On y retrouve l’exigence des combats de Dark Souls, la vélocité d’un Bloodborne, la même maîtrise du level-design ainsi qu'une ambiance tout aussi sombre et enivrante. Sekiro Shadows Die Twice ne semble pas trahir son étiquette de successeur spirituel de la série des « Soulborne ». Chapeauté par Hidetaka Miyazaki, le nouveau From Software souhaite aussi battre de ses propres ailes grâce à ses choix de game design. Furtivité, éliminations instantanées, verticalité des environnements, présence d’un grappin, arbres de talents, autant d’ingrédients qui participent à forger l’identité de ce Sekiro. Alors dégainez votre katana, aiguisez votre sens du combat et préparez-vous à croiser le fer avec de redoutables adversaires dans des affrontements où même la mort est envisagée comme une nouvelle opportunité stratégique.
Nous avons été invités par Activision au sein du studio From Software, à Tokyo, afin de jouer environ 4 heures à Sekiro Shadows Die Twice. Notre aperçu couvre une partie du début du jeu ainsi qu’une section de gameplay au sein d’un environnement plus avancé.
Pas de bras...
Si les Souls ou Bloodborne déroulaient leurs intrigues dans des univers imaginaires sauce dark fantasy, Sekiro prend le parti de baser son action sur un contexte historique réel, celui de l’ère Sengoku, période de trouble et de conflit du XVème siècle japonais. Un choix délibéré de la part du studio qui souhaitait explorer cette facette de l’Histoire dans l’une de ses productions. Ne vous attendez toutefois pas à trouver une peinture fidèle de l’époque, comme ce fut le cas pour Nioh, le Japon médiéval brossé par Sekiro regorge de créatures folkloriques, de démons et autres guerriers aux compétences surhumaines. On y reconnaît même assez vite la patte From Software autant en matière de création d’environnements, d’ambiance générale assez sombre que lors des dialogues avec les différents PNJ du jeu.
Première divergence d’envergure avec la formule Soulborne, le joueur ne passe pas par la création d’un avatar personnalisé, ne choisit pas une classe de départ, il incarne Sekiro (littéralement le loup à un brasen japonais), un ninja doté de sa propre histoire et personnalité. L’homme a voué sa vie à protéger un tout jeune seigneur, au prix même de son bras gauche que l’on perd lors d’un duel de boss scénarisé à l’issue du tuto. Une perte très rapidement compensée par l’installation d’une étrange prothèse installée par un non moins étrange moine déchu (qui vous rappellera un certain André le forgeron) au sein d’un vieux temple abandonné.
L’endroit servira par la suite de HUB central, un lieu de craft, d’amélioration de nos outils de combat, d’entraînement à de nouvelles techniques et d’échanges avec certains personnages. La construction de ce Sekiro reprend néanmoins la formule From Software, un vaste environnement de jeu ouvert où chaque zone pourra être visitée à un moment ou l’autre de l’aventure. Les habituels feux de camp des Souls sont ici remplacés par des idoles religieuses auprès desquelles prier afin de restaurer sa santé ou bien se téléporter via un système de voyage rapide.
Ninja Souls
Au personnage imposé s’ajoute un combo d’armes lui aussi établi par le jeu : un katana associé à notre prothèse de bras gauche. Ce duo d’outils est au centre de la formule de combat d’un jeu dont l’idée principale et de nous plonger dans la peau d’un ninja. Le système de combat, la progression du joueur et même l’exploration, tout s’articule autour de cette philosophie. Un ninja n’est pas fait pour foncer tête baissée dans la mêlée, il se montre au contraire attentif au moindre détail et exploite à son avantage les faiblesses de son ennemi.
Les combats de Sekiro démontrent assez rapidement tout leur potentiel tactique. Rien ne sert de s’acharner sur l’adversaire à grands coups de katana, il faut plutôt bien étudier son comportement, ses attaques et idéalement les contrer au bon moment afin de briser sa garde. Cela va créer des opportunités de contre-attaques capables de terrasser en un seul coup la plupart des ennemis de base. Si la barre de vie de l’ennemi est importante, c’est d’avantage sa jauge de garde qu’il convient d’observer. Plus tactiques que ceux d’un Dark Souls, aussi nerveux que ceux de Bloodborne, les affrontements de Sekiro transmettent l’agréable sensation de vivre de véritables duels avec d’autres manieurs d’armes blanches ; le fer s’entrechoque régulièrement, les contres s’enchaînent des deux côtés et il n’est pas rare qu’une rencontre se termine en quelques passes d’armes en cas de bonne exécution des parades.
L’exécution parlons-en d’ailleurs puisqu’il s’agit d’une composante très importante du jeu et d’une autre spécificité de Sekiro. Ninja oblige, et influences d’un certain Tenchu en bandoulière, From Software associe à ces combats techniques différents degrés et usages de l’infiltration. Notre ninja est capable de s’accroupir, de se dissimuler dans la végétation ou encore de se plaquer dos aux murs afin de mieux surprendre ses adversaires. Ces attaques furtives suffisent à terrasser les ennemis les plus faibles et causent de sérieux dégâts aux autres. L’idée est donc de profiter de la grande verticalité des décors ainsi que des nombreuses planques de l’environnement afin de planifier son plan d’attaque tel un vrai ninja. L’exaltation après la victoire se retrouve ainsi décuplée par ce nouvel aspect tactique.
