Oui, ça ne vous a sans doute pas échappé, dans un monde idéal, vous devriez être entrain d'explorer Night City de fond en comble précisément à l'heure où vous lisez ces quelques lignes. Mais les impératifs de CD Projekt en ont décidé autrement, et il vous faudra encore patienter 3 petites semaines avant de pouvoir vous perdre dans les méandres de l'univers dystopique de Cyberpunk 2077. Cependant, pour nourrir votre soif d'informations et sans doute aussi un peu votre impatience, CD Projekt a décidé de sélectionner une infime poignée de médias spécialisés afin d'organiser une session de preview étalée sur deux jours, pour un total de 15 heures de jeu. Jeuxvideo.com faisait partie des heureux élus, aussi empressons-nous de faire un tout dernier point sur l'un des jeux les plus attendus de ces dernières années, avant sa sortie définitive, le 10 décembre prochain.
Notre Vidéo-preview de Cyberpunk 2077
Avant d'aller plus avant, il est nécessaire de rappeler que les conditions de cet aperçu étaient les mêmes que celles établies lors de notre précédente prise de contact avec le jeu, réalisée en juin dernier. Par conséquent, nous n'avons pas installé de version du jeu directement sur notre machine, mais l'avons streamée depuis un PC de test situé dans les locaux de CD Projekt. Aussi, du point de vue strictement visuel, difficile d'évaluer avec précision la conformité de la promesse du studio polonais à la réalité, aussi nous ne nous appesantirons pas outre mesure sur cet élément, bien d'autres points, tout aussi importants, sinon plus, restent à évoquer.
Bienvenue chez les Corpos
Après nous être essayés, fin juin dernier, au prologue en tant que Street Kid, gamin élevé dans les rues de Night City, et après avoir vu une portion de la voie du Nomade dans les différentes présentations publiques du jeu, nous avons cette fois-ci opté pour un départ en tant que Corpo, comprenez un membre d'Arasaka, l'une des puissantes entreprises à l'influence mondiale incontestable. Sans vous en révéler trop de détails, sachez simplement que votre V se trouve impliqué, sous la menace de son patron, dans une mission d'assassinat plutôt délicate. La mise en scène de cette introduction est suffisamment explicite - et bien foutue - pour vous faire comprendre la toute-puissance et l'impunité dont jouit votre entreprise, dont il serait malavisé de refuser les instructions. Malheureusement, les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu, et V se retrouve seul, lâché par son employeur et avec pour seul ami le charismatique Jackie Welles. Une courte ellipse plus tard et le prologue déroule son intrigue que vous connaissez sans doute déjà.
Récupérer un robot d'infiltration détenu par le gang du Maelström, essayer de ménager les intérêts des corpos au cours de l'opération... la première partie de l'introduction de Cyberpunk 2077, au-delà des voies uniques qui changent ses trois premiers quarts d'heure, a longuement été présentée par le passé. Cependant, par la suite, et quand bien même la voie choisie n'empêcherait pas le jeu de vous remettre sur les mêmes rails, indépendamment du choix effectué lors de la création de personnage, opter pour la voie Corpo nous a permis à nouveau de voir l'impact que ce choix peut avoir sur certains dialogues. Dans cette voie, notre V était particulièrement pertinent pour décrypter les rouages des corporations, forcément très impliquées dans de nombreux éléments de l'histoire. Le background de votre personnage est donc mis à profit et la réaction de certains protagonistes face à vos connaissances laisse à penser que CD Projekt a pensé à tout pour donner du sens à votre passé. Difficile, en revanche, de savoir précisément avec quelle force la voie sélectionnée impactera le déroulement de certaines quêtes, si tant est que ce soit une possibilité, ce qui permettrait alors de faire de la voie plus qu'une simple variation de dialogues.
