Quand on parle du studio anglais Revolution Software, on pense généralement à sa licence phare des Chevaliers de Baphomet. Née en 1996, la série s’est imposée auprès des amateurs de point’n click grâce à son humour mordant, ses personnages hauts en couleur et ses énigmes loufoques. Pourtant, bien avant les aventures de George Stobbart (et son fameux « clown »), Charles Cecil et ses compères se sont frottés à d’autres univers, comme le médiéval avec Lure of the Temptress ou la science-fiction et le cyberpunk avec Beneath a Steel Sky. Ce dernier, devenu un classique du genre, accueillera cette année une suite dont la direction artistique est l’œuvre, une nouvelle fois, de Dave Gibbons (le dessinateur et co-créateur de Watchmen). Beyond a Steel Sky a la lourde tâche de sublimer le lore de l’original tout en conservant son style si caractéristique. Voilà un premier aperçu de ce qui vous attend. Prêt à retourner dans les ruelles de Union City ?
Autrefois, Revolution Software optimisait son moteur maison, le Virtual Theatre, pour tenir tête au SCUMM de LucasArts. Dans le même temps, Dave Gibbons se dépatouillait avec le logiciel Deluxe Paint sur son Amiga pour donner vie à l’univers de Beneath a Steel Sky. Tout cela paraît bien loin et les développeurs, en suivant l’air du vent, ont choisi une approche beaucoup plus moderne pour cette suite. Si Robert Foster, le héros d’hier, est toujours de la partie, il évolue désormais dans un monde entièrement en 3D. Caméra dans le dos, l’avatar va devoir, comme dans le passé, braver les dangers de la mégalopole despotique. Alors qu'il se trouvait en présence de son ami Max et du fils de ce dernier, Milo, une machine infernale a surgi des profondeurs pour stopper net la partie de pêche et kidnapper le gamin. Max étant mal en point, Foster est le seul à pouvoir retrouver le gamin et le ramener près de son père. Mais bien évidemment, l'histoire va lui jouer des mauvais tours.
Depuis la fin du développement de Beneath a Steel Sky, Charles Cecil et Dave Gibbons se sont jurés de retravailler ensemble sur une suite. Malheureusement, les activités de l’un et l’autre ont empêché la collaboration et le temps a passé. L’enthousiasme des gens, toujours aussi vivace, ne s’est jamais estompé et les deux concepteurs recevaient régulièrement des demandes pour une suite. Lorsque l’opportunité de s’auto-produire s’est présentée, Charles Cecil n’a pas hésité à recontacter son acolyte. Comme au bon vieux temps, ils ont ainsi repris la plume et le crayon pour élaborer un jeu qui soit respectueux du socle original tout en étant une œuvre accessible aux nouveaux venus. Pour que le titre ait plus d’impact, ils ont opté pour une approche mêlant narration et puzzle, le tout dans un esprit de bande dessinée. L’univers puisant dans 1984 de George Orwell et Brésil de Terry Gilliam, on peut s’attendre à être surpris une nouvelle fois.
La ville, personnage du jeu
Union City est à peu à l’image de son enseigne Welcome qui s’effondre. Sous ces airs de mégacité se cache une population asservie par une intelligence artificielle et gangrénée par une crise politique. Dès l’introduction, le style de Gibbons est reconnaissable et immerge le joueur dans un milieu urbain entouré d’un désert aride, le tout étant expliqué sous la forme de planches et bulles de bande dessinée. En dépit d’une technique révolutionnaire, la direction artistique teintée de cel-shading et de couleurs chatoyantes soignent admirablement la rétine. C’est joli, l’animation est correcte et les premiers personnages que l’on rencontre donnent le ton d’une aventure placée sous le signe de l’humour, du cynisme et du charisme. Indéniablement, Charles Cecil et son équipe ont peaufiné le retour de la franchise imaginée au début des années 1990. Pour ne rien gâcher, l’ambiance musicale – pleine de mystère – et les voix anglaises sont convaincantes. Pour un premier contact, il y a vraiment de quoi être séduit !
Un gameplay à l’ancienne
Malgré l’enrobage 3D, la progression rappellera de nombreux souvenirs aux amateurs du genre. Tout repose sur un mélange d’interactions sociales, d’énigmes logiques et d’utilisations d’objets. Ainsi, lorsqu’on débarque à l’entrée de Union City, il faut trouver le moyen de pénétrer à l’intérieur de ses murs. Sans révéler le cheminement précis, il sera par exemple question de tromper un piaf pour récupérer le composant indispensable qu’il a dans son bec. Comme à l’époque, le joueur évolue ainsi pendant un certain temps dans un endroit plus ou moins exigu avant de poursuivre son périple. Au bout d’un moment, le héros récupère un appareil lui permettant d’accéder à une autre facette du jeu : le piratage. Le mécanisme, qui s’apparente à un puzzle, consiste à déplacer des éléments afin de faire dérailler les machines électroniques et autres robots. Piratage de distributeur, de mécanisme d’ouverture ou de tapis roulant, tout est bon pour pouvoir entrer dans Union City ! Une fois au cœur de la ville, le gameplay gagne en profondeur et fait appel aux différentes fonctionnalités apprises auparavant. Bien évidemment, les clins d’œil à Beneath a Steel Sky sont légion et si on tourne un peu en rond par moments, l’expérience de ces premières heures est vraiment agréable. En revanche, il a fallu se battre avec une base qui est encore loin d’être commercialisable.
Une vraie bêta
Ce n’est pas un hasard si le titre de Revolution Software n’a, pour l’heure, aucune date de sortie. Car en l’état, il n’est absolument pas prêt. Entre les problèmes de scripts qui ne se déclenchent pas, les bugs visuels ou sonores (personnages qui lévitent, plus de voix…), le conflit permanent entre la manette et le duo clavier/souris, il a fallu jongler pour se dépêtrer. Il faut alors recharger sa partie à une heure antérieure ou bien passer de la manette au clavier (et vice-versa) parce que le jeu ne réagit plus. La première partie est d’ailleurs un peu plus stable que celle qui suit, une fois en ville. Malgré cela, et c’est sans doute le plus rassurant, ces difficultés ne nous ont pas empêché d’apprécier cette prise de contact avec Beyond a Steel Sky. Prometteur !
Que vous soyez des adeptes de l’original ou des novices, Beyond a Steel Sky est parvenu à trouver un juste équilibre entre la nostalgie et les attentes du moment. Malgré ses contours 3D et son approche en semi monde ouvert, le jeu ne renie pas son passé et garde cette fibre du point’n click à l’ancienne. Les (nombreux) dialogues sont bien écrits, les situations sont cocasses et la progression, à défaut d’être révolutionnaire, laisse entrevoir une variété visuelle plutôt intéressante. Charles Cecil et son équipe ont encore de quoi faire pour aboutir une version commercialisable mais ils sont clairement sur la bonne voie.