Fort d’un joli succès avec les trois épisodes de Reigns (rencontre improbable entre une gestion de royaume et le swipe de Tinder) le studio Nerial va bientôt abattre sa nouvelle carte, avec Card Shark. Ce jeu qui mélange narration, réflexion et mini-jeux nous plonge dans la France du 18ème siècle alors que la Révolution se prépare. Une période propice au changement, tout comme aux tricheries les plus fourbes. Vous voilà en mission pour vider les poches de tous les bourgeois du coin. Un périple plus que séduisant, vous en conviendrez. Nous avons eu la chance de jouer près de quatre heures à Card Shark. Notre avis.
Card Shark - Tricher c'est gagner ! (Trailer)
Dans le cadre de cette preview, nous avons pu nous essayer à une généreuse portion de Card Shark, plus longue que les démos disponibles sur PC et Nintendo Switch. Le jeu sera disponible le 2 juin 2022 sur ces deux supports.
Un jeu qui vous invite à tricher, il faut bien l’avouer, ce n’est pas courant. Mais dans Card Shark, vous allez devoir ravaler votre honneur ! La dernière extravagance du studio Nerial - Reigns - est un véritable guide pour quiconque aspire à l’art sournois de la filouterie avec les cartes. Le joueur y incarne un simple employé d’auberge qui, au hasard d’un verre de vin, rencontre le Comte de Saint-Germain. Un gentilhomme exquis, en tout cas d'apparence. Car sous ses traits raffinés se cache un escroc redoutable, dont l’unique raison de vivre est de dépouiller celles et ceux qui croiseront son chemin. Par la force des choses, vous deviendrez son apprenti et sillonnerez les routes de France à la recherche de nouvelles victimes. L’occasion rêvée d’apprendre un peu moins de trente stratégies de triche et de vol. Mais alors que les sommes rondelettes continuent de s’amasser, un mystère plus grand fait son apparition. Mystère qu’il faudra bien sûr résoudre.
Drôle de tournée
En marge de sa superbe direction artistique, c’est le récit et le concept de Card Shark qui séduit d’emblée. Ici, vous ne devez pas suivre une partie de cartes dans son intégralité - contrairement à ce qu’on aurait pu croire - mais enchaîner les courtes séquences narratives à la manière d’un point & click puis les phases de jeu, où la triche s’exprimera à plein régime. Plus concrètement, après l’introduction, vous aurez le choix entre plusieurs missions un peu partout en France. De ce que nous avons pu voir, chacune se découpe en deux parties : l’une dédiée à l’entraînement et à l’apprentissage d’une nouvelle technique ; l’autre à la mise en pratique de celle-ci en conditions réelles, avec des gentilshommes prêts à se faire vider les poches à votre table. Une structure certes redondante mais parfois challengée par des surprises, notamment des retournements scénaristiques. En l’état, après quatre heures de jeu, nous n’avons ressenti aucune lassitude. On peut d’ailleurs noter un effort particulier sur l’écriture, à la fois délicieusement burlesque et grossière (avec les versions borderline de grandes figures de l’Histoire comme Voltaire et Henri d'Aramitz). Sans oublier une narration qui promet de gagner en épaisseur au fur et à mesure.
Une très bonne main
Ce qu’il y a de plus notable dans Card Shark, c’est ce qu’on ressent quand on y joue : on a beau tenir une manette, on a parfois l’impression de vraiment réaliser ces stratégies fumeuses et ingénieuses. Pour restituer ce sentiment, Nerial mise sur de petites séquences de gameplay qui mélange à la fois rapidité, réflexion et sang-froid. Par exemple, servir un verre à un convive ; voir sa main par-dessus son épaule ; communiquer discrètement à votre complice les cartes fortes en sa possession. Mais il ne faudra pas négliger l'œil inquisiteur de vos camarades de jeu, dont les soupçons grimperont au moindre faux pas (renverser un verre, passer un temps anormalement long pour mélanger un paquet). Même chose si vous démultipliez la mise après une manche par excès de confiance. Le tout prend la forme d’une barre qui se remplit doucement. Lorsqu’elle atteint son extrémité, la partie s’achève. Notez qu’il est possible d’atténuer ces doutes en faisant des gestes parfaits, comme pour cacher une carte dans votre paume.
À force d’être pris la main dans le sac, vous allez en baver ! En cas d’échec, certaines missions de Card Shark vous feront visiter les plus belles geôles du pays. Parfois, vous pourrez compter sur l’aide de votre “famille de tricheurs”, qui attend des dons réguliers de votre part. Mais parfois, la mort elle-même sera-là. Car dans son mode difficulté maximum, le jeu de Nerial peut aboutir à la disparition définitive de votre héros. Quoi de mieux que votre existence en guise de mise ?
Ça peut paraître simple et barbant dit comme ça, mais les phases de gameplay de Card Shark requièrent pas mal de précision. Si jamais vous orientez un peu trop le stick pour verser du vin, par exemple, le verre se remplira trop rapidement et vous n’aurez pas le temps de voir la main de votre adversaire. C’est un principe qui se décline jusque-là à toutes les stratégies que nous avons essayées. Et pour l’heure, c’est une franche réussite. D'une part, les mouvements avec la manette font toujours écho aux gestes réels. Et d’autre part, ces manipulations sont variées, toujours relancées par une curiosité maladive et naturelle à l’égard de ces tricheries élaborées. Ne vous fiez donc pas à l’apparente simplicité du titre. Une fois en main, tout prend son sens.
Carte forte ou faible
Vous l’aurez compris, nous sommes clairement sous le charme trompeur de Card Shark. Ce qui ne nous a pas empêchés de repérer deux ou trois bords écornés. À commencer par certains tours, dont l’apprentissage manque parfois un poil de pédagogie. Ou en ce qui concerne son système de progression, qui nécessite la réussite d’une mission à 100% - sans perdre la moindre manche - pour débloquer les suivantes, obligeant à retourner dans les mêmes lieux, à réécouter les mêmes dialogues. On espère aussi que dans la suite de l’aventure, la structure très codifiée des quêtes sera assez challengée pour renouveler l’ensemble. Si cette condition est respectée avec en plus un scénario et un dénouement digne de ce nom, alors c’est peu dire que Card Shark vaudra de l’or.
Par-delà de très belles qualités : son écriture, sa direction artistique ou son concept même (faire du joueur un expert de la triche dans la France du 18ème siècle) Card Shark semble - après nos quatre heures de jeu - réussir un pari encore plus fou. Nous donner le sentiment de “réellement” prendre part à des filouteries à la fois ingénieuses et précises, avec tout ce que cela demande d’adresse et de sang-froid. Les phases de jeu ont beau être d’une simplicité confondante, elles prennent tout leur sens manette en main. Il ne reste donc plus qu’à espérer que le studio Nerial entretienne cette magie le reste de l’aventure, sans négliger un récit qui promet quelques belles surprises. Pour l’heure, c’est un grand oui pour la nouvelle pépite des créateurs de Reigns.