Une immersion incroyable
Quoi qu'il en soit, l'histoire de Cyberpunk 2077 et la manière de la raconter devraient incontestablement être quelques-unes des forces du jeu et cette longue session de preview a été l'occasion pour nous de confirmer, pour l'instant, tout le bien que l'on pensait de ces éléments lors de notre première prise de contact avec lui. En premier lieu, il y a ce point fort, pourtant encore décrié, qui réside dans le choix de la vue à la première personne. Pour faire simple, si CD Projekt avait offert l'alternative de la vue à la troisième personne, nul doute que l'immersion et le sentiment d'incarnation de votre V n'aurait pas été magnifié de la sorte. Car oui, de vivre l'aventure à travers les yeux de V, c'est aussi vivre votre histoire à vous, et surtout, vous prendre de plein fouet des séquences de tension extrême, d'émotion ou de contemplation superbement mises en scène. Si nous nous garderons bien de vous révéler quoi que ce soit de spoilant, nous avons pu assister à des scènes d'une rare intensité, qui valident totalement CD Projekt dans son approche. Sans interruption ou activation manuelle, les quêtes se déclenchent d'une manière très fluide, lançant naturellement les dialogues lorsque vous arrivez à proximité d'un point d'intérêt. Et comme nous l'avions pressenti à la faveur de notre premier aperçu, l'écriture est impeccable, conformément aux standards du studio, qui semble être en quelques sortes libéré du carcan du lore imposé par celui de The Witcher et semble avoir lâché encore un peu plus sa plume, toujours dans le respect de Cyberpunk 2020, jeu de rôle papier dont le jeu est issu, mais avec plus d'audace et de contrastes entre moments terriblement sombres, parfois émouvants, et instants plus légers, voire carrément drôles.
Vous reprendrez bien un peu de Keanu ?
Notez d'ailleurs que l'histoire de V, en quête de gloire dans cette Night City bouillonnante et décadente, prend rapidement des tours assez inattendus, qui impliquent naturellement ce fameux Johnny Silverhand, dont les traits ont été empruntés à un guest de choix en la personne de Keanu Reeves. S'il serait, là encore, bien tentant de vous révéler la nature exacte des relations que vous entretiendrez avec ce personnage haut en couleur, nous n'en ferons rien, afin de ménager la surprise. Sachez simplement que les dialogues entre les deux protagonistes sont intelligemment écrits, tout à fait savoureux, que l'intrusion de Silverhand ne se limite en aucun cas à la quête principale, et, compte tenu de la qualité aperçue dans les quêtes secondaires, c'est tant mieux. En somme, si vous vouliez votre dose de Keanu dans l'aventure, vous devriez être servi assez copieusement. Et c'est d'ailleurs là l'occasion de souligner que nous avons pu essayer la VF du jeu, et que nous l'avons trouvée tout simplement impeccable, Jean-Pierre Michaël , comédien de doublage récurrent de Keanu Reeves, naturellement inclus.
Du côté narration, tous les voyants semblent donc au vert, y compris dans les quelques quêtes secondaires que nous avons pu essayer. La plupart d'entre elles étaient déclenchées par des événements logiques, liés à la quête principale ou tout simplement à votre volonté de dialoguer plus avant avec quelques interlocuteurs. Certaines quêtes, a priori anodines, recèlent d'embranchements plutôt surprenants, tantôt drôles, tantôt dramatiques et il a été un plaisir de traverser une poignée d'entre elles. Sur ce point, celles et ceux ayant apprécié le soin apporté aux contenus annexes de The Witcher 3 devraient trouver leur compte dans Cyberpunk 2077. La densité de l'univers invite à l'exploration, qui sait récompenser l'aventurier curieux, même si, en l'occurrence, nous avons eu la sensation qu'un petit côté « remplissage » était parfois de mise. Des événements se déroulant ici et là (rixe entre gangs, braquage, prise d'otage...), sont parfois indiqués sur votre carte comme autant de contrats à remplir pour vous garnir les poches en Eddies – la monnaie du jeu – sans pour autant qu'un soin particulier ait été apporté à leur mise en contexte. Intervenir pour faire cesser une agression devant laquelle vous passez vous rapportera un petit bonus en argent et en expérience, mais elle ne se résumera qu'à ça. Plus malin et mieux intégré qu'un simple contrat posé sur un panneau d'affichage, mais petit parfum de remplissage tout de même. Fort heureusement, cela ne semble être cantonné qu'aux activités très annexes, le reste des objectifs, même très secondaires, nous ont semblé quant à eux profiter d'une très bonne mise en situation, ne serait-ce que par l'intermédiaire de quelques textos reçus par les fixers, ces pourvoyeurs de contrats qui ont recours à des mercenaires comme V dans chaque quartier de Night City.
