En 1993, le très prolifique SNK illuminait le monde du jeu de combat avec Samurai Shodown, premier épisode d’une série au succès finalement très confidentiel. Préfigurant les concepts de base du Soul Blade / SoulCalibur de Namco, Samurai Shodown et ses suites étaient des jeux de combat à l’arme blanche, faisant la part belle aux contre-attaques hyper létales plutôt qu’aux longs combos. En 2019, SNK remet le couvert et l’on a constaté avec plaisir que la formule n’avait pas pris une ride.
Nous avons été invités par l’éditeur à nous joindre à un événement presse organisé à Londres, où nous avons pu l’essayer pendant un peu plus de deux heures, en solo d’abord puis à deux joueurs ensuite. Le jeu tournait sur PlayStation 4 Pro ; six personnages étaient jouables (Haohmaru, Charlotte, Earthquake, Jubei Yagyu, Genjuro Kibagami et Galford) et seulement trois arènes étaient disponibles.
Samurai Shodown : voilà un nom qui ne doit pas dire grand-chose aux petits jeunes, mais qui aura une résonance toute particulière aux oreilles des vieux de la vielle. Car si aujourd’hui, en matière de jeux de combat à l’arme blanche, Soul Calibur fait référence, cela n’a pas toujours été le cas. Au début des années 90, le studio SNK offre aux gamers enthousiastes Samurai Shodown, un jeu de combat d’un nouveau genre. Ici, point de combos à rallonge mais des passes d’arme très brèves, où la contre-attaque fulgurante est élevée au rang d’art. Frapper peu, mais frapper fort, voilà tout l’intérêt de ce Samurai Shodown qui a subjugué de nombreux joueurs grâce à sa direction artistique et son imagerie japonaise très forte. Un jeu atypique qui a donné lieu à plusieurs suites mais qui n’a jamais connu le succès qu’il méritait auprès du grand public. Et si les choses changeaient en 2019 ?
Une mise à jour graphique réussie
Difficile de ne pas remarquer l’étonnante évolution graphique de ce Samurai Shodown, présenté par ses créateurs comme un reboot de la série. Rappelant vaguement le travail effectué par Capcom sur Street Fighter IV, ce nouveau Samurai Shodown joue avec les proportions de ses personnages comme avec les couleurs, pour proposer un rendu visuel saisissant. Un traitement qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui d’un titre bien différent, Okami, avec l’utilisation de traits noirs appuyés qui viennent souligner certaines extrémités des modèles 3D des personnages, ou des aplats de couleur qui semblent avoir été posés sur du papier. Cela donne un côté très… organique aux graphismes du jeu, qui se modernisent intelligemment tout en préservant la touche très japonisante de la série.
Samurai Shodown n’est pas inattaquable pour autant puisque cette direction artistique sert aussi beaucoup de cache-misère. Il est évident qu’il s’agit d’un production à petit budget et les décors des trois arènes que nous avons pu voir sont assez faibles, sur le plan technique. Les textures manquent de précision, les animaux qui apparaissent à l’occasion sont modélisés assez grossièrement, bref c’est un peu limité mais le style visuel du jeu fait que cela fonctionne malgré tout. Il faut dire que les différentes arènes sont assez riches en détails et ont beaucoup de personnalité ; ce qui, couplé au design très réussi des différents combattants, donne un charme tout particulier à Samurai Shodown. Oui, ce n’est pas toujours très joli lorsqu’on s’arrête sur les détails, mais dans les faits, en jeu, cela n’est jamais dérangeant. Si l’on craignait de tomber sur un pastiche de Street Fighter IV, il n’en est rien : ce nouveau Samurai Shodown a beaucoup d’identité et réinvente intelligemment les codes graphiques de la série. Bon point donc.
Zatoichi Simulator 2019
Manette en mains, les sensations reviennent vite. On retrouve ce gameplay si différent, dans lequel le joueur doit être patient et faire montre d’un joli sens du timing. Les coups de Samurai Shodown peuvent infliger beaucoup, beaucoup de dégâts et un round peut être terminé en moins de trente secondes. Il faut donc savoir quand et comment attaquer, pour maximiser ses chances d’infliger des dégâts à l’ennemi.
