Cela fait 13 ans que nous n’avons pas bondi de mur en mur dans la peau du prince de Perse. Alors qu’un remake des Sables du Temps – au développement tumultueux – a été annoncé en 2020, Ubisoft dévoile la venue d’un véritable nouvel épisode. Oubliez le jeu d’action-aventure en full 3D, l’éditeur français a souhaité revenir aux sources. Celles situées sous le sable iranien, en 2.5D, pour un Metroidvania exaltant.
Nous avons participé à une visite des studios d’Ubisoft Montpellier ainsi qu’à deux sessions de jeu hands-on. De quoi explorer quatre biomes différents et battre deux boss imposants. Nous avons également pu discuter avec Abdelhak Elguess (producer) et Christophe Pic (World director).
Sommaire
- Retour gagnant
- La lame entre les dents
- Ciel clair, temps clair
- PoP culture
Retour gagnant
Cela faisait un petit moment que nous n’avions pas eu de nouvelles du studio montpelliérain d’Ubisoft. Nous savons désormais pourquoi : il concoctait à l'abri des regards le grand retour de la série Prince of Persia. En développement depuis le mois de janvier 2020 par une équipe aujourd’hui composée d’une centaine d’artistes, Prince of Persia : The Lost Crown abandonne l’action-aventure en 3D intégrale pour miser sur le Metroidvania “action adventure platformer” en 2.5D. À première vue, ce choix sonne comme un retour aux sources, puisque nous suivons les actions du héros avec une caméra en vue de profil, comme à l’époque où Jordan Mechner nous initiait aux charmes de la série en 1990 sur Apple II. De la plate-forme et des pièges vicieux, le futur titre d’Ubisoft en a à revendre, oui. Il serait malgré tout injuste d’affirmer que l’éditeur français n’a pris aucun risque en se focalisant sur une formule vieille de plus de 30 ans. En réalité, The Lost Crown respire la modernité.
Prince of Persia : The Lost Crown se déroule à Mount Qaf, le lieu des Simurgh, les Dieux du temps. Sargon, le héros, fait partie d’un groupe qui s’appelle les Immortals. Leur mission ? Protéger cet endroit sacré. Bien qu'étant le plus jeune de la bande, Sargon est décrit comme courageux et puissant. Un jour, la reine demande aux Immortals d’accepter une mission de sauvetage : celle de la libération du prince Hassan… le temps se met à dérailler, et notre héros va devoir affronter de nombreux dangers. Il va également devoir réévaluer ce qu'il considère être sa famille.
Les architectes le savent : pour qu’un palais passe l’épreuve du temps, il a besoin de fondations solides. Ici, les équipes d’Ubisoft construisent une expérience qui s’appuie sur les quatre piliers que sont la narration, l’exploration, la plate-forme et le combat. Grâce à ses nombreux mouvements (saut, dash, téléportation, bond contre un mur, glissade), le protagoniste principal de cette épopée, répondant au doux sobriquet de Sargon, virevolte dans les niveaux telle une feuille de tulipe soufflée par le vent. La palette d’actions permet aux level designers de montrer l’étendue de leurs talents. Les quelques niveaux que nous avons parcouru respiraient l'intelligence dans leur construction et utilisaient astucieusement toutes les compétences du héros. Mieux, certains endroits font la part belle à du platforming hardcore ne laissant aucune place à l’erreur pour des séquences qu’un Rayman ou un Super Meat Boy ne renieraient pas. Les amateurs de “try hard” qui apprécient être malmenés dans des endroits bourrés de marteaux-pilons, de piques tranchantes et de plates-formes à activer en tirant sur des mécanismes grâce à des flèches d’arc bien plantées en auront pour leur argent.
