude à prendre et nous devrions finir par l'oublier assez rapidement.
Pour terminer sur l'aspect graphique, Grim Fandango Remastered s'inspire d'autres remastérisations du genre et propose l'option rigolote de pouvoir passer à la volée de la version originale à la version retravaillée. Cela permet de mesurer le travail accompli et de constater par exemple l'ajout d'ombres portées.
Des contrôles plus souples
De grands efforts ont aussi été fournis sur les contrôles, peut-être le point faible du jeu original. La nouvelle version propose donc plusieurs aménagements à ce niveau. Désormais, les joueurs peuvent choisir entre un maniement relatif au personnage ou à la caméra. Sur la version jouée, seuls les contrôles relatifs à la caméra étaient implémentés occasionnant quelques difficultés à se déplacer gracieusement après un changement de plans. Il est possible que l'autre option de contrôle soit donc plus adaptée. A voir. En plus de ces deux modes de jouabilité, les versions qui le permettent proposent aussi une refonte totale du gameplay pour le transformer en véritable point and click. En d'autres termes, que ce soit sur Vita, PC ou Mac, il est possible de jouer à Grim Fandango d'une tout autre manière, à la pointe de sa souris, ou en tapotant directement l'écran tactile de la portable. Cette option offre un confort indéniable dans la progression, qui conviendra évidemment à tous les vieux de la vieille déjà habitués à pointer et cliquer. Dommage que la PlayStation 4 ne puisse en profiter…
Enfin, Grim Fandango Remastered a le bon goût de proposer de nombreux commentaires audio de ses créateurs. A l'instar des éditions spéciales de Monkey Island, il suffit d'appuyer sur une touche pour déclencher une anecdote ou un commentaire pertinent sur les coulisses du titre. Les fans apprécieront, à n'en pas douter !
L'appréciation oscille entre le très bon et le simple bon. En effet, si cela fait vraiment plaisir de retrouver l'ami Manny après tant d'années d'absence et s'il ne fait aucun doute que l'on revivra avec lui la même grande aventure que l'on a aimée au temps jadis, une partie de mon petit cœur de fan aurait voulu un remake encore plus poussé avec notamment une refonte complète des graphismes. Cela n'empêchera pas d'attendre avec beaucoup d'impatience la sortie de Grim Fandango Remastered, programmée à fin janvier 2015. Nous serons alors nombreux à fêter la journée des morts le sourire aux lèvres, en profitant de nombreux commentaires audio durant la partie et de la souplesse offerte par les nouveaux contrôles. Tout cela, au son de l'une des meilleures bandes originales jamais composées, entièrement réenregistrée pour l'occasion !