Côté commandes, on retrouve les habituels Kick, Coup faible, Coup Moyen et Coup Fort, disposés respectivement sur Croix, Carré, Triangle et Rond. Les différentes gâchettes sont en fait des raccourcis manette qui permettent d’effectuer plus facilement certaines actions, comme le Dodge (R1) ou les brise-gardes (R2). Le système de Rage fait son grand retour et il est donc toujours possible d’entrer en Rage en pressant L2, et de déclencher une attaque spéciale particulièrement douloureuse en appuyant sur ce même bouton. Rappelons que la jauge de Rage se remplit en prenant des coups et permet donc d’infliger plus de dégâts en fin de round, ce qui apporte une tension évidente aux combats. Attention toutefois, lorsque l’attaque spéciale a été utilisé, la jauge de Rage disparaît : il n’est donc plus possible de bénéficier de ses effets. Fait intéressant, l’activation de la Rage génère une courte animation qui permet de repousser un ennemi et donc de contrer certains coups. Cela peut donner lieu à des contre-attaques brutales, ce qui impose de rester constamment vigilant, a fortiori lorsque la jauge de Rage est remplie. À noter l’ajout d’un nouveau type d’attaque, sobrement intitulé « Super Special Move », en fait une attaque spéciale plus puissante encore et qui peut être utilisée en état de Rage, en effectuant la bonne commande (6 41236 + R2). On parle ici d’une attaque qui peut faire disparaître 80 % de la vie d’un adversaire : autant dire que le move est plutôt intéressant.
Tout est fait pour rajouter de la tension à des affrontements qui n’en manquaient pourtant pas. Car évidemment, puisque tout se joue sur la capacité du joueur à frapper vite, fort, au bon moment, il existe pléthore de façon de se défendre, ou de tromper le bretteur adverse. Par exemple, en appuyant sur Arrière au bon moment, il est possible d’effectuer un Just Defense, qui permet de bloquer l’attaque ennemie, pour contre-attaquer juste après. Il n’est d’ailleurs pas rare que les Just Defense s’enchaînent jusqu’à ce qu’un joueur finisse par craquer, ce qui donne naissance à des passes d’arme vraiment intéressantes, où le mind-game l’emporte sur tout le reste. On apprend vite à contre-attaquer intelligemment après un Just Defense puisque celui-ci ne stun pas l’ennemi : si l’on opte pour un coup fort, il y a fort à parier que l’ennemi aura le temps de frapper avant, alors qu’un coupe faible mais plus rapide aura plus de chance de toucher. On parie donc constamment sur les actions adverses et il faudra du temps et de l’entraînement pour réussir à reconnaître les animations (très réussies, du reste) des différents combattants, afin de prédire leurs actions à venir.
Fin et subtil, Samurai Shodown l’est jusque dans sa manière de permettre de désarmer l’adversaire, ce qui constitue certes un handicap, mais le jeu permet là encore plusieurs retournements de situation, grâce notamment à la possibilité d’attraper à mains nues l’arme ennemie ; ou encore de contrer les coups en frappant au bon moment, pour que les lames s’entre-choquent.
Terriblement accrocheur
La formule éculée « easy to play, hard to master » (facile à jouer, difficile à maîtriser) s’applique fort bien à ce Samurai Shodown qui sur le papier propose finalement des commandes assez classiques, à base de quart et demi-cercles, et des coups spéciaux très faciles à sortir. Les personnages réagissent au doigt et à l’oeil et au bout de quelques combats seulement, on fait le tour de ce que permettent les différents combattants.
En revanche, il brille par la profondeur de ses mécaniques, qui font de chaque combat un court moment d’une intensité extrême, ou le moindre whiff est sanctionné d’un terrible coup de katana. Les retournements de situation sont donc légion, et créent l'horrible mais envoutante sensation de pouvoir perdre à tout moment, ce qui donne au jeu un petit goût de "reviens-y". Le tout est porté par un casting franchement réussi et l’on a pris grand plaisir à (re)découvrir les six personnages présents sur cette démo. Tous sont finalement très différents et chacun devrait trouver son petit chouchou ; si nous avons craqué pour la sauvagerie des coups de Genjuro ou la rapidité de frappe de Yubei, certains seront peut-être plus intéressés par la polyvalence de Haohmaru ou les attaques à distance de Galford. Dans tous les cas, esquiver, parer, frapper est un réel plaisir, grâce au soin apporté par SNK aux petits détails, comme les légers ralentissements sur certains coups, ce qui met en valeur les contres réussis ou les coups les plus mortels. À ce titre, Samurai Shodown est un jeu qui est très agréable à regarder, autant qu’à jouer. On a hâte d’assister aux joutes qui opposeront les meilleurs bretteurs de la planète.
Samurai Shodown a toujours été un peu à part, une différence qu’il a su cultiver avec le temps et pour lequel il a été apprécié. Cet épisode 2019 ne réinvente pas la roue mais la modernise intelligemment, d’abord avec un visuel plutôt réussi mais aussi quelques nouveautés de gameplay bien senties. Malin, viscéral, stressant et addictif, le titre de SNK a semble-t-il toutes les chances de séduire les fans de la série, et pourquoi pas quelques nouveaux venus, à sa sortie en juin 2019.