La lame entre les dents
Metroidvania oblige, Prince of Persia : The Lost Crown propose de l’exploration à l’intérieur de labyrinthes tentaculaires, des puzzles retors à résoudre, mais aussi des combats. De notre point de vue, Ubisoft fait ostensiblement pencher la balance du côté des affrontements. Ces derniers sont, en effet, nombreux et assez intenses. Presque tous les éléments du gameplay de cet épisode tournent autour des rencontres musclées. Tout d’abord, chaque mouvement a son utilité face aux hordes d’adversaires à combattre. Un ennemi porte un bouclier ? Pourquoi ne pas se téléporter derrière lui afin de tester la résistance de sa colonne vertébrale ? Un boss gigantesque charge ? Glisser entre ses pattes pour donner un coup d’épée dans son flanc est une bonne stratégie. L'utilisateur bénéficie d'une garde et d'un Chakram à lancer contre ses poursuivants. Enchaîner les adversaires dans des combos dévastateurs devient vite une seconde nature : il est aisé d’envoyer un ennemi en l’air, de le blesser à l’arc, puis de le finir avec ses lames. Le soft dispose de tout un tas d’éléments personnalisables afin d’assurer au joueur des affrontements qui correspondent à sa manière de s’amuser.
Grâce à un système d’amulettes à trouver puis à équiper (une quarantaine à trouver, le nombre à équiper simultanément varie en fonction des aptitudes débloquées), Prince of Persia s'adapte aux envies du joueur. En combinant les bonnes compétences, il est possible de créer des “build” ravageurs. “On est des joueurs de Metroidvania et de platformer, mais on revient aussi à l’identité de la marque Prince of Persia avec une certaine rudesse intéressante à explorer” signale Christophe Pic, world director du projet. "On a essayé de retrouver ça et de le moderniser. En ajoutant de la créativité dans les phases de combat, du déplacement acrobatique et des combinaisons afin de permettre aux joueurs d’avoir leur propre façon de jouer".
Le petit détail qui nous a semblé particulièrement intéressant, c’est la manière dont les développeurs ont trouvé une façon astucieuse de forcer le joueur à prendre des risques. Infliger des coups fait monter une jauge qui permet d’utiliser des pouvoirs puissants (d’attaque ou de soin). En recevoir la fait baisser. Cela signifie que si le héros se trouve à court de potion et que sa survie ne repose plus que sur un sort soin, alors il est contraint de réussir quelques enchaînements sans se faire blesser. Cette mécanique rend les combats de boss particulièrement intenses mais récompense la prise de risques. L’univers du jeu abrite des endroits où il est possible de se recharger en potions et d’effectuer des voyages rapides.
Ciel clair, temps clair
Comme nous l’avons expliqué, Sargon dispose de pouvoirs qui peuvent être combinés pour créer des chorégraphies mortelles. En ce qui concerne la gestion du temps, le pouvoir de rewind a été attribué à l’antagoniste principale. Néanmoins, à tout moment, le joueur peut créer une empreinte de son avatar dans le monde pour s’y téléporter quand bon lui semble. Cette mécanique, pratique en combat, est surtout un outil indispensable à la réussite de certaines énigmes. “Une des choses que nous voulions, c’était d’avoir le contrôle tout le temps. Quand on rewind, on rewind tout ce qui se passe. Il y a donc un moment où on est passif. Pour nous, la téléportation est une modernisation du rewind. C’est une façon maline de lui rendre hommage” nous explique Abdelhak Elguess, producer du projet. Nous avons également entendu parler d’un pouvoir piégeant les ennemis dans une autre dimension.
Durant une démo hands-off, nous avons aperçu un onglet “Skins” en bas à gauche de l’écran. Abdelhak Elguess nous a rassurés pendant notre interview : il n’y aura pas de microtransactions. Des skins bonus seront juste proposés à ceux qui décident de craquer pour la version Deluxe.