Dieu nous prothèse
Le grappin associé à notre prothèse accompagne cette nouvelle approche des rencontres et de l’exploration. Il peut être accroché à de nombreux éléments de décors comme les branches d’arbres ou les toitures et offre une manière inédite de se déplacer dans les environnements d’une production From Software. Le level-design tout en verticalité et sans barrières entre les zones visitées permet à cette fonctionnalité d’exprimer son plein potentiel. L’outil est aussi très utile lors des combats où il offre l’opportunité de s’accrocher à certains points faibles de l’adversaire afin de lui asséner de violentes attaques.
La prothèse de Sekiro est aussi un outil de combat multifonction. Une arme offrant un éventail très intéressant de nouvelles possibilités stratégiques. Le joueur va dénicher différentes améliorations pour son bras mécanique au cours du jeu et ira par la suite les faire installer au sein du sanctuaire d’Ashina. Nous avons eu l’occasion de tester plusieurs de ces outils prosthétiques, tels qu’un lanceur de shurikens, un lance-flamme, une hache, etc. En plus d’apporter de la diversité dans la manière d’aborder les rencontres, ils agissent tout en tant qu’outils adaptés à la plupart des situations de jeu. La hache permet par exemple de briser les boucliers des adversaires, les flammes affaiblissent grandement nos cibles tandis que d’autres ajouts vont pouvoir les déstabiliser.
Mourir… pour mieux revenir
Mais même très bien préparé, un Ninja n’est pas à l’abri d’un échec, et c’est ici qu’intervient une autre mécanique propre à Sekiro, celle de la résurrection. La mort et ses conséquences ont toujours eu une place de choix dans les jeux From Software. Plus qu’un obstacle, l’échec a toujours été perçu comme un moyen d’avancer, d’apprendre de ses erreurs pour se perfectionner. Le sentiment de gratification des Soulborne serait bien moindre s’il n’était pas associé à la peur de perdre quelque chose. Dans Sekiro, notre personnage est capable de se relever d’entre les morts et de reprendre le combat. Concrètement, le joueur dispose de deux opportunités de revenir à la vie en cas d’échec. Ces similis « continues » sont symbolisés par deux emblèmes au dessus de notre barre de vie. La mort est donc ici perçue non plus comme un simple échec, mais comme une nouvelle opportunité tactique, un moyen de reprendre le combat et de surprendre son adversaire. Les dieux peuvent aussi parfois nous accorder leur bénédiction et nous éviter la perte d'expérience, un effet bonus à approfondir lorsque nous mettrons la main sur la version finale du titre.
Attention toutefois, car revenir de l’au-delà n’est pas sans contrepartie, le joueur perd l’expérience accumulée au combat et ne se relève qu’avec la moitié de ses points de vie. Les deux symboles de résurrection peuvent être rechargés, l'un en priant face aux idoles de sculpteur au prix du repop des ennemis de la zone, le second lors de certains finish sur les ennemis d'une zone. Cette mécanique rend-elle Sekiro plus simple que les productions précédentes du studio japonais ? Nos quelques heures de jeu nous démontrent que non, le titre requiert une exigence de tous les instants en combat, le jeu apparaît encore plus technique qu’un Souls, encore plus intransigeant avec les erreurs. La mort fait ainsi partie de notre arsenal dans l’idée de contrebalancer le niveau de difficulté de l’ensemble. Mourir affecte aussi l'état du monde qui vous entoure, une étrange affliction appelée la pourriture du Dragon modifie l'état des principaux PNJ du jeu. On ne connait pas encore l'impact sur le long terme d'une telle mécanique, mais elle fait écho au système de tendance de Demon's Souls.
Un mot enfin sur la progression de Sekiro, un point sur lequel nous reviendrons plus en détails dans notre test. L’expérience accumulée en combat permet de débloquer des points de talent lorsque la jauge atteint un palier. Mourir avant ce palier signifie perdre sa progression et l’argent récolté sur les ennemis. Ces deux ressources sont séparées, l’expérience sert à l’achat de nouvelles techniques de combats, actives ou passives, et l’argent est à dépenser auprès de marchands pour l’acquisition de différents consommables. La rejouabilié de Sekiro résidera en partie dans la façon de construire le build de talents de votre personnages car il est possible de privilégier le combat au sabre, la furtivité ou bien les outils de prothèse.
Sekiro offre un savoureux mélange d’influences, un From Software à déguster à la sauce samouraï où l’exigence des combats côtoie une progression repensée grâce à l’infiltration. Plus vertical, plus tactique et toujours aussi gratifiant après la victoire, le nouveau bébé du studio japonais impressionne par sa prise en main jouissive et bourrée de subtilités. Lorsque les Souls rencontrent Tenchu, le mariage fait mouche et parvient à se forger sa propre personnalité. On a hâte d’y mourir en boucle (et de nous relever encore et encore) dès sa sortie le 22 mars prochain sur PS4, Xbox One et PC.