La dernière incursion vidéoludique d’envergure en Terre du Milieu remonte à 2017 avec Shadow of War des studios Monolith Productions pour le compte de Warner Bros Games. Six ans plus tard, Daedalic Entertainment et Nacon joignent leurs forces pour investir l’univers de J. R. R. Tolkien le temps d’un jeu d’action-aventure centré sur un personnage iconique de la saga… Gollum.
Lors d'un événement organisé par Daedalic Entertainment à Hambourg, la rédaction de JV a pu découvrir Le Seigneur des Anneaux : Gollum lors d'une session de jeu d'une durée de 45 minutes sur PC couvrant partiellement les chapitres 3 et 7.
Une histoire originale
Avant toute autre chose, il est bon de rappeler que The Lord of the Rings : Gollum n’est canon ni aux films de Peter Jackson, ni aux récits de J. R. R. Tolkien. Il n’en demeure pas moins que les scénaristes ont tout mis en œuvre pour intégrer leur jeu d‘action-aventure dans le lore de la Terre du Milieu sans créer d’incohérence. Le titre de Daedalic Entertainment s’intercale entre les événements du Hobbit et ceux de la trilogie du Seigneur des Anneaux, et narre la sombre histoire de Gollum (aka Sméagol de son nom de Hobbit). Ce dernier ère en Mordor, et tente de fuir les geôles de Barad-dûr, la demeure de Sauron, après avoir été capturé par ses légions d’Orcs.
L’une des principales forces du jeu réside dans cette volonté de ne faire qu’un avec l'œuvre littéraire, de s’y intégrer pleinement, et de lever le voile sur une période méconnue de l’Histoire de la Terre du Milieu. Cette nouvelle adaptation vidéoludique s’empare ainsi des 70 années séparant les quêtes de Bilbon et Frodon Sacquet avec pour seul prisme… celui du tristement célèbre Hobbit prénommé Sméagol. Malheureusement, les tentatives de mise en scène dont nous avons été témoins ne parviennent que trop rarement à rendre justice à ces élans narratifs. Seules quelques cinématiques ainsi que des champs contrechamps bien trop abrupts tentent de mettre en image la vie de Gollum pour un résultat loin d’être à la hauteur.
Fidèle à sa volonté de s’éloigner de la saga cinématographique et de renouer avec l’univers “papier”, les artistes de Daedalic se sont majoritairement inspirés des illustrations de John Howe et Alan Lee qui ornent les romans. Le Seigneur des Anneaux : Gollum s’imprègne des visuels qui ont nourri les imaginaires des fans depuis des décennies, et cela donne à la direction artistique du jeu un cachet singulier, loin des autres productions prenant pour cadre la Terre du Milieu. Néanmoins, les errances techniques, les multiples bugs et le niveau général du titre laissent une impression tenace d’être face à une aventure enchaînée à un passé révolu. Que ce soit les environnements, les animations, les personnages… tout semble appartenir à l’Histoire.
Une aventure schizophrène
Au petit jeu des comparaisons faciles, Le Seigneur des Anneaux : Gollum semble avoir pris pour modèle la saga Styx (Master of Shadows, Shards of Darkness) des studios Cyanide. Dans les faits, il existe de nombreux points communs entre ces deux titres, même si celui de Daedalic Entertainment parvient à se détacher de son illustre prédécesseur. Nous sommes en présence d’un jeu d’action-aventure linéaire découpé en chapitres et mâtiné de phases d'infiltration. Gollum n’est clairement pas une force de la nature et doit faire preuve de roublardise pour survivre. Il se faufile dans l’ombre, distrait les gardes, prend des chemins détournés, et tente par tous les moyens de rester discret.
L’exploration est supposément au cœur de l’expérience, et il est vrai que notre héros découvre à sa manière certains des lieux les plus iconiques de la Terre du Milieu (Barad-dûr, Royaume Sylvestre, etc.). Cependant, les aptitudes en Parkour de Gollum se heurtent à un gameplay bien trop rigide et contre-intuitif, bien qu'inspiré des maîtres du genre (Uncharted, Tomb Raider). Les phases de plateforme en deviennent laborieuses ce qui n’invite en aucun cas les joueurs à faire preuve de curiosité. De plus, notre protagoniste peut à de rares occasions laisser exploser sa rage et éliminer furtivement un ennemi. Attention toutefois, se faire repérer est synonyme de fuite, voire pire de mort. L'intelligence artificielle des ennemis repose ici sur la vue, mais aussi sur une ouïe extrêmement fine. Le moindre bruit est donc susceptible de donner l’alerte. En résumé, le jeu de Daedalic s’avère pour le moment peu innovant d’un point de vue ludique, sans même aborder la mise en pratique qui est hautement perfectible.
Néanmoins, le personnage principal donne aux designers la possibilité d’épicer l’aventure avec une dimension "schizophrène". Gollum et Sméagol sont deux êtres disctincts possédant leur propre psyché, leur propre vision du monde. Le premier est particulièrement retors tandis que le second est froussard par nature. Cette dualité est transposée en jeu via des séquences prenant la forme de “débats” qu’il convient de remporter pour forcer notre alter-ego à se plier à notre bon vouloir. Ces prises de décision tracent l'avenir de Gollum, et mènent à plusieurs dénouements une fois l’épopée terminée. Les studios ont même imaginé de nouveaux antagonistes afin de composer une histoire originale aux conséquences multiples et surtout à même de surprendre les fins connaisseurs de la Terre du Milieu. Pas sûr que ces petites attentions soient suffisantes !
Difficile de se prononcer en l’état sur les nouvelles aventures de Gollum. Le peu de temps passé en Terre du Milieu ne nous permet pas d’émettre un avis définitif sur le jeu d’action-aventure de Daedalic Entertainment. Toutefois, si le fond nous apparaît solide, la forme laisse à désirer. L’amour du lore imaginé par J. R. R. Tolkien se ressent, et l’histoire pourrait s’avérer plaisante à suivre. Le reste, à commencer par le gameplay et la technique, peine à se hisser au niveau de la concurrence. Le Seigneur des Anneaux : Gollum a encore un long et tortueux chemin à parcourir avant d’espérer trouver son “précieux” en 2023.