Vous le saviez déjà, Cyberpunk 2077 embarque avec lui quelques deux roues motorisées, que nous avons eu l'occasion d'essayer. Sur ce point, comme c'est aussi le cas pour les voitures du jeu (que vous ne pouvez voler à l'arraché qu'en fonction de certaines stats appliquées par vos soins à votre personnage), le constat est un rien mitigé. Quoi que très arcade, la conduite manque un peu de punch, la moto ne se manie pas avec la légèreté que l'on aurait espérée et les sensations de vitesse ne fonctionnent pour l'heure pas aussi bien qu'on l'aurait espéré. Il nous a été cependant précisé que ces écueils ont été corrigés entre notre version d'aperçu et la version actuelle.
Naturellement, au cours de nos 15 heures de jeu, il a régulièrement été question de nous introduire, par la ruse ou par les armes, dans des quartiers hostiles. Cela nous a permis de mieux comprendre comment Cyberpunk 2077 entendait gérer l'approche frontale. Si le V du prologue peut sembler un rien lourd et gauche dans son maniement des armes, il semble nettement moins l'être dès lors qu'il pratique certaines compétences. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en plus d'avoir une jauge d'expérience générale, qui vous permet de répartir vos points de compétence gagnés entre plusieurs caractéristiques générales, elles-mêmes divisées en sous-sections spécialisées, une autre jauge plus discrète se remplit, associée à l'arme que vous manipulez, ou à la manière dont vous abordez une situation. Privilégiez les approches frontales avec un fusil à pompe, et vos frags seront assortis d'une légère progression dans la manipulation de cette arme. Persévérez dans cette voie et vous sentirez d'une manière très nette l'augmentation de la stabilité et des dégâts infligés dès lors que vous manipulerez régulièrement votre type d'arme de prédilection. Indépendamment des gains d'expérience liés à l'accomplissement de quêtes, la pratique en jeu d'une catégorie d'arme ou l'approche d'une situation donnée est récompensée statistiquement (et avec quelques bonus intermédiaires), vous offrant une maîtrise croissante de l'arsenal que vous manipulez, d'une manière aussi maline que naturelle.
Au bout d'un certain temps, finalement assez court, nous avons pris grand plaisir à exploiter tout le panel de possibilité offert par les implants de notre personnage et profiter de notre évolution dans son arbre de compétence, très personnalisable. Ayant opté pour un V un rien hybride, nous avons pu à certaines occasions exploiter toute la gamme de nos augmentations. Un combat se déclenche, un PnJ nous aperçoit au loin et averti celui qui se trouve dos à nous ? Déclencher un scan de l'environnement, qui a pour mérite autant d'analyser l'environnement, de dévoiler les options de piratage des implants adverses que de ralentir le temps pour laisser un peu de latitude dans nos prises de décisions est une opportunité précieuse. Par exemple, faire surchauffer les implants du Voodoo Boy alerté au loin pour le neutraliser provisoirement laisse le temps de tirer à travers le couvert derrière lequel se trouve l'ennemi plus proche... voilà qui offre des perspectives tactiques intéressantes. Cela crée des situations d'action intenses, tendues, qui deviennent plus agréables à mesure que notre V gagne en puissance.
Un volet infiltration et technique qui créent des réserves
Mais nous parlons ici d'approche brutale, qui n'est pas non plus l'axe exclusif promis par Cyberpunk 2077 car il laissait entrevoir de larges perspectives d'infiltration, pour les V les plus discrets. Sur ce point, et c'est notamment là que se portent nos premières réserves, notre constat s'avère un peu plus prudent. S'il est bien un élément qui nous a frappé au cours de notre session, c'est celui de l'intelligence artificielle, qui n'est pas le point le plus flatteur du jeu, en l'état, et qui aussi semble ternir certaines promesses des présentations passées du RPG. Nous avons souvent été pris en défaut par des PnJ qui étaient un peu trop omniscients, capables de détecter un mouvement furtif pourtant bien dissimulé avec un promptitude frustrante, que même l'univers augmenté du jeu ne saurait justifier. Cyberpunk 2077, sur ce point, ne semble pas réinventer la poudre, et s'appuie aussi sur des ressors classiques d'infiltration à base de jauge de détection qui se remplissent progressivement en fonction de votre visibilité jusqu'à ce qu'elles deviennent rouges, synonyme de déclenchement de combat. Dès lors, il sera toujours possible de s'exfiltrer afin de regagner un peu de discrétion et de ne plus avoir des gardes en mode combat, mais en mode «alerte ». Les patrouilles de Voodoo Boys, ou de n'importe quel autre gang, deviendront alors assez aléatoires et confuses, vous laissant alors le soin de compiler autant que faire se peut avec l'architecture globale du niveau et les éléments piratables en présence pour attirer l'attention d'un ennemi loin de votre trajectoire.