Du temps, le joueur va clairement en perdre pour explorer de fond en comble les artères de cet univers. Une carte est heureusement présente pour aider les aventuriers, dont des morceaux sont à acheter auprès d’un PNJ. Les développeurs ont directement intégré au jeu un système de “photographie” permettant de garder en mémoire différents screenshots. Voilà qui est utile pour garder la trace d’un puzzle ou d’un mécanisme qu’il n’est pas encore possible d’activer. En outre, The Lost Crown disposera de deux modes d’exploration : un pensé pour les amateurs du genre et un autre imaginé pour les néophytes. “Il y a beaucoup d’exploration à la Hollow Knight, c’est pour cela que nous avons deux modes d’exploration” explique Abdelhak Elguess. Il ajoute : “les gens qui sont plus à l’aise avec ce genre, qui aiment se perdre, qui aiment chercher ont le mode de jeu par défaut. C’était hyper important de garder ça dans l’ADN de notre jeu. Mais, nous voulions aussi démocratiser le genre en ajoutant un mode avec une aide à la guidance. On ne dit pas “va là, là, là”, on veut respecter l’intelligence du joueur, mais on lui donne des clés pour l’aider s’il n’est pas à l’aise avec le genre”.
PoP culture
Prévu pour tourner en 60fps même sur une Switch, console de Nintendo qui est d’ailleurs la machine cible, le futur soft d’Ubisoft est malgré tout agréable à l'œil dans la version PC que nous avons testée. Nous constatons un mix d'éléments 2D style artworks pour le background avec des éléments en 3D. Même s’il n’est pas révolutionnaire d’un point de vue purement technique, The Lost Crown parvient à laisser une bonne impression grâce à sa fluidité exemplaire. Les anciens regretteront une direction artistique qui s'éloigne du jeu d'origine, mais Ubisoft a fait le choix de la modernité même dans le design de ses personnages. Le jeu s’inspire de la Perse, de ses contes, de ses légendes et de son folklore (revu et corrigé) pour mettre en place des mondes interconnectés variés. Durant notre démo, nous avons parcouru les ruines d’un palais, une forêt, une prison et un désert. “Pour le world, nous nous sommes inspirés de la Perse. Nous avons des endroits étonnants. La mythologie est riche, et nous avons pioché des endroits avec de véritables contrastes visuels, organiques et architecturés, des endroits ouverts pour jouer sur les mouvements, d’autres plus fermés se focalisant sur les combats. Cela nous a permis de créer du contraste et de la variété” nous explique Christophe Pic.
En ce qui concerne l’ambiance sonore, celle-ci était impeccable durant notre essai. Nous avons appris que les musiques d’ambiance étaient composées par une artiste iranienne (ouf, nous pouvons oublier le son hip-hop du trailer), tandis que les thèmes des boss étaient faites par le décidément très prolifique Gareth Coker (Halo Infinite, Ori and the Will of the Wisps). Puisque nous évoquons les boss, ces derniers sont impressionnants. À l’instar d’un Metroid Dread, ils demandent un apprentissage des patterns ainsi que de beaucoup de doigté pour être vaincus. Le style du jeu s’inspire des comics et des animés japonais dans ses cutscenes, mais aussi dans ses effets spéciaux. À titre d’exemple, les super attaques rappellent celles que nous pouvons voir dans des épisodes de Dragon Ball Z. Fans de versus fighting, les vétérans du studio ont aussi veillé à ce que le rythme soit toujours soutenu pendant les combats grâce à des animations keyframe précises. L’équipe déclare que ce Prince of Persia puise dans la pop culture dans le but de moderniser sa présentation. Il suffit de voir le look du héros, très inspiré de celui de Jago (Killer Instinct), pour s’en rendre compte.
Voilà qui fait plaisir. Avec ce nouveau Prince of Persia, nous retrouvons l’Ubisoft que nous aimons, celui qui n’a pas hésité à prendre des risques avec une série mythique qui existe depuis 30 ans. S’appuyant sur les meilleures références du genre tout en apportant sa touche personnelle, ce Metroidvania musclé nous paraît pour le moment impeccable. Bien sûr, il y a encore beaucoup de choses à vérifier, mais pour le moment, nous sommes diablement conquis. Prince of Persia : The Lost Crown sortira le 18 janvier 2024 sur Nintendo Switch, Xbox Series X/S, PlayStation 5, Xbox One, PlayStation 4 et PC.