Remedy, studio historique ayant officié sur les séries Max Payne, Alan Wake et plus récemment Quantum Break, poursuit sa quête du TPS narratif ultime en collaboration avec 505 Games. Control associe, le temps d'une aventure surnaturelle, liberté d'action et récit complexe au cœur d'une expérience architecturale capricieuse. Le dernier projet du studio finlandais joue assurément avec nos sens…mais est-ce pour notre plus grand plaisir ?
Nos impressions en 3 minutes
Lors d'un Press Tour organisé par 505 Games dans les studios de Remedy situés à Helsinki en Finlande, nous avons (re)découvert Control lors d'une présentation hands-off de 1h30 suivie d'une session de jeu de 20 minutes ainsi que des interviews de Mikael Kasurinen (Game Director), Paul Ehreth (Lead Designer) et Brooke Maggs (Narrative Designer).
Contrôler l’univers
Control ne conte pas la seule histoire de Jesse Faden, directrice du Bureau Fédéral de Contrôle, mais bien celle d’une agence gouvernementale secrète subissant l’invasion d’une force extra-dimensionnelle. Remedy tisse un univers complexe aux récits multiples vécus à travers les yeux d’un unique protagoniste doté de pouvoirs paranormaux. Enfermée dans The Oldest House, les immenses locaux de ladite organisation, notre héroïne affronte une menace surnaturelle sur fond de mystères entourant ce lieu singulier. Certes minimaliste, ce contexte fait naître une irrépressible envie d’en savoir plus et de parcourir ce complexe fraîchement abandonné.
Le scénario délaisse la linéarité habituelle des productions du studio et repose sur une narration décousue propice aux spéculations et aux interrogations. Seule la progression apporte son lot de réponses et de questions au cours d’une aventure mise en scène par le gameplay. Control confie les rênes de l’histoire aux joueurs qui découvrent au gré de leurs pérégrinations les secrets du Bureau via divers enregistrements audio ou vidéos, et Remedy compte bien exploiter ce filon en disséminant le lore et les événements à travers un dédale de salles et de couloirs. Et la présence de choix lors des dialogues accentue cette volonté de donner à Jesse Faden, et donc aux joueurs, les pleins pouvoirs.
L’ombre de Quantum Break plane sur Control de par son amour transi pour le béton, les surfaces monochromes et son architecture industrielle. Cependant, réduire ce TPS à cette simple comparaison ne saurait lui faire honneur. Les décors, partiellement destructibles, volent en éclat au moindre accrochage sous l’impulsion d’une héroïne aux pouvoirs destructeurs. Le visuel rend justice à cette débauche de puissance sous une pluie d’effets aguicheurs à même de retranscrire toute la puissance et l’intensité qui se dégage des affrontements. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Il se dégage de ce Bureau Fédéral un semblant de feu Black Mesa (Half-Life) qui n’est pas pour nous déplaire… bien au contraire. Derrière la simplicité de ces amas de béton s’impose une atmosphère pesante, une brutalité géométrique. Les artistes parviennent à faire cohabiter le commun et l’étrange en un lieu coupé du reste du monde aux environnements surprenamment variés (laboratoire parapsychologique, machineries, bureaux, sous-sol envahis par la végétation…). Control joue avec nos sens et notre perception de ce qui est ou devrait être par l’intermédiaire de variations en temps réel d’un même lieu ainsi que l’existence d’un plan astral, source de créativité et de désorientation. Sous de multiples formes, cette autre dimension happe Jesse Faden et ne la relâche que sous certaines conditions.
Making-of de Control sur The Oldest House
Explorer l'imprévisible
Remedy s’aventure en terrain inconnu avec Control en délaissant la linéarité de ses précédentes productions. Le studio qualifie lui-même ce TPS de Metroidvania et cela n’est en rien exagéré. La totalité de l’expérience repose sur l'exploitation d'un monde intrigant et l’obtention de nouvelles capacités permettant à la directrice du Bureau Fédéral de Contrôle d’atteindre de nouvelles zones jusque-là inaccessibles. Control ne prend jamais le joueur par la main, mais sème ici et là des indices essentiels. Un sentiment de liberté en émane, celui de se balader à l'envie au coeur d’un univers enclin à évoluer et à se corrompre, ou bien de choisir une mission (principale ou secondaire) et de la compléter à condition de posséder l'aptitude requise.
L’espace est ici le jouet des créateurs et le joueur un pantin cherchant tant bien que mal à contrôler un environnement fluctuant. La verticalité et la complexité des niveaux mettent à l’épreuve un sens de l’orientation souvent chahuté. Le labyrinthique Bureau est un lieu idéal pour mettre à profit les pouvoirs télékinésiques de l’héroïne à commencer par la lévitation sans laquelle l’exploration reste clouée au sol. La progression passe forcément par la découverte de chaque lieu, de chaque recoin. Il faudra couvrir les différents secteurs, apprendre à les connaître et récolter toutes les ressources mises à disposition pour venir à bout d’un périple qui s’annonce dense.
Bande-annonce de Control à l'E3 2018
Survivre au surnaturel
Remedy oblige, il faudra faire parler la poudre pour rester en vie. Et Control y met les formes. Victime de la causalité, Jesse Faden a tout de même du répondant et compte bien mener la vie dure à The Hiss à l’aide de ses fameux pouvoirs paranormaux et de leurs upgrades. Notre héroïne dash instantanément, lévite à plusieurs mètres du sol, se protège avec un bouclier de gravats et utilise le décor comme projectile pour se défendre. Mieux encore, cette dernière peut altérer l’esprit de plusieurs ennemis et les forcer à combattre pour elle. La directrice possède un autre atout dans son holster… une arme de service multi-fonction qui s’adapte à toutes les situations via différentes formes et améliorations à glaner et/ou crafter au fil de l’aventure.
La prise en main des aptitudes et de l’arme s’avère d’une efficacité redoutable et surtout déconcertante de facilité. Après quelques échanges houleux, Jesse Faden fend les airs et s’abat sur ses cibles tel l’ange de la mort. Pour lui donner le change, le studio a imaginé un bestiaire de créatures aux comportements et compétences variés obligeant les joueurs à s’adapter et à exploiter au mieux les options qui s’offrent à eux. Et l’intelligence artificielle a spécialement été conçue pour répondre aux besoins d’un Metroidvania avec ses apparitions contrôlées et sa propension à exploiter l’environnement. Control surprend par l’intensité de ses combats et sa faculté à faire ressentir manette en mains toute la puissance de la télékinésie sans complexifier outre mesure le gameplay.
Control est bien plus qu’une simple “suite spirituelle" de Quantum Break. Remedy souhaite repousser les frontières de la narration par le gameplay en s’appropriant les codes du Metroidvania et pourrait être en passe d’y parvenir. De plus, ce TPS surnaturel conserve l’essence des jeux qui ont fait jadis la renommée du studio finlandais, à savoir l’intensité des gunfights, la maîtrise technique et l’univers sombre et immersif. Il nous tarde de (re)prendre définitivement le contrôle.