Sur notre session, et c'est aussi pourquoi nous parlons de réserves, nous n'avons pas vu d'énormes perspectives de piratage environnemental, dépassant vraiment le statut d' « allumer un écran pour distraire » ou « pirater l'implant » pour désorienter un PnJ. Cependant, contrainte de temps oblige, nous n'avons pas pu malmener autant que nous l'aurions voulu le level design, qui semble parfois un peu trop évident, mais pour l'heure, l'infiltration présentée auparavant nous a semblée bien loin. A vérifier donc, sur la durée, avec plus de temps devant nous.
Enfin, c'est du côté de l'interface que nous avons constaté malheureusement assez peu d’améliorations sur les points qui en nécessitaient. Si certes aujourd'hui, la conscience de la rareté des objets que l'on ramasse ici et là figure d'une manière très nette à l'écran, la gestion de l'inventaire s'avère tout de même assez rapidement fastidieuse. Effectivement, vous vous retrouverez très rapidement avec une grande quantité d'armes en doublon, dont les caractéristiques qui s'affichent lorsque vous survolez telle ou telle arme sont particulièrement intrusives, masquant le reste de l'inventaire. Si l'on comprend ce choix, puisqu'il est possible de désassembler rapidement les armes ou les vêtements pour obtenir des composants de craft ou d'amélioration d'armes, assez sommaire et accessible, l'ergonomie générale favorise les erreurs lors de la destruction d'une arme, qui ne s'annule pas. La navigation globale est également un rien laborieuse, puisque, dans la grande quantité de quêtes, de choses à lire, de textos à envoyer, de consommables, de documents à consulter, le jeu multiplie menus et sous-menus affichés d'une manière certes lisible, mais un peu grossière. Heureusement, l'arbre de talent, lui, s'en sort nettement mieux.
Et, comme le monde est imparfait, impossible de ne pas souligner les quelques pépins techniques qui ont globalement régit notre session de jeu. Il n'est pas inutile de rappeler que la version de Cyberpunk que nous avons éprouvée datait de début novembre. Au cours de cette session, nous avons été confrontés à des bugs en pagaille. HUD qui disparaît, scripts qui ne se déclenchent pas et, plus anecdotique, PnJ inanimés, cigarettes qui flottent sans leur propriétaire... les bugs ont été légion, et si les développeurs nous ont assuré que certains d'entre eux ont été corrigés, ils se sont tout de même avérés très nombreux à tel point que nous nous sommes posés la question de savoir si, oui ou non, les efforts des équipes de CD Projekt suffiraient à fournir un jeu impeccable dans les temps. C'est tout le mal que l'on souhaite à ce Cyberpunk 2077. Encore un peu de patience.
Pendant 15 heures, Cyberpunk 2077 nous a souvent époustouflé, par son écriture, par sa mise en scène, par son univers et son atmosphère à couper le souffle. Il nous a également séduits pour ses gunfights et le système d'évolution du V que vous incarnez. Mais, aussi renversant semble-t-il être, il a également contrebalancé cet enthousiasme en se heurtant à un volet infiltration moins conséquent (pour l'heure) que ce qui était annoncé, assez peu aidé par une intelligence artificielle assez problématique dans certaines situations. Le volet technique, lui aussi, apparaissait encore comme une source de travail nécessaire avant la sortie, ainsi sera-t-il à nouveau plus prudent d'attendre le 10 décembre prochain pour enfin trancher et savoir si Cyberpunk 2077 aura le degré de finition que son incroyable promesse, de plus en plus concrète, mérite.